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Centenaire, René Paragon rêve d’un monde de vérité

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Après avoir parcouru les quatre coins de la planète, René Paragon se plaît à contempler des souvenirs rapportés de ses périples. « On peut voyager, sans sortir de son salon ! » Dans la cour de sa maison bien entretenue, un tilleul majestueux a lui aussi traversé les âges.

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Natif de Gentilly, René Paragon vécut dans un foyer chrétien. « La vie était très différente, notre maison disposait de quatre étages, sans ascenseur ! Une porte donnait sur une rue traversée à un mètre par le tramway. Gosses, nous courrions après pour nous accrocher à l'arrière, et l'on sautait sur les tampons ! » L’école primaire à Montreuil, le collège Arago, puis l’École de Physique et de Chimie Industrielles à Paris lui réussirent. « J’aimais apprendre, j’attendais la fin des vacances scolaires avec impatience ! » Le jeune homme n'avait que 23 ans lorsqu'il obtint son diplôme d’ingénieur. Il intégrera alors une société parisienne de fabrication de matériel électrique de contrôle industriel. Des anecdotes, René Paragon peut en livrer des dizaines. « Je suis allé 17 fois en Amérique, la première fois je suis revenu sur le Normandie ! » En partance pour la Chine, où il devait donner une conférence en anglais sur un sujet professionnel difficile, le centenaire conte avoir ressenti une peur bleue. Son bagage avait alors été embarqué par erreur dans un bus américain. La chance fut de son côté et les valises retrouvées parmi des centaines d’autres ! En Yougoslavie, ce fut son passeport et son argent qu’il crut perdus ! Le tout était finalement masqué par un soufflet de sa sacoche ! Ouf ! Lieutenant dans l’Artillerie lors de son service à la nation en 1932 à Poitiers, René Paragon sera mobilisé en 1939. Officier, blessé en Belgique, il sera fait prisonnier de guerre. Titulaire de la Légion d’honneur à titre militaire, M. Paragon parle peu de lui. Il évoque ses compagnons d’infortune, leur courage, les tentatives d’évasion, des tunnels creusés à mains nues... Le centenaire se rappelle le nom de camarades morts, de la détresse, mais aussi de ce gardien de camp allemand « au fond, un brave type… » Marié à Bruyères en juin 1935 à Simone Remi, fille d’un boulanger de Lépanges sur Vologne, trois enfants, Jacques, Bernard et Catherine verront le jour au sein du couple. Catherine sera emportée par la maladie en bas âge. « Je sais que je la reverrai un jour ! »

Des êtres exceptionnels, qui n’ont pas leur pareil.

Devenu Directeur, M. Paragon ne quittera l'entreprise MECI que pour prendre sa retraite. Il viendra s’installer définitivement au pied de l’Avison en 1975. Il sera membre et prendra rapidement des responsabilités au sein d’une antenne locale de l’Association Saint-Vincent de Paul dont il assurera la pérennité durant de nombreuses d’années. « J’aime le contact humain. J’aime les gens, j’aime ceux qui parlent avec leur cœur ! Je suis comme je suis… » Avec son inimitable franc-parler, teinté d’un humour décapant, mais jamais méchant, le vieux monsieur explique qu’il préfère passer pour un bêta que pour un sale type. Et même, tendre la main, alors qu’il sait qu’il n’aura pas de retour. Fort de ses expériences, M. Paragon n’ignore rien de certaines formes de duplicité. Il se refuse cependant de juger les gens et de tirer des conclusions hâtives. La misère sous toutes ses formes l’interpelle. Sa modestie dut-elle en souffrir, le nombre d’associations de bienfaisance auxquelles il apporte une aide dépasse la cinquantaine ! « Il ne faut pas blesser son prochain. Le bonheur ? Je suis là sur un trottoir, en face de moi, une personne sourit, et voilà, je suis heureux. J’aime considérer les individus comme des êtres exceptionnels, qui n’ont pas leur pareil. Ce qui change c’est la valeur que l’on donne à l’argent… » Une expression agace le centenaire. « C’est un homme bien, dit-on, et cela veut dire qu’il est riche ! Il ne faut pas confondre un homme bien avec un homme qui possède des biens ! »

Au jardin des Oliviers

René Paragon ne supporte pas les insultes envers la France, son drapeau, son hymne national... « Il faut apprendre l’histoire aux enfants. » Profondément croyant, il est allé en pèlerinage une dizaine de fois en Terre-Sainte. Son regard bleu s’illumine. « Au jardin des Oliviers, j’ai suivi un petit sentier, je pensais alors aux pas de Jésus sur ce chemin, j'étais très ému. Je porte autour du cou une médaille qui ne me quitte jamais, elle a été posée là où est le tombeau du Seigneur… » Son grand âge, ne lui donne plus la possibilité d'assister à la messe. Sous une représentation du Christ, une Bible est accessible depuis son fauteuil. « C’est un livre saint, sa place est là ! » Ses colères ? « Je ne tolère pas que l’on ridiculise un prêtre ou une religieuse ! Je trouve monstrueux que certaines œuvres infâmes puissent paraître ! Que les gens pensent ce qu’ils veulent, mais qu’ils respectent la religion ! Je suis inquiet pour la jeunesse, quand je vois la vie qu’on leur prépare, cela me tracasse ! Il faut y réfléchir... Les parents ont une grande importance… Je suis choqué par le manque d’éducation… » Veuf depuis une trentaine d’années, neuf fois grand-père, 16 fois bisaïeul, René Paragon fond devant un sourire d’enfant. « J'ai beaucoup voyagé, la plus belle chose que j’ai pu rencontrer au travers le monde, ce sont des sourires d'enfants, ces sourires-là ne peuvent pas tromper les gens... La parole donnée est sacrée, imaginez un monde où personne ne mentirait… ! »

Josée Tomasi-Houillon

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Publié le 05/02/2013 par josee.