Partout où les chorales vieillissantes sont à bout de souffle, où la fréquence des messes est de plus en plus espacée, la motivation pour maintenir et développer un répertoire de qualité baisse, voire disparaît.
Un chœur inter-paroissial structuré, ouvert aussi sur la société civile, exigeant dans ses choix et la qualité de son travail peut permettre de perpétuer son service d’acteur fidèle de la liturgie en portant la prière des fidèles et en l’invitant toujours à l’action de grâce, à condition de le vouloir vraiment.
Dans le n° 268 de la revue « Musique Sacrée », Jean MAUGEY dressait le portrait d’une chorale paroissiale pour le concert spirituel.
Au moment de sa création, cette chorale avait pour mission d’assurer deux concerts spirituels par an pour permettre la pérennité, dans le cadre paroissial, du répertoire polyphonique de musique sacrée qui ne trouve plus sa place dans les célébrations d’aujourd’hui, et de chanter, une fois par an, une messe utilisant essentiellement le répertoire en latin.
Aujourd’hui encore, ce chœur d’une cinquantaine de choristes, sous la direction d’un jeune chef compétent, continue de travailler un répertoire ambitieux qu’il donne dans le cadre des deux concerts spirituels prévus annuellement, la Communauté paroissiale étant théoriquement et prioritairement destinataire de ces concerts.
On peut se réjouir d’une telle expérience qui prouve que les chorales profanes n’ont pas le monopole de l’exécution d’un répertoire exigeant, d’autant plus que ce répertoire est celui de l’Eglise qui recommande la pratique du chant grégorien et des polyphonies latines, entre autres celles de la Renaissance.
Le recrutement de choristes particulièrement motivés s’est fait pour l’essentiel à l’extérieur des chorales liturgiques de la ville ; on peut le regretter, mais s’en réjouir peut-être, car la Foi et l’Art sont intimement liés et la musique, elle aussi, est un chemin de découverte de Dieu et un vecteur de la Foi. Il est dommage que, provisoirement du moins, le deuxième objectif assigné n’ait pas encore pu voir le jour.
Ce chœur au label « paroissial » pourrait, même si cela ne devait être que ponctuellement, collaborer avec les chorales liturgiques de la ville.
Un projet similaire a vu le jour dans une Communauté de Paroisses du diocèse de Metz (Moselle). Aussitôt la Communauté installée (un bourg important et quatre villages) une collaboration active entre les chorales des différentes églises était réclamée, attendue.
Aussi, pendant quelque temps, et à deux reprises dans l’année, les chorales ont uni leurs moyens pour des célébrations festives (Rameaux, Ascension…). Ces rassemblements, qui pouvaient réunir jusqu’à une soixantaine de choristes, ont très vite connu leurs limites pour différentes raisons : le niveau musical des uns, les orientations de répertoire des autres, la répartition des voix dans les pupitres (ici, on ne chante qu’à l’unisson, là, il n’y a qu’un homme dans l’effectif de la chorale).
Des tentatives d’unification du répertoire ont été amorcées, mais les choristes refusent de travailler ensemble tout au long de l’année, car cela nécessite aussi de se déplacer ; de plus, beaucoup ne sont pas enthousiastes pour réaliser un réel travail de fond ; ils préfèrent se satisfaire du seul apprentissage de la mélodie de chants que beaucoup veulent « accessibles ».
Par ailleurs, les chefs ou responsables ont des cultures, des formations, des compétences et des sensibilités différentes. On a très vite assisté à la démobilisation des personnes motivées, car le niveau a été tiré vers le bas, ce que l’on observe partout où les choristes se déplacent chaque dimanche dans une autre église pour former un groupe de chants à géométrie variable et « enfiler des chansons » tout au long de la messe.
… Et chacun est donc retourné vieillir chez lui avec son itinéraire, son répertoire, ses habitudes et son chef !
Faire émerger de l’ensemble des chorales de la Communauté de Paroisses un groupe d’une trentaine de personnes particulièrement motivées paraissait être alors une réponse possible à la question : « Quelle forme de collaboration régulière et durable est-elle envisageable pour les chorales dans le nouveau cadre des Communautés de Paroisses ? »
Ce projet sans doute inédit localement, paraissait aussi fédérateur. Il devait surtout permettre à ce chœur d’approcher un répertoire de musique liturgique plus exigeant, et plus conforme aux directives de la liturgie avec lesquelles beaucoup de libertés sont prises ici et là.
Il n’a pas échappé aux observateurs attentifs que depuis quelques années déjà, le souhait d’une plus grande qualité pour le chant liturgique et sacré est affirmée : qualité des textes, qualité des musiques, respect des formes. Cette attente est régulièrement rappelée avec force et insistance par l’Evêque du diocèse lors de ses déplacements pastoraux.
Il faut amorcer et poursuivre ce changement - et aussi le diffuser.
Aussi, la création de ce chœur inter-paroissial, une chorale paroissiale en plus des cinq anciennes chorales existantes, les unes qui agonisent déjà, les autres dont l’avenir s’avère incertain, s’est-elle révélée une opportunité à saisir en raison de la présence de nombreux atouts appréciables pour réussir un tel projet :
- L'engagement de choristes qui souhaitent progresser dans l’exécution d’un répertoire de musique sacrée, parce qu’ils sont disposés à donner du temps à l’Eglise, est un atout de premier ordre. La pratique musicale apprise dans les formations musicales extra-liturgiques constitue une base bien utile (solfège bien en place, technique vocale de qualité, aptitude à suivre la direction du chef de chœur, etc…). Ces personnes qui ont un emploi du temps déjà bien rempli, ne supporteraient pas de passer des heures à l’apprentissage d’un répertoire débile !
- La disponibilité de choristes issus des chorales de villages, souvent plus âgés, mais expérimentés, motivés, disposés à se déplacer et convaincus que l’on n’a jamais fait complètement « le tour de la question » est aussi une _
- Les orgues des églises en très bon état et les trois organistes liturgiques formés, curieux et ouverts à des répertoires qui sortent des sentiers battus, sont des éléments supplémentaires de soutien efficace.
- Le département de la Moselle qui porte depuis des siècles une tradition musicale exceptionnelle. Ce peuple, a hérité de son histoire une culture musicale solide, très proche de celle des populations germaniques.
Ainsi est né le « Choeur Liturgique des Glandières », un chœur de 28 personnes composé de 10 sopranos et de 8 altos, de 6 basses et 4 ténors, pour la plupart issues de chorales paroissiales, et qui poursuivent d’ailleurs leur engagement dans leur chorale d’origine. Ce chœur répète deux heures chaque semaine.
Il faut noter les réticences exprimées par l’équipe d’animation pastorale au moment de la création de ce chœur. Cette instance craignait « la division », car les choristes, même s’ils n’ont pas été auditionnés, ont tout de même été pressentis à partir d’un cahier des charges succinct, mais explicite.
Dans son article cité plus haut, Jean MAUGEY précise que la crainte de la concurrence peut être un élément positif qui devrait mener « certains responsables de la musique liturgique du dimanche à s’interroger sur la qualité de ce qu’ils font chanter à leurs choristes et aux fidèles ».
Le « Chœur Liturgique des Glandières » s’est donné pour mission de «chanter la messe » en respectant les recommandations de l’Eglise telles qu’elles figurent dans la PGMR (Présentation générale du Missel Romain), tout particulièrement celles qui définissent la nature de la participation de l’assemblée. Il a aussi vocation d’organiser et de participer à des concerts de musique sacrée dans et hors de la Communauté. Enfin, il veut montrer l’Eglise d’aujourd’hui sous un jour sympathique en s’associant à des manifestations à caractère culturel (Festival de chant choral de la Ville voisine), concerts pour des manifestations humanitaires, intervention dans les hôpitaux et maisons de retraite.
Le répertoire pour la messe est constitué d’hymnes, de psaumes, de tropaires des compositeurs confirmés de notre temps, et de partitions des maîtres anciens (chorals, polyphonies de la Renaissance accessibles).
Pour les chants de l’ordinaire de la messe, le souci est de répartir plain-chant et compositions en français de bonne facture en écartant systématiquement le genre « chansons ».
Quelques pièces grégoriennes, pour des occasions particulières, pourront être envisagées à l’avenir. Les compositions de J. Langlais, de G. Litaize, de P. Doury, E. Andrès sont bien présentes dans le répertoire pour la messe.
Après six années d’existence, on peut se risquer à dresser un bilan de cette expérience.
Le premier objectif qui était de chanter, pour les dimanches ordinaires, deux à trois messes par an dans chacune des églises de la Communauté, n’a été atteint que partiellement, l’hospitalité musicale n’étant pas encore bien ancrée dans les mœurs. Beaucoup craignent à tort de « perdre leur place ». Cependant, plusieurs messes ont pu être chantées aussi à l’extérieur de la Communauté de Paroisses : elles ont permis d’amorcer la diffusion du « concept ». Il faut espérer une évolution des mentalités. A défaut, ce serait le travail autour des concerts qui pourrait prendre progressivement le dessus. Ce glissement risquerait alors de dénaturer l’objectif prioritaire du projet : donner demain à toutes nos assemblées « de prier sur de la beauté ».
Noël LAURENT
Article tiré de la Revue "Musique Sacrée - L'organiste" dirigée par l'abbé Armand Ory