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Cercle du silence : le témoignage de l'abbé Jean-Louis Didelot

Acteur engagé, Jean-Louis Didelot, prêtre du diocèse de Saint-Dié apporte son témoignage :
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"Face au durcissement de la politique d’immigration et aux violences légales qui s’en suivent envers les personnes les plus démunies, les « sans papiers », les « sans droits », il y a silence et silence :

- silence d’impuissance et malaise qui nous laisse chacun dans son coin.
- silence de protestation et d’engagement qui nous tient en Cercles de citoyens.

Parce qu’on a passé le seuil de l’intolérable, avec des quotas chiffrés d’expulsions, réduisant les êtres humains à l’état de marchandise,

Parce que nous n’acceptons pas que la police fasse irruption au petit matin pour rafler des individus ou des familles, les expédier dans des centres de rétention et les embarquer dans un avion, au mépris de leurs attaches humaines et sociales et de leur devenir dans des pays où leur vie est bien souvent en danger,

Parce que le projet de loi qui arrive en débat au Parlement en ce mois de septembre (le 5è en 7 ans !) est une législation d’exception qui porte une atteinte grave aux droits des migrants : Privation de liberté sans contrôle judiciaire, affaiblissement du pouvoir du juge des libertés, allongement de la durée de rétention, bannissement avec interdiction de retour dans tous les pays de l’espace Schengen…

Nous refusons le discours désignant les étrangers comme coupables, délinquants, voire criminels.
Nous nous déclarons solidaires de toute personne venue chercher parmi nous sécurité, travail et amitié.

Comment croire qu’un jeune couple avec un bébé est une menace pour la République française !!!
Comment accepter de réduire à l’inexistence sociale des personnes et des familles pour simple motif de rejet, malgré les promesses d’embauche, la scolarité des enfants, les témoignages d’intégration !

Notre révolte se transforme en combat pour la justice et pour la solidarité. Alors que des milliards d’euros parcourent le monde à chaque instant pour le plus grand profit des affameurs de la planète, la fermeture des frontières fabrique des sans droits et des clandestins. Or ce sont des gens que nous avons appris à connaître, à rencontrer et à aimer. Car derrière les mots, derrière les chiffres, il y a toujours pour nous des visages : ceux de Fatmir et Mediha, Besim et Iliriana, Alexander et Tatiana, Eduard et Ermela, Bajar et Mirvete, Agim et Edlira et leurs enfants.

Accueillir l’étranger, c’est une chance pour se laisser déplacer « au pays de l’autre », ouvrir sa porte et son cœur, agir ensemble pour le respect de la dignité humaine partout où elle est menacée. De partout, des gens se lèvent, de plus en plus nombreux : Ce sont eux qui sont dans la vérité, car nous savons tous que l’avenir est à la fraternité.

Jean-Louis Didelot, le 17 août 2010.

N.B. Les cercles de silence, initiés par les franciscains de Toulouse, sont aujourd’hui relayés dans toute la France. Chez nous, le 3è vendredi de chaque mois à 18h, parvis de la gare d’Épinal et devant la mairie de St-Dié.

L'abbé Didelot propose également à la réflexion le texte ci-dessous qui nourrit son engagement de prêtre

Chercher Dieu à partir de la souffrance des hommes

« La foi chrétienne n’est pas seulement cantique, mais cri » (Jean-Baptiste Metz). La théologie doit se soumettre à l’autorité de ceux qui souffrent, et l’Évangile ne peut se vivre et s’annoncer qu’à partir d’une réelle compromission avec les opprimés et les laissés pour compte de nos sociétés. La démarche de Jésus, depuis le sermon sur la montagne (Mt 5) jusqu’au jugement dernier (Mt 25) dit bien l’engagement de sa vie, jusqu’à être identifié au dernier des derniers (Phil 2). Il n’est pas d’autre chemin pour ceux qui veulent marcher à sa suite que de vivre ce passage par la mort.

Le prêtre n’échappe pas à cette exigence. Ordonné au service de la Parole, il accompagne notamment la Révision de vie en se laissant habiter et questionner par les espoirs et les combats des hommes. « La nouvelle humanité est en vue », écrit Pedro Casaldaliga, évêque du Brésil, alors même que tant de gens vivent écartelés, désarticulés, brisés. « L’heure la plus obscure est quand le jour va se lever ». Guetter l’aube de la résurrection dans un monde que d’aucuns voudraient nous faire croire sans issue est un acte de foi en même temps qu’un engagement sans retour. « La célébration de l’Eucharistie, pain nécessaire à la vie, incite à ne pas consentir à la condition des hommes privés de pain, de justice et de paix » (Groupe des Dombes).

Il nous faut ouvrir des chemins d’Église à partir des réseaux qui font exister cette humanité réconciliée, comme dans la vision d’Ézéchiel 37 : « Je vais ouvrir vos tombeaux et vous en ferai sortir, ô mon peuple. Je mettrai en vous mon Esprit et vous vivrez ». Nombreux sont celles et ceux qui, habités par des convictions authentiquement humaines, ne nous ont pas attendus pour mettre toute leur énergie au service de la promotion humaine et de la solidarité sans frontières et sans barrières. Quotidiennement, nous recevons d’eux la Bonne Nouvelle comme un cadeau, comme un amour, comme un appel. « Je te bénis, Père, d’avoir caché cela aux sages et aux habiles, et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Luc 10, 21).

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Publié le 19/08/2011 par Christophe CHEVARDÉ.