L’atelier du menuisier de Pierre-Michel Gambarelli
Ce conte est tiré de la revue "Signes aujourd'hui" - célébrer la nuit de Noël de sept 2001
Tout se passe dans le modeste atelier d’un menuisier, quelque part dans un pays lointain, il y a de ça bien longtemps. Comme son père, son grand-père et tous les pères de ses pères jusqu’à la nuit des temps, notre brave menuisier reproduit les mêmes gestes avec les mêmes outils. Des outils qu’il connaît bien, tellement bien que ceux-ci semblent être devenus le prolongement de sa main. De tout son cœur, il scie, il taille, il entaille, il rabote, il assemble, il fend, il perce, il cloue, il râpe, il ponce, il ponce, il ponce… et tout en ponçant, il pense au bonheur de vivre, d’aimer et de créer. Un jour, l’artisan s’absenta quelque temps pour aller chercher du bois. Il lui fallait absolument de belles planches coupées dans le tronc des meilleurs arbres de la forêt. Le menuisier n’avait pas claqué la porte de son atelier qu’une fois de plus les outils recommencèrent de se chamailler.
— C’est moi qu’il préfère
— Non, c’est moi.
— Peut-être mais c’est moi qu’il utilise le plus
— Tu parles ! quel intérêt d’être utilisé comme un simple décapsuleur ?
— De toute façon, il est évident que je suis indispensable.
— Mais, moi, je suis en permanence disponible alors que toi, tu es toujours usé, émoussé il faut sans arrêt t’affûter.
— Regarde-toi donc, gros tas de ferraille rouillée…
— De quoi je me mêle, espèce de clou tordu. C’était toujours le même problème, les mêmes jalousies, les mêmes rivalités. Impossible de leur faire partager le même établi. Impossible de les ranger dans la même caisse à outils.
Le marteau : « Je pense que la scie ne peut plus rester parmi nous. Elle a un caractère grincheux et détestable. Elle mord, déchire et grince des dents »
Tous les outils : « Oui, tu as raison, qu’elle s’en aille »
La râpe : « Personnellement, je pense que c’est au rabot de partir. Il est prétentieux, incisif, tranchant. Il n’a rien à faire parmi nous »
Tous les outils : « Oui, tu as raison, qu’il s’en aille »
Le clou : « Mais pour qui se prend-elle, celle-ci ? Moi je vous le dis, si quelqu’un doit partir, c’est bien la râpe. Avez-vous vu sa langue bien pendue et râpeuse qui ne cherche qu’à créer des frottements ? »
Tous les outils : « Oui, tu as raison, qu’elle s’en aille »
La tenaille : « C’est au marteau et au clou de partir. Ils sont assommants tous les deux et ils font tout de travers. Je passe mon temps à corriger leurs erreurs. Qu’ils s’en aillent, ils nous tapent sur les nerfs »
Le vilebrequin : « Il n’est pas question de rester avec la tenaille une minute de plus. Je préfère partir que de continuer à subir les doléances de cette vieille râleuse qui vous prend la tête à chaque instant.
Finalement, le vilebrequin s’en va et la tenaille reste seule. Chacun veut tout avoir pour lui tout seul. Chacun veut être le premier, le meilleur, le plus séduisant. Chacun veut être le plus fort, le plus grand, le plus important. Chacun veut vivre dans son coin, sa coquille, son petit monde bien tranquille. Chacun veut croire que demain ira mieux quand tous les autres seront partis. Chacun veut espérer que Dieu est de son côté, le côté des justes. Chacun veut se persuader qu’il a raison à tout jamais et pour l’éternité.
Le menuisier revient tout joyeux, il porte sur son épaule quelques morceaux de planche qu’il dépose dans son atelier. Puis, il se remet à son ouvrage comme au début de l’histoire. Soudain, il s’arrête, va chercher un premier outil, puis un deuxième, puis un troisième jusqu’au dernier. Le menuisier continue à travailler avec tous ses outils qui sont maintenant réconciliés. Maintenant que l’équipe est bien constituée, ils se remettent à l’ouvrage et on découvre un merveilleux berceau, fruit de leur travail. Ce berceau sert ensuite à accueillir notre Seigneur Jésus nouveau-né.
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