Aux murs et sur son bureau d’avocate, Laure Desforges a posé des sourires de gosses. Mariée, elle est quatre fois maman. Saisis au hasard des clichés du bout du monde, des visages lumineux d’enfants vous parlent eux aussi, sans nécessité de mots.
De son Auvergne natale, où sommeillent des volcans, Laure aura très certainement puisé cette puissance tranquille qui rassure. De l’Afrique, des Antilles... où elle vécut au rythme des déplacements outre-mer de son père employé par l’Agence Française de Développement, Laure a gardé la spontanéité, la joie de vivre, le soleil au cœur, mais encore ce besoin inné de porter son regard profond au-delà des océans.
Là-bas,plus loin. “Vivre dans des pays différents oblige à se remettre en cause... Il existe des systèmes de pensées tellement différents...” Une justice qui tend vers un certain idéal. Installée en Lorraine depuis une vingtaine d’années, 5 ans à Nancy et depuis 15 ans à Mirecourt, Maître Desforges aurait très certainement pu utiliser son savoir pour seulement défendre les causes autour d’elle.
Une main bénévole tendue
L’association “Avocats sans frontières” dont elle est devenue membre depuis le drame rwandais apporte cette possibilité de tendre bénévolement une main fraternelle à ceux qui n’ont personne pour les soutenir. Aider son semblable à retrouver la sérénité grâce à l’action de la justice “jamais parfaite, mais qui tend vers un certain idéal...” Laure Desforges est également inscrite au barreau du Cambodge où elle a prêté serment. “Là bas, on travaille avec des avocats cambodgiens...
Des dossiers sont lourds, compliqués, il s’agit de défendre les victimes des Khmers rouges. Il faut faire la lumière sur des culpabilités à propos de crimes de sang...” La langue du pays, l’Anglais, le Français sont utilisés. Les traducteurs conduisent leur tâche. Pas simple non plus, lorsque l’on sait par exemple qu’en khmer il est besoin de plus du double de mots pour exprimer une même chose.
Les missions des “Avocats sans frontières” s’étalent sur trois à cinq semaines. “On essaye d’être présents aux côtés de ceux qui sont en diffi culté...De les accompagner dans leurs démarches, aux rendez-vous médicaux...” La tâche s’avère plus ou moins compliquée. En observateur, dans des conditions liberticides, il faut parfois dénoncer.
Loin de l’héroïsme
Laure Desforges n’aime pas se mettre en avant, “Ce serait déplacé et prétentieux !” L’avocate n’a pas le sentiment de réaliser quelque chose d’exceptionnel. Ne la prenez pas pour une sorte de héros. “Les systèmes sont autres, mais ici ou ailleurs, le travail de l’avocat est exactement le même !” Bien dans sa tête, Laure Desforges aborde la foi chrétienne avec le souvenir de ses parents “Une famille très catholique ! On ne ratait jamais la messe du dimanche !”
Mais, s’autorise une approche personnelle, sincère, libérée de clichés désuets. Laure sait s’aménager du temps pour lire des ouvrages traitant du sujet de la religion et participer à des groupes de réflexion menés avec des prêtres. Tolérance et amour s’associent à passion de recherche de vérité... “On ne peut bien aider les gens que lorsqu’on est bien dans sa tête et il est tellement intéressant d’aller voir ce qu’il se passe ailleurs ! J’adore ce que je fais, j’ai la chance de pouvoir exercer. J’en parle beaucoup aux jeunes lors d’interventions dans les lycées comme à l’IUT d’Épinal...”
Une sœur vivant à Londres, un frère, très impliqué dans la religion catholique, installé au Cambodge, Laure Desforges croit profondément à la fraternité sans frontières. “La vie serait plus simple avec davantage de tolérance, d’ouverture aux autres...” Ici ou ailleurs, l’appréhension de l’inconnu, la barrière de la langue ? “Le meilleur passeport, souriez, vous serez récompensés !”
Josée Tomasi-Houillon