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Moncel sur Vair

MONCEL sur VAIR

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Le village

Le village actuel de Moncel-sur-Vair résulte de la fusion, le 27 février 1965, de deux anciens villages, Moncel-et-Happoncourt et Gouécourt, à environ 150 m l’un de l’autre, séparés par la rivière le Vair. La commune de Moncel-et-Happoncourt se composait du village d’Happoncourt proprement dit, et du hameau de Moncel situé à 1.700 m.

On peut estimer que l’origine des deux villages fut l’oppidum celtique du type « éperon barré » qui occupait le plateau de Chatel, désigné à tort « ancien camp romain » sur la carte au 1/25.000 de l’I.G.N., alors qu’il est antérieur à l’occupation de la Gaule par les légions de Jules César au milieu du premier siècle avant J.C., comme en font foi les monnaies leuques, donc gauloises, trouvées sur le site, permettant de le dater de la période de la Tène III. Sa superficie totale varie, selon les auteurs, entre 12 et 20 hectares. Le fossé et le merlon constitué des matériaux extraits dudit fossé existent toujours. Ce dispositif barrait la partie constituant le point faible de l’oppidum au même niveau que le reste de la colline appelée Mont Julien, en souvenir de l’empereur Julien l’Apostat qui y aurait, soi-disant, stationné.

La plus ancienne archive faisant apparaître le nom de Moncel concerne le don de son fief de « Moncey » (sic) que fit Simon 1er, duc de Lorraine à l’abbaye de Saint Mansuy, le X des calendes de juillet (20 juin) 1127, alors que le nom d’Happoncourt n’apparaît, pour la première fois, que dans un acte de 1265 par lequel la seigneurie a été donnée à Joffroy de Bourlémont par le duc de Lorraine Ferri III. Elle était auparavant tenue par Wauthier le Bouk, seigneur de Moncel. Quant à Gouécourt, c’est dans une charte des évêques de Toul de 1257, qui confirme les possessions de l’abbaye de Mureau concédées par Jocelyn de Gouécourt et consorts, que l’on voit ce nom apparaître. Dans un autre acte de 1255 on lit déjà le nom de Moncel super Veram (Moncel sur Vair). C’est sans doute ce texte qui a inspiré les édiles en 1965, lorsqu’il s’est agi d’adopter un seul nom pour les deux villages lors de la fusion des communes. Les noms de ces anciens villages reflètent les influences germaniques et romaines. Moncel, du latin monticellum c’est évidemment : monticule, colline. Happoncourt se décompose en Happo, nom d’un homme germanique et curtis, qui en latin signifie domaine. De même, Gouécourt est issu de Godo, nom d’un homme germanique et de curtis (D’après albert Dauzat et Charles Rostaing, Dictionnaires des Noms de Lieux de France). Sur l’oppidum, à gauche de l’entrée actuelle, qui n’est autre qu’une tranchée creusée par J.B. Jollois en 1843, se trouve un lieu marqué par une légère dépression connue sous le nom de La Potence. Il s’agit en effet de l’ancien gibet puisque son existence est confirmée par le nom du sentier qui part du haut de Moncel (RD 3a) et aboutit à l’oppidum : La voie des Fourches (Fourche = gibet).

Nos deux villages ont conservé des traces d’époques diverses : quelques monnaies romaines dont une à l’effigie de la Porta Nigra (porte Noire) de Trèves trouvée à Gouécourt, fragment de poterie sigillée provenant de la berge du Vair à Happoncourt. En 1837, à Gouécourt, on découvrit cinq grandes fosses creusées dans la roche ; elles contenaient plusieurs squelettes dont certains os étaient de grande longueur. Selon l’usage répandu dans la plupart des civilisations antiques, ils étaient accompagnés de nombreux objets : sabres, haches, monnaies romaines et objets divers. Le 15 avril 1469, Jean comte de Salm, seigneur d’Happoncourt, accepta de délaisser les tailles, servitudes et charges pour inciter les candidats désireux de repeupler le village complètement en ruines et inhabité depuis de nombreuses années, suite aux combats, destructions et pillages de la guerre de Cent ans. Les plus vieux recensements, appelés « rôles de conduits, ou de feux », nous apprennent qu’en 1499 Happoncourt ne comptait encore que 6 conduits, soit environ 30 habitants. De son côté, Gouécourt en comptait 24, dont une veuve « La Noire », soit une centaine d’habitants. On voit bien qu’Happoncourt peinait à remonter la pente après les ravages dus à la guerre.

Aux environs de 1632, la guerre de Trente ans et la peste firent périr toute la population de Gouécourt, à l’exception d’un jeune garçon nommé Etienne, qui entra par la suite comme page dans la maison du duc Léopold de Lorraine. Une ancienne matrice cadastrale appelée « confin » nous apprend que trois châteaux se dressaient à Moncel et à Happoncourt :

1°) Le château du Han, qui était situé en dessous de Moncel, entre le Vair et le chemin construit sur l’emprise de l’ancienne voie ferrée. Il comportait « quatre tours aux quatre coins » (sic). Sa propriétaire était Marie Remy de Turique, veuve d’Antoine du Han. Il fut incendié en 1633 et ne fut pas reconstruit. Cependant, le plan cadastral de 1824 fait apparaître un ensemble de bâtiments, à usage de ferme, dénommé « Château du Han » qui fut démoli définitivement en 1830. Une fondation de mur existe encore, affleurant le sol sur une cinquantaine de mètres. Il est probable que quelques murs partiellement ruinés de l’ancien château ont servi à l’édification de cet ensemble.

2°) Le château de Moncel, dont un bâtiment toujours habité s’élève encore, en bordure de la R.D. 3a. Comme le précédent, il comportait à l’origine « quatre tours aux quatre coins ». Il appartenait à Bonne du Han, veuve d’Alexandre Dauphin. On peut voir, sur la façade côté route, une pierre gravée de trois têtes d’hommes qui peut dater du XVème siècle. Sur la façade arrière, une autre pierre carrée est gravée d’une seule tête d’homme.

3°) Au centre du village, à peu près en face de l’église, le château d’Happoncourt ne comportait que deux tours carrées au nord; il en reste une ainsi que le colombier signalé dans le « confin ». Ce château subit une démolition partielle ; il fut reconstruit au début du XVIIIème siècle. Ses propriétaires étaient « Antoine de Civalart et consorts, hoirs de feu le sieur Henri Dubuisson » (sic), grand père de la célèbre femme écrivain du XVIIIème siècle, Françoise de Graffigny (1695-1758), née d’Issembourg du Buisson d’Happoncourt, amie « provisoire » de Voltaire et d’Émilie du Châtelet. Elle écrivit une énorme correspondance (2.500 lettres) qui est actuellement éditée sous l’égide de la Voltaire Fundation de l’Université d’Oxford ; quinze tomes sont prévus jusqu’en 2010 !

Aucun château n’a existé sur le territoire de Gouécourt. Seul, dans un pré, le tracé d’un bâtiment ancien, probablement une villa gallo-romaine, apparaît sur une récente photo aérienne. Bon nombre de maisons des deux villages conservent, dans leurs vieilles cheminées, des plaques foyères des XVIIIème et XIXème siècles, ainsi qu’une douzaine de pierres de fondation portant des dates et parfois les noms des personnes qui les ont posées. La plus ancienne, de 1702, a malheureusement disparu suite à une récente modification de la façade. Les recherches dans les archives nous apprennent que le premier régent d’école, commun aux deux villages, fut Nicolas de Saint Sulpice. Son nom apparaît le 27 janvier 1682 dans un acte d’état civil à l’occasion d’un mariage auquel il fut témoin. Bien plus tard, le 8 septembre 1873, sœur Constance Grélot, religieuse de la Doctrine Chrétienne, déclarait avoir l’intention d’ouvrir une école libre à Gouécourt. Cette école cessa son activité après 1905. Notre récit serait incomplet si nous omettions de citer les deux célébrités des lieux. Outre Françoise de Graffigny, un certain abbé A. Riche, curé de Gouécourt, écrivit en 1680, un livre intitulé : Histoire du Saint Clou partagé à Trêves et à Toul. Dom Calmet le cite dans son Histoire de Lorraine, au chapitre Bibliothèque Lorraine. On peut consulter un exemplaire de cet ouvrage à la bibliothèque de Nancy;

Les églises

La fusion des communes a conféré à Moncel-sur-Vair le rare privilège de posséder deux églises, à l’instar de sa célèbre voisine haut marnaise Colombey. De ces deux édifices, celle de Gouécourt est de beaucoup la plus ancienne, puisque la tour romane fortifiée du clocher date, pour la partie inférieure, du XIIème siècle, restaurée en 1453 comme l’atteste l’inscription sur une baie de l’abside, face est. La partie supérieure est du XVème siècle. Dans une des baies bilobées de la face est, on voit une tête d’homme sculptée, les cheveux tressés en natte ramenée sur le côté. Sur la face nord, deux têtes d’une facture assez frustre, vraisemblablement très anciennes, font saillie sur le mur. S’agit-il de modillons de remploi provenant d’une nef ancienne ou de la représentation d’un « firmament mystique », soleil et lune ? A l’intérieur, l’âme de l’autel est en pierre avec trois croix pattées gravées sur le dessus. Elle est recouverte d’une boiserie polychrome du XVIIIème siècle. Une armoire eucharistique et un lavabo non datés sont aménagés dans deux niches du mur de l’abside. La cloche, crépie par les déjections de pigeons qui rendent impossible la lecture de la dédicace, date de 1751. La nef est beaucoup plus récente. Au sol, une dalle porte deux gravures ; une serpe d’élagueur et une seconde, non identifiée, qui pourrait représenter une sorte de petite enclume ? Les fonts baptismaux contenaient un bassin baptismal en étain datant, au plus tard, du XVIIIème siècle. Il a disparu récemment lors des travaux de restauration du clocher en 2004.

L’église d’Happoncourt date de 1862 comme en fait foi l’inscription sur le pilier à la droite du chœur . Elle remplace une chapelle construite en 1702/1704. Elle renferme les statues du XVIIIème siècle, en bois polychrome, de saint Michel patron de Moncel et de saint Sébastien patron d’Happoncourt. Sa cloche, moins salie par les pigeons, est datée de 1713. Un plancher, même sommaire, permettrait la lecture de la dédicace, exercice réservé pour le moment aux amateurs d’alpinisme !

Jadis, l’église de Moncel-et-Happoncourt et le presbytère se trouvaient au hameau de Moncel, à environ 1.700 mètres du village. Le cimetière l’entourait. Elle mesurait environ 25 mètres de long sur 16 de large. Son plan se divisait en une nef et deux collatéraux. En 1746, on démolit la tour et le collatéral nord qui menaçaient ruine. La tour fut seule reconstruite, le reste réparé. Au fil des années, les dégradations reprirent, s’amplifièrent et rendirent l’édifice inutilisable. En outre, les habitants d’Happoncourt renâclaient de plus en plus à parcourir, surtout l’hiver, la distance qui les séparait du lieu saint et préféraient assister aux offices dans la chapelle du château d’Happoncourt. Finalement, l’église fut vendue, avec l’autorisation du roi Louis Philippe (!), pour la somme de 640 francs, à un architecte de Neufchâteau qui la fit démolir en 1836 et en récupéra les matériaux. Au cours des travaux, les ouvriers avaient allumé un feu pour brûler les bois inutilisables. Ils s’apprêtaient à faire subir le même sort à la statue de saint Michel, quand une brave femme, Juliette Ferbus, leur cria : « Vous n’allez tout de même pas brûler notre saint ? ». Elle prit la statue et la mit en lieu sûr. Et en 1870, une autre brave femme surnommée en patois « Man Nore » (Maman Noire) prit la statue et la cacha chez elle pendant la durée des hostilités, de peur que les Prussiens ne s’en emparent ! C’est ainsi que l’on peut toujours admirer saint Michel récemment restauré. Les ossements des morts inhumés dans l’église et de ceux enterrés dans le cimetière , exhumés lors des travaux, furent - en principe - transférés dans l’ossuaire du cimetière d’Happoncourt. Ceux d’Henri Dubuisson et des autres seigneurs ayant eu le privilège de reposer sous le sol de l’église, sont depuis 1836 mélangés à ceux des manants du village : « Sic transit gloria mundi ! » (Ainsi passe la gloire du monde). Son clocher abritait trois cloches qui furent bénies plusieurs fois : le 29 septembre 1750 bénédiction de la seconde cloche refondue en 1758, re-bénie le 8 septembre 1758 ; le 13 janvier 1774 les trois cloches sont à nouveau bénies.

Une croix dédicacée le 24 février 1714 a été érigée à l’entrée nord de Gouécourt. Son fût est en pierre, sa croix en fer. Une autre, anépigraphe, tout en pierre, se dresse à Happoncourt, également à l’entrée nord. Pour terminer, faisons un grand saut dans le temps pour arriver au 27 octobre 1939, jour où un jeune pilote de 21 ans, de la R.A.F. (Royal Air Force), Peter « Boy » Mould, aux commandes d’un chasseur Hurricane, attaqua au-dessus de la vallée du Vair et de la Meuse, entre Moncel et Domremy, un bombardier Dornier allemand qui s’abattit et explosa au sol un peu plus loin, à Traveron, dans la Meuse. Si cet exploit mérite d’être évoqué, c’est parce qu’il constitua la première victoire aérienne de la R.A.F. au-dessus de la France depuis 1918 !

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Le 18 juin 1940, les soldats français des 14ème régiment d’infanterie et du 2ème spahis algériens opposèrent une vive résistance aux troupes allemandes arrivant par Domremy. Les caves de Gouécourt étaient bondées de réfugiés de passage. Un canon de 75 mis en batterie à l’angle nord-est du parc du château et des mitrailleuses placées à Gouécourt, tirent sur les Allemands franchissant le pont de Domremy et leur infligent de lourdes pertes tant en hommes qu’en matériels divers, avant de se replier devant la supériorité des Allemands. Nos pertes sont aussi importantes que les leurs. A elle seule, la défense du pont de Domremy par des combattants courageux mais mal armés a fait une douzaine de morts. Gouécourt reçoit des projectiles de toutes sortes : obus, dont certains de 105 mm, obus de mortier à ailettes appelés Minen par les Allemands, sans compter la pluie de balles envoyées par les mitrailleuses, fusils mitrailleurs et fusils, qui ont laissé des marques dont certaines sont encore visibles aujourd’hui. Un spahi algérien, non identifié malgré nos recherches, est tué à la lisière nord de Gouécourt et enterré dans le cimetière où il repose toujours. Sa tombe, longtemps délaissée, entretenue par une dame polonaise de Gouécourt, fut aménagé et reçut une stèle avec le macaron tricolore. Le 17 juin 1989 une cérémonie marqua cet événement. Malgré la violence du combat, on ne déplora aucune victime civile.

Jacques DUBIEF