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Les soeurs Noël, missionnaires, racontent...

Françoise

Juan, le 25 avril 2010

Chers tous et toutes,

Du soleil, la mer pas loin, un séjour en famille bien sympathique : tout ce qu’il faut pour que le chemin de l’amitié se rouvre vers vous, membres de la famille et amis de longtemps.

Cette année nous sommes restées bien silencieuses, Odile (ma sœur) et moi. Fin mai 2009, l’une comme l’autre, nous avons du quitter nos pays d’adoption pour raison de santé. Pratiquement en même temps, Odile quittait l’Equateur et moi le Congo Kinshasa ! C’est à l’hôpital d’Antony, dans la banlieue de Paris, qu’elle venait me retrouver ! Pour nous un vrai miracle !
Une grosse opération dans l’appareil digestif, traitement de chimiothérapie et divers contrôles m’ont bien occupée jusqu’à maintenant. Dès mon arrivée j’ai été accueillie dans la communauté de mes sœurs à Sceaux. En plus des attentions de mes sœurs, j’ai eu la joie des visites quotidiennes d’Odile, sans parler de celles de mes frères et belle-sœurs, véritables surprises. Et aussi les amis. Finalement un petit voyage dans l’Est a été possible. Aller sur la tombe de Papa, revoir Fonteny.

« On a réussi à la remettre debout ! » m’a-t-on dit. A force de tant de gestes d’affection et de prières, oui, je suis en bonne voie de guérison. Comment dire merci…
Il me venait souvent ce chant « Dieu règne, peuples criez d’allégresse, la vie a vaincu la mort, la croix a vaincu l’enfer, Alleluia, Christ louange à toi ! » Le cancer est devenu une maladie très courante, malheureusement. J’ai côtoyé beaucoup de drames au service d’oncologie. Et aussi tant de courage du personnel et des malades. Et je me demande : pourquoi je guéris… pourquoi moi ? Maintenant repartir au Congo ou rester ? Rester ici pour toujours ? Question délicate que se pose un jour tout missionnaire. Ce n’est que petit à petit que la convalescence s’avère longue, les contrôles nécessaires, les forces limitées. « Il faut deux ans avant de se sentir bien » paraît-il. Pour le moment la sagesse c’est de rester. Une mère de famille d’ici comprenait la douleur de cette rupture avec ce milieu africain. Quarante ans de vie ensemble, la fécondité de ma vie est là-bas. Donc cette dame me dit : « C’est comme quand nos enfants partent de la maison »

Les liens demeurent. L’Internet, les photos, les lettres permettent une certaine proximité, une continuité dans les relations. L’eucharistie rassemble autour du Christ, tous ceux et celles qui s’aiment au-delà de toute frontière. Un même Esprit peut être demandé, toutes les intentions confiées.

« Ma communauté » de Kadutu (Bukavu) continue à accueillir et former des jeunes qui demandent à devenir religieuses missionnaires. Ce sont les premières étapes. Mapendo et Antoinette, jeunes professes, me donnent des nouvelles : elles sont heureuses de la formation reçue. A leur tour elles animent, entre autres, les rencontres d’animation missionnaire où nous nous sommes connues.

En septembre 2009, mes sœurs ont pu commencer un jardin d’enfants pour trente cinq enfants du quartier. Nombre limité volontairement. Depuis plusieurs mois nous avions fait ce projet ensemble. L’objectif est de former les jeunes enfants dès trois ans aux valeurs qui nous tiennent à cœur. Elles sont essentielles pour une société en paix. Elles s’enracinent dans l’Evangile. Vérité, justice, politesse, respect des autres et de soi, accueil de tous, foi. Les enfants inscrits sont de niveau social, de religion, d’ethnie différents, autant qu’il est possible. La participation financière doit couvrir tous les frais. Participation en nature et péréquation permettent aux enfants de famille démunie de s’inscrire. Les parents sont impliqués dans la formation.

Le Groupe Lavigerie des missionnaires laïcs a renouvelé son comité d’animation. Ils sont quatorze couples, dont les épouses se préparent à un engagement dans l’esprit missionnaire du Cardinal Lavigerie. « Je me suis fait tout à tous, car j’ai dit au Dieu de tous : je suis tout à toi ». Ils sont spécialement attentifs aux personnes marginalisées pour diverses raisons : misère, isolement, maladie, enfance abandonnée.

Je reçois des nouvelles des anciennes élèves et de leur association AMIDA. Elles me confient des intentions de prière. Elles soutiennent le lycée où je les ai connues. J’y avais enseigné une dizaine d’années. Que font-elles ? Rencontres éducatives, entretien des bâtiments, améliorations (antivols). Dans différentes écoles, une éducation affective et sexuelle a été donnée.

Mes amis et amies, des tout pauvres, me manquent. Nous partagions joies et peines. Leur confiance était si touchante. Leurs cadeaux étaient de grand prix : le petit lapin de Baba Marco ou les bananes de Mama Marie. Que Dieu, en qui ils ont une si grande confiance, les garde et les protège.

Voilà un petit tour d’horizon. Vos nouvelles me font toujours plaisir. Je ne crois pas vous avoir tous remercié personnellement quand vous nous avez aidées. Aussi je le fais ici. Vous avez votre part dans tout ce que Dieu m’a donné de vivre. Qu’il vous bénisse ainsi que tous ceux et celles qui vous sont chers.
Je vous redis toute mon amitié,

Françoise




Odile

Le 22 avril 2010

Très chers famille et amis,

Voici que l’hiver est passé et c’est l’explosion de vie du printemps : les bourgeons, les fleurs, les chants des oiseaux, un émerveillement de vivre à nouveau le cycle des saisons … sans oublier toutefois les furies de la nature : le réchauffement de la terre, le séisme catastrophique d’Haïti où se trouvent nos sœurs dans un quartier très populaire de Port au Prince, ceux du Chili et de Chine… l’explosion du volcan d’Islande qui vient de paralyser partie de l’Europe !

Avec Françoise, nous avons tardé encore cette année pour vous rejoindre, cette fois-ci pour raison de santé. Cela a été une surprise pour chacune de nous de devoir revenir à 15 jours d’intervalle en mai 2009 sans nous être concertées. J’arrivai le 15 mai, et Françoise 15 jours après moi. Providentiellement, j’ai pu visiter Françoise tous les jours à l’hôpital durant la période la plus critique ; un vrai don de Dieu pour que nous puissions nous rencontrer tout au long de cette année, et en même temps une occasion de resserrer nos liens de famille entre nous 5 frères et sœurs, belles-sœurs et familles !

Pour moi, ce fût un retour d’Equateur un peu précipité, à cause d’une forte fatigue ; cela s’est avéré nécessaire quelques mois avant de célébrer « 40 ans » depuis mes premiers vœux à Béni Abbès, au désert du Sahara le 1° mars 1970, ce qui correspond aussi à mes 65 ans d’âge ! Donc je suis à la fin d’une année de pause bien nécessaire et qui m’a permis de retrouver des forces neuves et un nouveau souffle, avec un rythme différent, pour une mission que seul le Seigneur connaît pour le moment. C’est le temps de vivre la prière du Père de Foucauld : « Mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’Il te plaira».

C’est aussi le moment de rendre grâces pour tout ce que j’ai reçu durant ces 40 ans, qui me font penser à Moïse, à l’exode : durant cette longue traversée du désert ; une étape où j’ai pu relire le vécu avec différents peuples, comme une histoire « sainte » que Dieu continue d’écrire avec nous, avec nos amis que nous aimons, à travers leurs souffrances et leurs joies ! Combien ai-je reçu du peuple salvadorien et de son histoire martyriale : un témoignage si fort de donner la vie pour les autres pour un monde juste et fraternel. Quelle richesse que la spiritualité Indienne avec ses symboles : la terre, l’eau, l’air et le feu ; une spiritualité qui vit une harmonie entre toute la création avec l’homme et la femme, tous les êtres vivants et Dieu, où l’éducation essaye d’être libératrice et de préparer les jeunes et les adultes à vivre en frères !

C’est ce que nous avons essayé de vivre avec le groupe des jeunes « semilla », ils poursuivent leur chemin vaillamment et continuent de former des jeunes engagés chrétiennement pour un monde nouveau ; il y a d’autres jeunes qui sont en route avec le groupe semilla, on les appelle « semillitas », c’est à dire « petites semences » ; nous sommes heureuses que le groupe continue avec le même mystique avec l’appuis de l’Association Saint Louis de Montbazin et d’autres amis !

Après un temps de réflexion et de discernement, nos sœurs du Conseil en dialogue avec nous trois : Sabine, Christine K. et moi, ont décidé de ne pas continuer à La Inmaculada en Equateur. Nous n’avions pas de sœurs en nombre suffisant, ni pour Sabine et moi la possibilité physique de continuer à vivre à 2800 m d’altitude. D’autre part, c’était le moment pour que nos amis, après 30 ans de présence, prennent eux aussi les choses en mains ; ces derniers temps où Sabine et Christine ont préparé notre départ, nos amis des 10 villages ont bien montré leur désir de continuer la mission coordonnés par les Animateurs de communautés, cela nous rappelle cette belle phrase d’un chant à Monseigneur Proano ( Longtemps Evêque des Indiens): « Tu t’en vas, mais les arbres que tu as plantés, restent », c’est ce que nous ont dit les jeunes et adultes avec lesquels nous avons vécu et travaillé… Peut-être qu’un peu plus tard d’autres religieuses pourront continuer là où nous vivions, c’est à confirmer. Un prêtre diocésain continue à venir les dimanches et donne son appuis aux laics : catéchistes et animateurs de communautés.

Sabine et Christine ont déjà rejoint le Salvador où nous avons deux fraternités. Quant à moi, je serai en dialogue avec mes sœurs du Conseil, pour recevoir dans quelques mois un nouvel envoi.

Malgré mon silence cette année qui était nécessaire pour me récupérer, je reste proche de chacun et chacune d’entre vous et suis toujours heureuse d’avoir de vos nouvelles et vous remercie de vos aides et de votre amitié fidèle.

Je vous souhaite un beau temps pascal, et que Jésus ressuscité efface toute tristesse et fasse surgir la paix et la joie, pour que naissent là où nous vivons des cieux nouveaux et une terre nouvelle que nous construisons ensemble.

Avec toute mon affection fraternelle,

Odile
xxx@xxx.xx

Publié le 16/06/2010 par Alice.