Quand ses amis Français lui ont proposé un détour par La Bresse, le Père Pedro Opeka, dubitatif, a demandé "La Bresse? C'est quoi ?..." Lundi soir à 23 heures, il confiait tout en dédicaçant avec un sourire égal les derniers livres qu'on lui tendait, qu'il garderait de La Bresse un souvenir "terrible".
A 16 h, c'est une soixantaine de jeunes qui l'ont accueilli à la salle des fêtes pour une heure d'échanges nourris de toutes leurs questions sur la manière énergique et infatigable dont il fait reculer année après année la pauvreté à Madagascar. Il les a retrouvés nombreux à l'église Saint Laurent où il a célébré la messe en compagnie des Pères Arnaud Meyer et Jean Louis N'Gabonzima.
A 20 h, plus de 400 personnes l'attendaient à la salle des fêtes, dont Mgr Jean Paul Mathieu. Pas de grandes leçons, juste des faits : ce massacre dont son père est le seul rescapé dans la Yougoslavie communiste de la fin de la guerre, l'émigration vers l'Argentine et le début d'une vie de foi et de labeur, une famille de huit enfants où règne la joie à défaut de la richesse. Le noviciat de Pedro à Buenos-Aires, en compagnie d'un certain Jorge Bergoglio qui étudie la biologie alors que lui se consacre à la philosophie. 35 ans plus tard, Pedro recevra à Rome la bénédiction de cet étudiant, devenu le Pape François depuis trois jours.
Celui qui confiait à son provincial vouloir "être prêtre et footballeur", afin de toucher les foules qui le dimanche se pressent dans les stades argentins, est envoyé à Madagascar. Immédiatement sa nature l'amène à construire, à fédérer. Après son ordination, il retourne dans la brousse mais, malade, demande une année sabbatique. On lui confie la direction d'un séminaire de Tananarive .Appelé au chevet d'un malade à la périphérie de Tananarive, il reste sans voix, devant les milliers d'enfants qui sur l'immense décharge, disputent leur nourriture aux chiens et aux cochons.
Il aurait fallu des heures pour détailler l'apprivoisement de parias incrédules devant son entêtement, les premières maisons bâties sur des terrains donnés sans conviction, les 3000 emplois permanents, la paroisse sans siège ni adresse dont il est le prêtre, la fierté qu'il attribue toute entière à Dieu d'avoir fait d'un lieu de désespoir un point de rassemblement international, où les messes durent trois heures devant 5 à 10 000 personnes...
Aux gouvernements malgaches, il assène " Vous qui avez dirigé ce pays, vous devez demander pardon à votre peuple !" Tout reste à faire. Chaque jour, des jeunes l'abordent dans la rue pour lui demander un travail. Face à ce peuple "qui vit avec des centimes", face à cette jeunesse gaspillée, trois mots le font tenir :"Pardonner, oublier, continuer."
Publié le 14/06/2015 par Edith Boca.