Aller au contenu principal

Service National pour les Relations avec le Judaïsme (S.N.R.J.)



J’ai participé pour la première fois comme délégué aux relations avec le judaïsme à une session nationale à Paris, à la Maison de la Conférence des Evêques, rue de Breteuil, ce 26 novembre dernier.

Nous nous sommes retrouvés une quarantaine, et pas tous en tant que délégués officiels, mais intéressés à divers titres (Amitiés judéo-chrétiennes, chargés des relations avec l’Islam ou de l’œcuménisme…). Quelques uns comme moi étaient des nouveaux nommés, mais je ne débarquais pas tout à fait en terre inconnue puisque j’avais participé en janvier à quatre journées de formation aux Bernardins : je retrouvais donc là des formateurs, comme Danielle Guerrier et Elisabeth Martin, et quelques participants de cette formation. La journée était présidée par Mgr Jordy, evêque de Saint Claude et président du Conseil pour l’unité des chrétiens et les relations avec le judaïsme, et animée par le Père Patrick Desbois, directeur du S.N.R.J. et consacrée à la question : « Qu’attendent les juifs des chrétiens aujourd'hui ? »

Intervention du P. Desbois : Où en sommes-nous ?

Le Père Desbois souligne quelques points pour guider notre réflexion sur les relations chrétiens-juifs aujourd'hui.
— Quel souvenir avons-nous de ce qui s’est passé 30 ans avant notre naissance ? C’est le cas des jeunes de 20 ans aujourd'hui pour le Concile et * Nostra Aetate.


— Il y a eu une évolution rapide de la communauté juive, 70 ans après la « libération » d’Auschwitz, mais les derniers témoins disparaissent, tandis qu’il y a un renouveau du négationnisme.


— Problème des priorités dans l’Eglise, avec des effectifs en baisse. Beaucoup d’évêques sont favorables au dialogue, mais les moyens sont très différents d’un diocèse à l’autre. Nous sommes très différents : certains ignorants, certains ont des connaissances de la langue hébraïque ou en théologie, ou par un voyage en Israël, ou passionnés de l’Israël d’aujourd'hui. Certains sont engagés dans le dialogue juifs-musulmans… Certains sont encore dans l’Eglise parce que en relation avec le judaïsme


— Problème de la « balkanisation » du Moyen Orient et de la médiatisation du conflit israélo-palestinien.

Intervention du Docteur Richard Prasquier (ancien président du CRIF, Conseil représentatif des Institutions Juives de France) : les attentes de la communauté juive.

Nostra Aetate évoque peu de choses aujourd'hui pour un juif de 30 ans, mais a été marquant pour lui-même et pour beaucoup de juifs. Aujourd'hui, le dialogue paraît normal, ce qui n’était pas le cas à l’époque.
Constituée alors surtout de juifs ashkénazes, la communauté actuelle est à 75% sépharade, originaire d’Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie), donc dans un contexte musulman, avec très peu de rapports avec les catholiques et leur histoire, à la différence des ashkénazes. Ceux du Maroc surtout ont de fortes traditions de vie communautaire. Il y a donc un travail à faire chez les juifs pour percevoir le changement d’attitude de l’Eglise.

La géographie s’est modifiée : grande concentration de la population juive dans certaines grandes villes, et d’autres sans communauté. La communauté juive de France est la 2ème plus grande de la diaspora dans le monde, et la 1ère en Europe, peut-être 500 000 personnes, soit plus qu’avant la guerre. Les juifs français représentent à peu près 10% de la population en Israël pour 7M6 d’habitants. La moitié des juifs de France se retrouve chaque année en Israël. Quelques uns sont anti-Israël. Longtemps, ceux de retour des camps n’ont pas parlé, parce que non considérés comme résistants, mais aussi par autocensure, craignant d’avoir des interlocuteurs antisémites. La sortie du « refoulé » se fait dans les années 60. En 1995, le discours de J. Chirac au Vel d’Hiv reconnaissant la faute de la France produit une libération de la mémoire et de la parole.

L’antisémitisme (sondage Fondapol) se présente rarement tel quel aujourd'hui. S’y substitue « l’amalgamisme » c'est à dire la banalisation de la Shoah, parmi d’autres drames et génocides, le terme étant employé dans des évènements avec quelques centaines de morts. On assimile violence de masse et génocide. 35% de Français pensent que « génocide » a été utilisé par les juifs pour obtenir des avantages victimaires ! Donc retournement complet de la portée du terme !

En 1980, le modèle antisémite était JM le Pen. Aujourd'hui, c’est plus complexe : de Dieudonné, au terroriste Carlos, qui bien qu’en prison, continue de s’exprimer librement. L’antisémitisme peut se tester en six questions : 1) Pensez-vous que les juifs « utilisent » la Shoah ? 2) Qu’ils ont trop d’importance dans les médias ? 3) Qu’ils ont trop d’importance dans l’économie ? 4) Qu’ils ont trop d’importance dans la politique ? 5) Qu’ils sont responsables de la crise économique ? 6) Qu’il y a un complot juif pro-sioniste ? Le plus grand nombre de réponses positives se trouve chez les représentants du FN et du Front de Gauche…

Représentation par les juifs de la situation actuelle

Pour beaucoup, la question se pose, chaque soir : rester ou partir ? Environ 6000 sont « montés » cette année en Israël (Allia).

Il y a une forte augmentation des actes antisémites violents : ils représentent 40% des actes racistes violents, alors que les juifs constituent environ 1% de la population nationale. [ Ex : ce 1er décembre, un couple est agressé dans son appartement à Créteil, supposés avoir de l’argent parce que juifs !]. Il y a une sous-estimation dans la population des actes antisémites. On mélange et assimile la discrimination à l’égard des musulmans avec l’antisémitisme, l’attaque contre une certaine religion, et celle contre des individus.

Le Docteur Prasquier attend des chrétiens un combat pour les valeurs pour l’homme, pour ses libres choix. Chez les formateurs d’opinion actuels, le juif est du côté noir le plus souvent. Exemples : le seul programme d’information sur Gaza, c’est Al jazeera, avec le soutien du Qatar. On assimile sionisme et nazisme

Il est important de s’informer à plusieurs sources. Et par exemple lire sur Internet la Charte du Hamas dont l’article 7 précise que chaque musulman devra tuer un juif pour libérer la Palestine, selon la parole de Boukhari, un personnage des plus importants de la tradition : « Les rochers et les arbres diront : ô musulman, ô Abdallah, il y a un juif caché derrière moi, viens le tuer ». Son article 32 se réfère au Protocole des sages de Sion, un faux notoirement connu du début du 20ème siècle destiné au Tsar pour justifier les pogroms et devenu la « bible » de l’antisionisme (en Egypte, en Iran, au Moyen Orient, et dans les banlieues…), et l’article 28 assimile de façon délirante Lions club, Rotary et franc-maçonnerie au sionisme. Le Docteur Prasquier nous rapporte une parole du Pape François lors de sa rencontre avec le Congrès Juif : « Les gens ne se rendent pas compte que nous sommes entrés dans la 3ème guerre mondiale ». Il insiste à nouveau sur la nécessité d’une information pluraliste, que nous devons exiger de nos médias aussi. Le Père Desbois complète ces propos en précisant que pour l’antisémite, il faut toujours que les juifs partent de là où ils sont. Beaucoup qui disent aimer les palestiniens ne s’intéressent à eux que parce qu'il y a des juifs à côté.



SEANCE DE L’APRES-MIDI

Chacun est invité à poser ses questions et à faire part des ses expériences. La mutualisation des moyens est une proposition intéressante. Mon voisin, Joseph Musser, vicaire général à Strasbourg, propose des journées de rencontre avec la « province », pour mieux se connaître, voir où chacun en est… Voilà donc un premier contact prometteur, d’autant que la communauté de Strasbourg a déjà des échanges juifs-chrétiens. Madame Jacqueline Cuche, déléguée pour Strasbourg est également présente, mais pas de représentant pour Nancy ni Metz.

Différents modes de formation sont évoqués : sessions « Davar », ou dans la communauté juive elle-même, ou en Israël , ou aux Bernardins. A Rennes, des personnes se retrouvent pour une lecture de la Bible : juifs, protestants, catholiques ou plus ou moins croyants. A Lyon, le rabbin a été invité à une journée « Quel souffle pour aujourd'hui ? », sur le thème « C’est la racine qui te porte ». A Strasbourg, un dimanche par an est célébrée une messe pour le judaïsme. Le Père Desbois repose la question d’un projet concernant les juifs pour les 50 ans de Nostra Aetate. Lui-même travaille à ce que la communauté juive fasse un geste d’invitation en réponse à Nostra Aetate. Le diocèse de Saint Denis produit des affiches et cartes de vœux pour le nouvel an juif (Roch hachana), envoyées à tous les délégués et à tous les évêques, et destinées à toutes les paroisses, écoles catholiques… pour leurs amis juifs. Ce sont ces vœux que j’ai adressés par courrier au Docteur Sibéoni, président de la communauté juive, et que j’ai apportés en personne à la synagogue d’Epinal ce 21 septembre au nom de toute notre communauté paroissiale et diocésaine, profitant de la journée du patrimoine, ce dont les personnes présentes se sont dites très touchées. J’ai poursuivi cette démarche l’après-midi par la visite guidée par un historien sur l’histoire des juifs à Rambervillers, dont un des enfants est Raymond Aron, philosophe et journaliste, son père y étant grossiste en textile.

Rendez-vous est donné pour une prochaine session à Ecully les 14 et 15 mars 2015, et pour une journée nationale à Paris le 17 novembre.

*Déclaration sur les relations de l'Église avec les religions non chrétiennes du Concile Vatican II.

Article de JEAN-PIERRE ROGER

Publié le 08/05/2015 par xxx@xxx.xx.