Redécouvrir la miséricorde
Que de déboussolements en cette année de miséricorde !
Nous avons connu des attentats. De nombreux conflits sont en cours à travers le monde. Le Pape François parle parfois d'une troisième guerre mondiale « en morceaux ». Vraiment, il y a de quoi être déboussolé. La force peut-elle construire la paix : même si légitime défense existe, la paix ne naîtra que de la négociation, du dialogue, de la justice et de la réconciliation.
Des consignes de sécurité nous sont données pour les rassemblements et fêtes religieuses. On comprend ces mesures, il faut se protéger. Mais la peur entrave notre dynamisme. On en vient à tenir des discours qui accentuent la peur, culpabilisent et diabolisent les causes de ces crises. La peur peut nous pousser à la croisade : est-ce la solution ? Notre cœur doit rester ouvert à la nouveauté et à l'audace de la rencontre.
Nous voyons l’arrivée de migrants. Mais la migration d'aujourd'hui ne fait que commencer car on est loin d'avoir jugulé la violence et la pauvreté extrême de nombreux endroits sur la planète. Il nous faut respecter ceux qui doivent quitter leur pays pour des raisons de sécurité ou pour faire vivre leur famille et les accueillir « comme des frères ».
Le redoux persistant est agréable mais ce changement nous déboussole. Avec l'appel du Pape dans Laudato Si', les chrétiens s'engagent avec d'autres pour l'avenir de la planète. La rencontre de la COP 21 l'a rappelé, on limitera les dégâts si l'on accepte de modifier nos modes de vie.
Notre économie se fragilise toujours plus. Des jeunes quittent les Vosges pour études et ne reviennent pas, des écoles ferment. Si le dynamisme de la jeunesse venait à nous manquer, il y aurait de quoi être déboussolé.
Mais finalement Noël est là : Dieu se fait proche de nous. Jésus nous révèle en actes et en paroles la tendresse de son Père. Jésus, visage de la miséricorde, nous appelle à en être les signes nous aussi. La miséricorde, souvent synonyme d'une pitié condescendante, est la force d'un amour semblable à l'amour d'une mère ou d'un père pour son enfant. La miséricorde nous tient debout et nous tourne vers Dieu et les uns vers les autres.
Jusqu’à Bangui, ou j’ai été témoin de la volonté profonde du Pape François d’encourager les initiatives de réconciliation entre musulmans, protestants et catholiques, en demandant aux adversaires de baisser les armes et de faire la paix. La miséricorde est vitale pour la société : pas de cohésion sociale sans la fraternité.
Notre Église des Vosges a aussi son rôle à jouer comme témoin d'une miséricorde qui vainc la violence, surmonte les peurs, nous ouvre à l'accueil des frères et prend soin aussi de notre terre, dans la Joie de croire. Ne restons pas esclaves de nos inquiétudes, ouvrons-nous à l'espérance. Ce message est pour nous source de sérénité, de paix et de joie.
+ Jean-Paul Mathieu, évêque de Saint-Dié