La Dernière Guerre mondiale n’était pas encore déclarée lorsque Marie-Françoise Haumonté naquit en 1939 à Châtel-sur-Moselle. Ainée de quatre frères, elle tomba immédiatement dans le grand bain de ceux qui portent leur attention aux autres. Fervents catholiques, ses parents, d’origine modeste, firent le choix d’inscrire leurs enfants à l’école publique. Intégrer le privé ne permettait pas à l’époque de recevoir des bourses destinées aux études. Marie-Françoise se souvient parfaitement que si dès 6 ans elle jouait à la maîtresse d’école, c’est qu’elle nourrissait déjà le rêve de devenir enseignante. Surveillante à Toul, elle poursuivra son cursus scolaire par correspondance tout en se dirigeant finalement vers l’enseignement général technique. Un choix qu’elle définit par un besoin inné de porter une attention toute particulière vers les enfants en nécessité d’être épaulés. Professeur, durant une vingtaine d’années, Mme Haumonté aima mettre en pratique ce qu’elle désigne comme « une laïcité positive ». Un idéal qui oblige au respect des origines, de la liberté de pensée, et des convictions de chacun. Restée célibataire, Marie-Françoise n’envisagea jamais de devenir religieuse. Elle demeurait cependant en quête de vivre sa foi et le service du pardon mutuel au quotidien. Elle explique que lorsqu’elle fit connaissance en 1978 la Communauté des Béatitudes, elle comprit qu’elle venait de rencontrer la voie qu’elle recherchait. « Un absolu dans le quotidien du peuple de Dieu. » Certaine de son choix, elle fit alors sa demande de mise en disponibilité. Quelques années plus tard, en 1992, la Communauté d’Autrey ouvrait le Foyer vocationnel saint Augustin. Elle s’en vit confier la direction et sut faire profiter les élèves de cette fibre pédagogique qui vibrait en elle. En bâtissant des programmes scolaires capables de mener les jeunes gens jusqu’au baccalauréat, elle obtint un taux de réussite à cet examen qui fut constaté et salué par les instances académiques. Il en fut ainsi durant plusieurs années. Curieuse de poursuivre dans son expérience, elle choisit ensuite de rejoindre une communauté en Belgique où elle vécut encore son métier avec passion et bonheur. Les années passaient, une année sabbatique lui fut profitable. « L’éducation pour moi, c’était terminé, je ne me sentais plus en phase. Il me fallait passer un cap, faire face en toute conscience à mon propre vieillissement que je sentais venir… En 2009, je suis revenue à Autrey, je rentrais chez moi… »
Osons ce que nous sommes !
Ses valises à peine posées, Marie-Françoise fut désignée par le Père Marchal comme responsable des visiteurs de malades et « parachutée » à l’hôpital de Rambervillers. « Ce fut véritablement un nouveau monde, au travers ma réflexion et tout un travail de retour sur moi même, j’avais accepté mon vieillissement, ma propre mort… J’étais entrée dans une autre dynamique… Ici, je suis très entourée, je me sens chez moi, dans une vie de prières. C’est important, car si je peux donner, c’est parce que je reçois beaucoup. Je ne vivrais sans doute pas aussi bien si je n’avais pas eu cette proposition. Ce fut une superbe opportunité… » Devenue aumônier de l’établissement rambuvetais, Mme Haumonté oeuvre en lien avec le prêtre. Des bénévoles apportent un concours apprécié. « Je me rends sur place sans aucun plan, je suis prête à rencontrer les gens comme ils sont… À les écouter, les faire rire parfois, les amener à tolérer à pardonner… Ce n’est pas toujours facile, mais mon maître mot reste disponibilité. Lorsque je donne la communion, je réponds à leur demande… Lors du sacrement des malades, une personne qui n’avait pas communié depuis 47 ans a souhaité recevoir le Christ… Ce fut un grand moment pour toute l’équipe… Cette dame était illuminée par sa joie. Une petite graine avait été semée… Je vis tout cela dans la réciprocité et cela me comble. Je rentre toujours chez moi plus riche et heureuse qu’en partant… » Madame Haumonté se réjouit des rencontres proposées par le diocèse, des réunions destinées à échanger les expériences… « Ce qui me nourrit aussi c’est toutes ces formations qui nous sont apportées… On ne peut pas aller à l’hôpital qu’avec de bons sentiments. Les lois, des façons d’aborder les malades, les familles, mais aussi la Direction et le personnel hospitalier nous sont apprises… Être “Laïque en mission” c’est pour moi un véritable bain de jouvence… » Le monde évolue. « Nous sommes dans un tournant sociétal. Il faut que les chrétiens gardent leur place. Nous n’avons pas à gommer ce que nous sommes, sans prosélytisme… On ne rejoint pas l’incroyant en mettant ses propres convictions dans sa poche. Osons ce que nous sommes !Être chrétien et heureux de l’être... Soyons un témoignage souriant. C’est pareil avec les enfants, il est inutile de jouer les ados avec eux. Les jeunes souffrent souvent de ne plus rencontrer de vrais adultes. Être bien dans ce que l’on a choisi. » Les grands yeux bleus de Françoise s’illuminent. Elle saisit des bonheurs simples comme la douceur printanière d’un rayon de soleil caressant un massif de perce-neige en fleur. « Cette joie intérieure qui nous anime, c’est probablement ce que l’on peut laisser de meilleur… » Josée Tomasi-Houillon
Avec Église dans les Vosges, découvrez chaque mois le portrait d’un acteur de l’Eglise vosgienne.
Abonnez-vous !