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"Que j'apporte l'amour" : témoignages venus du Caire

Dans la nuit du nouvel an, une église copte d'Alexandrie (nord de l'Egypte) était visée par un attentat qui a fait 21 morts.
Soeur Marie-Thérèse, une franciscaine originaire de Bains-les-Bains (88) vit au Caire depuis plusieurs années. Envoyé spécial de l’Est républicain au Caire, Patrick Perotto a pu rencontrer Sœur Marie-Thérèse. Son article a été publié le 10 janvier 2011 dans le quotidien régional. Avec l’autorisation de son auteur, http://www.catholique-vosges.fr reproduit ci-dessous cet article. Avec nos remerciements à Patrick Perotto et au journal.

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Sincères, de nombreux musulmans ont apporté leur soutien aux coptes d'Egypte. L'enjeu est celui de la présence de chrétiens dans ce pays musulman.

Des chats furètent sur le marbre blanc de la cour de la mosquée Al-Azhar à la recherche d'une quelconque miette à laper. A peine la prière du midi achevée, des étudiants se sont installées sous les arcades le long des murs. Seul ou en groupe, certains révisent leurs cours ou écrivent, d'autres prient ou mangent, leurs chaussures à portée de main. Des Arabes bien sûr, mais aussi quelques Africains et beaucoup d'Indonésiens. C'est ici, au Caire, qu'ils se forment à un islam sunnite pur et dur, voire intransigeant et beaucoup finiront par rejoindre les Frères musulmans, fondés en Egypte par le grand-père de Tariq Ramadan, le célèbre prédicateur. "Derrière tous les discours officiels, les images du pape copte Chenouda III avec l'imam d'el-Ahzar, voyons la réalité : l'enseignement dans les écoles coraniques et mes prêches dans les mosquées, Ces gens-là sont des fondamentalistes bien qu'ils s'en défendent", souligne un expatrié européen. Assis dans un baladi, un café populaire, Mohammed, un enseignant aux cheveux grisonnants, fume tranquillement la chicha et sirote son thé. Il confirme : "Ici, les frères sont très populaires. Ils recrutent beaucoup. Il s'appuient sur la misère des gens". Tantôt tolérés tantôt pourchassés par l'Etat, ils prospèrent sur ce vivier et diffusent leurs idées dans la société.
Dans ce climat, les coptes se considèrent, souvent à juste titre, comme des citoyens de seconde zone, même si depuis l'attentat d'Alexandrie, qui a causé la mort de 23 personnes et en a blessé une centaine d'autres, de nombreux témoignages de sympathie, souvent émouvants, leur sont adressés. "Après ce crime, dans mon école, des élèves chrétiennes pleuraient, les musulmanes se sont excusées. Je leur ai expliqué que c'était bien d'avoir de la compassion, mais que ceux qui devaient s'excuser c'étaient les terroristes", poursuit Mohammed. Un professeur d'arabe qui donne des cours particuliers a aussi demandé pardon au père de son élève.
"Avoir peur c'est être lâches", disent beaucoup de coptes bouleversés d'abord puis catastrophés par l'explosion., au vu de ce qu'elle signifie pour eux. Comme en Irak, ceux qui en ont les moyens émigreront, mais les plus modestes resteront et subiront, selon les termes d'observateurs. "Il est difficile de cerner la véracité du discours des responsables musulmans et des autorités", indique l'un d'eux. Le gouvernement tolère les Frères musulmans tout en les réprimant de temps à autre. Ils n'ont pas souhaité participer aux dernières élections dont les résultats, plus que favorables au parti de Moubarak, étaient courus d'avance. Sur 508 députés, les coptes, eux, n'ont obtenu que trois sièges.

Une religieuse vosgienne

Le consensus actuel et les appels à l'"unité nationale", l'affirmation non prouvée selon laquelle le kamikaze était un étranger montre l'inquiétude du pouvoir. Depuis le règne de Sadate dans les années 70, il a encouragé la réislamisation de la société. qui " progressivement, insensiblement" a gagné du terrain. Un climat de violence s'installe insidieusement", selon Mohammed. Un jeune copte explique : "A l'école, la première phrase de mon premier livre de lecture commençait par Je suis musulman. Je ne peux pas prononcer ces mots". Pendant le ramadan, des gamins musulmans qui peuvent ne pas le pratiquer s'en prennent aux petits chrétiens qui mangent ou boivent.. Les exemples abondent, toujours dans le même sens, alors que tout un courant salafiste, partisan d'un islam rigoriste, souhaite l'extension de la oumma, la communauté musulmane, à l'Europe.
Lancées par l'Etat islamique d'Irak, lié à al-Qaïda, les menaces début novembre qui ont mené à l'attentat du 1er janvier contre les coptes sont parties de la conversion d'une chrétienne. Récupérée par sa famille qui n'accepterait pas qu'elle soit devenue musulmane elle serait séquestrée contre son gré. Mais où est la vérité dans cette histoire ?
"Ici, les gens sont attachés à leur foi", souligne encore l'expatrié. "Il y aura toujours des chrétiens en Egypte. On ne peut pas éteindre la foi des gens. En Russie et en Chine, on a voulu l'étouffer et elle est toujours vivante". Installée en Egypte depuis plusieurs décennies, soeur Marie-Thérèse, une franciscaine de Bains-les-Bains dans les Vosges pressent des changements mais pour elle, ils se produiront à l'aune des siècles. Pour cette religieuse, le but doit être "le bonheur de l'humanité et le la fraternité universelle". Elle mise sur le respect de l'autre et l'amour : " Si tout être humain, quelle que soit sa race, sa religion, essayait de vivre ces valeurs, la face du monde changerait", affirme-t-elle, pleine d'espérance. Et de citer la deuxième phrase de la prière attribuée à François d'Assise : "Là où il y a de la haine, que j'apporte l'amour".

Patrick PEROTTO

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Publié le 11/01/2011 par Christophe CHEVARDÉ.