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Hubert Demange, solide pilier de soutien de Notre-Dame-de-Champ

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À l’éclairage médiatique, Hubert Demange préfère de loin la lumière filtrée par la brume d’un matin levant sur la vallée ou celle d’un rayon de soleil caressant l’ardoise bleutée du toit pentu de l’église de Champ-le-Duc.


Lorsque sa mémoire redessine les paysages d’une enfance passée un peu seul, car sans frère ni de soeur, Hubert évoque immédiatement l’édifice religieux autour duquel “à l’époque, toute la vie des gens tournait… J’aimais aller à l’école, mais le dimanche était sacré. On laissait le travail de côté. Le dimanche, c’est un jour différent, les miens ne manquaient jamais la messe… Après l’office, on se rendait au cimetière. Connaître ses ancêtres, c’est un héritage... Le déjeuner familial terminé, mon grand-père m’emmenait à travers champs, prairies et forêts. C’était un homme qui savait raconter le monde paysan. Il m’expliquait les choses, je n’avais de cesse de l’interroger. J’étais conquis par la nature. La graine que l’on place en terre, au rythme des saisons. Voir ensuite le mystère d’une plante sortir et s’élever vers le ciel…”
La débâcle de 1940 marqua l’esprit du gamin de 11 ans. “En panne de voiture, un conducteur vint demander de l’aide. Il s’agissait d’un juif, accompagné de son épouse, de leur fille et d’une fillette de 4 ans. Ils avaient très peur et tentaient de rejoindre Limoges. Mon grand-père leur aménagea une pièce. Pour tromper les Allemands, ma grand-mère leur fournit des habits, des livres de messe et des chapelets… Cet accueil m’a marqué… Après trois semaines, ils sont partis avec un loueur de véhicules… Nous n’avons jamais su ce qu’ils sont devenus…”


Une branche à laquelle se raccrocher

Vint la Libération, Champ-le-Duc martyrisé réapprit à revivre. L’abbé Mercier y instaura la J.A.C. (Jeunesse Agricole Chrétienne) : “un lieu sympathique, de réflexions, de détente…”

L’avenir semblait s’éclairer “C’est à ce moment-là que survint un tournant de ma vie !” Avec une grande pudeur, M. Demange conte le tragique évènement qui le meurtrit dans sa chair et dans son âme.
Marchant hors d’un sentier, il posa le pied sur une mine anti-personnel. Grièvement blessé, la déflagration lui ayant fait perdre la vue, Hubert fut hospitalisé. On imagine les conditions difficiles et la douleur ressentie par un enfant d’à peine 15 ans. “Vous savez, il se trouve toujours une branche à laquelle se raccrocher !” Transféré à Nancy où demeurait une tante religieuse, Hubert fut soigné par le professeur Thomas. Le traitement fut salvateur et la foi porteuse d’espoir. “J’allais à la chapelle avec Joseph Biza, un bon copain, membre de la J.O.C. Il n’avait que 20 ans, ses yeux étaient perdus, mais il chantait ! On chantait ensemble… Je suis enfin rentré et retourné au collège.” Ébranlé physiquement, le jeune homme avait alors bien du mal à récupérer des forces. “La J.A.C.me sauva moralement. Je me suis plongé dans ce Mouvement. Je me suis retrouvé à Épinal au Comité fédéral. J’avais la charge du secteur de Bruyères, Brouvelieures, Granges sur Vologne, Corcieux. J’ai navigué toute ma jeunesse à organiser des réunions, des animations… Une retraite me fit comprendre ce qu’est une messe. J’ai découvert la foi chrétienne au travers la relation humaine, l’existence, la vie professionnelle, familiale… Je me suis investi dans la vie de l’Église… Je fis connaissance de Marie-Thérèse. On ne s’embarquait pas sans réfléchir. Une formation au mariage avec la JAC nous a préparés à la vie de couple… Marie-Thérèse a quitté son métier d’institutrice. Nous avons choisi la ferme. J’ai retrouvé toute la beauté de la nature et mis en pratique les valeurs que mon grand-père m’avait transmises. Mes aïeuls ont eu le temps de voir se perpétuer leur succession.”

La destinée réserve parfois des surprises. “Le surlendemain de mon mariage, des agriculteurs m’ont sollicité pour m’occuper du Crédit-Agricole. Cette tâche entrait bien dans mon engagement catholique rural au service des autres. J’ai accepté.”
Hubert Demange ne se doutait pas que le minuscule bureau où il tenait une permanence bénévole, une fois par semaine, allait déboucher sur une grande agence bancaire. L’ampleur de charge de travail devint tellement importante que, sans jamais lâcher sa ferme, il devint salarié et gravit les échelons d’une belle carrière professionnelle. De son côté, les enfants grandissant, Marie-Thérèse enseignait à l’Institution Jeanne d’Arc à Bruyères.

Volontaire après guerre lorsqu’il fallut en 1948 parer au plus pressé pour préserver l’église romane du village, puis en 1959 prêter main à l’abbé Delagoutte “un prêtre très dynamique et mobilisateur”, M. Demange adhéra à La Charlemagne. Une association spécialement créée pour la bonne cause de sauvegarde. La salle St-Nicolas fut construite. Du théâtre, des kermesses, un festival carolingien consolidèrent la cagnotte gérée avec soin par Hubert. Une seconde association, la Dame de Champ prit l’initiative de visites guidées. Longtemps président, Hubert coiffa aussi la casquette d’un guide intarissable et féru en art roman.
“On n’a jamais fini d’en percevoir les richesses ! On y découvre les symboles de l’harmonie avec la beauté de la nature. Il faut réfléchir, poser son regard, s’imprégner de la puissance de ce lieu…” Conseiller municipal durant 6 mandats, membre des Ainés CMR, de la Conférence St-Vincent de Paul depuis des décennies, bénévole aux Restos du coeur pendant 20 ans… il conserve bien des activités. Marie-Thérèse s’en est allée pour toujours. Malgré sa peine, Hubert connait la fierté de voir leur descendance s’agrandir.
Curieux d’actualité, de connaissances, il est allé une dizaine de fois à Lourdes. Retraité paisible, l’attrait d’Hubert Demange pour “son” église demeure intact. Magnétique, Notre-Dame-de-Champ possède ses mystères.

Josée Tomasi-Houillon

Tous ces articles ont été publiés dans le magazine « Eglise dans les Vosges ». En vous abonnant , vous soutenez l’information et le dialogue dans le diocèse.

Publié le 05/03/2013 par josee.