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L’homme et la femme dans l’Église



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Les laïcs, et par là même les femmes, plus nombreuses à s’engager, sont appelés à un rôle croissant dans l’Église. Les féministes, y compris chrétiennes, critiquent l’attitude de Rome envers les femmes. Pour le pape, qui s’est élevé contre les discriminations sociales et professionnelles vis-à-vis des femmes, “le fait que le sacerdoce soit réservé aux hommes n’empêche en rien les femmes d’accéder au cœur de la vie chrétienne.” Débat



Un autre soi-même

Homme et femme dans l’Église : à chacun son rôle. Mais les femmes sont appelées en plus grand nombre à prendre une place dans l’institution. Plutôt nouveau, au regard de l’histoire. Il fut un temps où, rappelait Marcel Plain, éminent professeur de français à l’Institution saint-Joseph d’Épinal, on avait l’allumette facile. En l’an de grâce 1310, le 1er juin, Marguerite Porete, dite Marguerite des Prés, fut brûlée vive en place de Grève à Paris. Ce qu’on reprochait à la poétesse ? D’avoir écrit un livre hérétique.
Au XIIIe siècle, l’Inquisition ne badinait pas avec les béguines, ces intellectuelles trop pressées de s’émanciper. La savante auteure des “âmes simples et anéanties” se présentait comme une chrétienne pieuse et vouée aux bonnes œuvres, tout en n’appartenant à aucune communauté religieuse. Prêchant la pauvreté et la vie en communauté, elle a été condamnée à mort pour ses écrits jugés sacrilèges, qui auraient pourtant influencé peu de temps après le maître Thomas Eckart, le grand mystique.

Les chanoinesses de Remiremont

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Pas facile d’accéder à la culture quand on était une femme, au Moyen-âge. Les féministes ont dénoncé une inégalité longtemps entretenue, à leurs yeux, par l’Église. Pourtant, c’est au sein des ordres religieux que des érudites comme Hildegarde de Bingen ont pu apprendre et se promouvoir dans la société. Les abbesses ont conquis par exemple une influence considérable – celle de Fontevraud dirigeant même l’abbaye des hommes ! Et l’on connaît, dans les Vosges, le rayonnement des chanoinesses de Remiremont. Au XXe siècle, Thérèse d’Avila et Catherine de Sienne (1971) et Thérèse de Lisieux (1991) ont été reconnues docteurs de l’Église.
Au point de vue social, l’Église s’est donné au fil des siècles des institutions vouées à la protection des femmes sans famille et vulnérables : “filles-mères” rejetées par les préjugés de l’époque, “indigentes” malades ou âgées, détenues, prostituées.

Une reconnaissance précoce

Reste que le rôle assigné aux femmes demeure fort circonscrit dans l’institution, au grand dam de chrétiennes engagées : elles souhaiteraient une évo¬lution, compte tenu des données nouvelles de la société contemporaine. Mais pour le pape Jean-Paul II, l’impossibilité d’ordonner des femmes procède des choix du Christ lui-même. Le Fils de Dieu n’a appelé que des hommes à être ses apôtres, à assumer le ministère sacerdotal. Tout en distinguant la dignité de la femme, contrairement aux usages et traditions de l’époque. D’emblée, par la place accordée aux femmes, le christianisme s’est signalé par son avant-gardisme : pas question pour l’époux de la répudier, même adultère. Et en faisant de la Vierge Marie, mère de Dieu et des croyants, son épouse spirituelle, l’Église exalte au plus haut point le rang éminent de la femme.
En 2004, le pape Benoît XVI, alors cardinal Ratzinger a précisé de manière explicite la place assignée aux hommes et aux femmes dans l’Église : “Le fait que le sacerdoce ministériel soit exclusivement réservé aux hommes n’empêche en rien les femmes d’accéder au cœur de la vie chrétienne”, insiste-t-il, soulignant la complémentarité de leurs rôles : “Le rôle des femmes est de la plus grande importance dans l’Église.” Certes, saint Paul préconise la soumission de la femme à son époux. Mais il recommande aussi à l’homme de l’aimer “comme un autre soi-même.”



“Ce n’est pas demain que la catéchèse va basculer chez les hommes !”

L’Église a besoin des femmes, et leur rôle doit être reconnu, tout comme celui des laïcs, souligne Élisabeth Daoulas, forte de sa solide expérience de catéchiste. Témoignage.

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Église dans les Vosges (edv) : Parler de la relation homme-femme dans l’Église, c’est en fait poser la question du rôle qui est dévolu à la femme. Comment le percevez-vous ?
ed : S’il n’y avait pas de femmes dans l’Église, qui resterait pour assurer la catéchèse ? Au-delà des prêtres, peut-être quatre ou cinq hommes dans les Vosges. Ce n’est pas demain que la catéchèse va basculer chez les hommes !

edv : Comment expliquez-vous cette prééminence du nombre des femmes ?
ed : Pour tout ce qui est ouverture à la vie, éducation, on observe que les femmes sont majoritaires. Dans les familles, ce sont souvent les femmes qui prennent les enfants en charge. A l’école, les enseignants sont à 75% - 80% des femmes au minimum. Et 95% parmi les catéchistes, 95% sont des femmes.

edv : Faut-il y voir une prédisposition des femmes à assumer une fonction pro¬tectrice vis-à-vis des enfants ?
ed : Des femmes qui couvent les gamins ? Je n’y suis pas favorable. Ce n’est pas offrir aux enfants la possibilité de s’épanouir complètement. Il faut qu’ils grandissent !

edv : Parce qu’elles donnent la vie, les femmes sont réputées plus ancrées dans la réalité, plus terre à terre…
ed : Dans l’Église comme dans la société, la femme prend sa vie en main, elle assume ses responsabilités, elle fait avancer les choses. Et elle continue avec sa famille. Souvent, l’homme va davantage vers les idées… Les rôles de l’homme et de la femme sont complémentaires. Mais voyez la Vierge Marie : elle assume ses responsabilités, elle n’est pas une “béni oui-oui”, elle pose des questions !

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edv : Longtemps, l’Église a été tentée de repousser la femme dans la sphère privée. Comment vivez-vous cela aujourd’hui ?
ed : La femme est très présente dans l’Église. Dans la catéchèse, la liturgie – elles sont plus nombreuses à préparer les offices – des services comme le fleurissement et le nettoiement. Le rôle de tout baptisé est de prendre sa place dans l’Église : homme ou femme, jeune enfant ou adulte, on a tous sa place dans l’Église. Mais comment la prend-on ? On ne peut prendre sa place que si on nous fait confiance et si on nous donne des responsabilités. Ce n’est pas demain que l’on pourra, comme les femmes pasteurs, exercer un ministère ; nous ne sommes pas reconnues comme diacres, nous n’avons pas d’ordination. Mais à mon avis, les catéchistes responsables ont une part du ministère de la Parole. Elles la proclament, elles la transmettent, elles l’expliquent aux enfants et aux familles. Une part de l’activité de l’Église repose sur la femme.

edv : On le voir aussi dans l’accompagne¬ment des familles en deuil : les équipes sont majoritairement féminines !
ed : Chez les salariés de l’Église aussi, les femmes sont plus nombreuses. Cela pose parfois un problème de couple aux permanents laïcs, vu la disponibilité demandée, le nombre d’heures à effectuer. Quand le conjoint n’est pas ok, l’engagement est difficile ; il se prend à deux.

edv : Comment percevez-vous le rôle des laïcs ?
ed : Devant le manque de prêtres, les gens se posent des questions : ne ferait-on pas mieux d’ordonner des hommes mariés ? C’est à l’Église de se prononcer. Pour moi, la question n’est pas trop celle de l’ordination des femmes, que réclament certaines d‘entre elles, à partir du moment où la femme est reconnue et qu’elle fait son travail. Mais les prêtres doivent laisser les laïcs prendre leurs responsabilités, sinon ça ne pourra pas coller : dans l’Église, quand il y a des tensions, c’est qu’on n’a pas trouvé sa place. Des prêtres, par exemple, veulent conserver comme une prérogative l’enseignement du catéchisme.

edv : Laïcs et prêtres : comment conserver les équilibres ?
ed : L’Église ne tiendra que si les laïcs s’engagent et si on les laisse s’engager. Actuellement, on voit bien que les choses se mettent en place. Il faut faire attention à ce qu’il n’y ait pas trop de laïcs. Le rôle des prêtres est indispensable.



Le rôle de la femme dans l’histoire de l’Église

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Le pouvoir conféré dans l’Église est d’ordre sacramentel, rappelle le vicaire judiciaire Jean-Pierre Vuillemin. C’est le Christ qui dirige l’Église. Il n’a choisi que des apôtres masculins. C’est pourquoi depuis 2000 ans, l’Église n’a désigné des évêques que parmi les hommes.
église dans les vosges (edv) : Dans l’Église, des femmes déplorent la position privilégiée occupée par les hommes, seuls aptes à recevoir l’ordination. Pour¬quoi ?
jean-pierre vuillemin (jpv) : Le droit canonique ne traite pas directement de la question. Il traduit en actes, institutionnellement, une certaine théorie de l’Église et des ministères.

edv : Et au fait que seuls des hommes ont été choisis comme apôtres ?
jpv : Oui, le Christ n’a envoyé que des disciples hommes. Par rapport à la culture ambiante de l’époque, Il aurait pu choisir des femmes. Certaines d’ailleurs L’ont suivi. Il a réintégré des femmes pécheresses et étrangères. Il aurait très bien pu appeler des femmes apôtres. Il a pris parfois des décisions surprenantes.

edv : Des chrétiennes déplorent que leur pouvoir dans l’Église ne soit pas à la hauteur de leurs responsabilités. N’éprouvent-elles pas un légitime sentiment d’injustice ?
jpv : Oui, certaines font un constat : elles n’ont pas assez accès aux décisions, alors qu’elles militent dans l’Église. En même temps, le pouvoir de l’Église renvoie au pouvoir du Christ qui en est le chef. Il renvoie à la figure du Christ qui n’est pas androgyne. L’Église ne peut remettre en question cette position qui a deux mille ans. Des théologiens s’affrontent sur cette question : pour certains, renvoyer à la figure masculine du Christ est une idée dépassée.

edv : Tout est donc figé ?
jpv : Non. Benoît XVI a fait modifier les canons 1008 et 1009 du Code concernant le diaconat en 2009. Seuls ceux qui sont constitués dans l’ordre du presbytérat disposent de la fonction d’autorité, de conduire, de pastorat. Les diacres sont habilités à servir le peuple de Dieu dans la diaconie, dans la liturgie de la Parole et la Charité. On a maintenant une clarification. Elle a suscité des protestations, mais par ailleurs la voie est libre.

edv : C’est-à-dire ?
jpv : On peut imaginer que dans quelques années, le diaconat soit ouvert aux femmes. Les diaconesses ont existé dans l’Église, elles jouaient surtout un rôle liturgique. C’est plus facile à penser que l’accès des femmes au sacrement de l’ordre - presbytérat, épiscopat.

edv : Ne peut-on y voir un déficit de démocratie ?
jpv : Dans l’Église, il n’y a pas de séparation entre l’ordre et le pouvoir. L’ordre enracine le pouvoir dans le Christ. Pour nous prêtres, notre lien privilégié avec l’évêque est d’ordre sacramentel. C’est au moment de l’ordination que s’établit un lien juridique entre le prêtre et l’évêque. L’évêque se doit d’assurer notre subsistance, on lui doit obéissance. On n’a pas de contrat de travail, on n’est pas salariés. On ne peut comparer l’action de l’Église à une action gouvernementale classique

edv : Pourquoi dit-on qu’historique¬ment, l’Église a conféré une place privilégiée aux femmes, par rapport à d’autres cultures et religions ?
jpv : L’historien René Rémond consacre un chapitre aux femmes dans les grandes inventions du christianisme : l’Église a reconnu très tôt la sainteté aux femmes ; elle leur permet de vivre en communauté, avec des abbesses qui ont une crosse et une mitre. Alix Leclerc a créé à Mattaincourt une grande congrégation où les femmes sont actrices de la société, on leur reconnaît une grande autonomie d’action.

edv : Trois évêques siégeaient dans le tribunal qui a envoyé Marguerite Porette au bûcher. Dans la répression des femmes qui ont tenté de s’émanciper, comment ne pas voir un paradoxe pour l’Église ?
jpv : C’est vrai qu’il y a eu des pages sombres où la femme a été déconsidérée ; dans sa lettre de 1995 sur la femme Laudibus Mulier, Jean-Paul II reproche à l’Église de ne pas avoir toujours compris “le génie propre de la femme”. L’Église a été tributaire de la culture de l’époque. Mais l’Église a reconnu ses erreurs.

Publié le 15/11/2010 par Alice.