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Ressources

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L’Église, les communautés et les mouvements ont besoin de ressources. Ressources financières, humaines et spirituelles. Dans ce numéro, Vincent Fisson, directeur du Secours catholique à Épinal, jette un cri d’alarme sur la misère souvent muette qui frappe les nouveaux pauvres : des travailleurs qui ne peuvent plus joindre les deux bouts, par leur statut de précarité ou par un accident de la vie. Le diacre Pierre Henry, d’Uxegney, témoigne de l’enthousiasme des jeunes que l’on assimile trop souvent à des délinquants. Et Annie Viry, de Xonrupt-Longemer, responsable du catéchuménat en montagne, évoque la ressource suprême – celle de la foi.



“On n’a jamais eu tant de bénévoles en France”

Face à l’émergence de nouvelles formes de pauvreté, incarnées par les travailleurs qui n’arrivent pas à s’en sortir, le Secours Catholique adapte sa démarche, soutenu par la formidable solidarité de 4000 donateurs vosgiens.

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église dans les vosges (edv) : Dans une France de plus en plus déchristianisée, le mot “catholique” dans l’appellation de votre mouvement n’est-elle pas un handicap pour le don ?
vincent fisson (vf) : La question du mot “catholique “ est soulevée régulièrement en interne. A partir du moment où les gens voient ce qu’on fait, qu’on est sur le même terrain, pour aider les mêmes personnes, les barrières tombent. Nous sommes présents et reconnus. Nous appartenons au mouvement européen Caritas. Nous aurions pu devenir “Caritas France” mais le Secours Catholique vit de 4000 donateurs attachés au mot “catholique”.

edv : La crise rend-elle les dons plus difficiles ?
vf : Les Vosgiens sont généreux par rapport à d’autres publics donateurs, de Lorraine ou d’autres régions. Ils se sentent solidaires, peut-être à cause des séquelles de la guerre. On observe une espèce d’élan, de générosité naturelle.

edv : C’est plutôt réconfortant !
vf : Oui, on a beaucoup de mauvais chiffres, mais on a jamais eu tant de bénévoles en France. Pour nous, la question est “Comment sensibiliser les jeunes, susciter leur engagement ?”

edv : Car il y a urgence ?
vf : Oui, le Secours Catholique pousse un coup de gueule dans son rapport annuel de novembre, sur les ressources face à la crise. On dit que la pauvreté concerne des personnes qui ne savent pas gérer leur budget, alors qu’en fait elles n’ont pas les moyens de s’en sortir ! Depuis cinq ans, on voit émerger de nouvelles formes de pauvreté, chez des travailleurs à temps partiel, des intérimaires avec des contrats précaires, qui s’arrêtent d’un coup. Les gens bossent mais n’arrivent pas à s’en sortir avec la hausse des prix. Il suffit d’une panne de voiture, d’un pépin de santé pour rompre le fragile équilibre. Ils font alors appel au crédit à la consommation pour lequel ils sont des cibles faciles.

edv : Par pudeur, beaucoup n’osent-ils pas dire leur détresse ?
vf : Oui, la pauvreté a évolué depuis que le Secours Catholique existe. Il a fait évoluer ses pratiques en conséquence. Il nous faut aller vers les gens, passer du temps et discuter avec ces 25 - 49 ans qui ont du mal à joindre les deux bouts. Nous devons sortir de l’accueil classique : ces personnes auparavant n’osaient pas passer le seuil de notre porte. A nous de les reconnaître, de les appeler par leur nom. Cela implique une formation des bénévoles, chez qui la bonne volonté ne suffit pas. Il leur faut de la compétence.

edv : Il faut aussi savoir détecter les ressources chez les plus démunis…
vf : Oui, ils nous font peur, mais on apprend beaucoup de choses avec ces gens-là, ils ont des talents. On prépare le marché de Noël : l’un est doué en bricolage, l’autre écrit des textes très sympa en slam*, un troisième est un dieu de l’origami, l’art du pliage en papier !

*art d’expression oral, déclamatoire, sur fond musical. En France, “Grand corps malade” est un slameur populaire.



Aider plutôt qu’assister

“Les feignants, on les connaît : ils ne sont pas la majorité, dit Vincent Fis¬son. Avec les travailleurs pauvres, on voit des dossiers de plus en plus complexes.”

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C’est la conviction du directeur du secours catholique : la cellule familiale s’est déchirée depuis qu’il est impensable que les femmes ne travaillent pas. “Si les gens sont privés de soutien de la famille ou d’amis, ils craquent.” On vit le phénomène de gens qui ont un boulot, mais dont la vie bascule avec la maladie, la perte d’un emploi, la mort accidentelle d’un enfant qui génère de ruineuses dépenses funéraires.
Que faire, compte tenu des données nouvelles introduites par la société de consommation ? Rester vigilant vis-à-vis de la pauvreté cachée : “On a secouru une personne de Chantraine, commune classée riche, qui vivait seule, recluse dans sa maison qu’elle laissait se délabrer, sans ressources depuis la mort de sa mère, parce qu’elle ne connaissait pas ses droits. On a alerté l’assistante sociale.”

Et on peut mieux cerner les problèmes avec un accompagnement scolaire pour les enfants, voire un accompagnement en vacances. Pourquoi les aider à partir ? Un père seul avec quatre enfants nous a dit : “Je ne pensais pas que dans ma vie, il me serait possible d’aller en vacances.” Le voici convaincu qu’avec du boulot il pourra s’offrir une nouvelle évasion en famille !



Pierre Henry, l’accompagnateur

Il est une personne qui a un handicap, pas un handicapé. Cloué sur un fauteuil roulant, le professeur de physique, le diacre marié à Marie-Anne Collé et envoyé auprès des jeunes, témoigne de la force nouvelle qu’il a reçue après son accident.

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Il vous reçoit dans sa maison bien aménagée à Uxegney. Pierre Henry vous offre le café et raconte son histoire. Sa vie a changé avec une chute d’escalade au Hohneck, en 1979. “Tout de suite, j’ai compris que c’était grave.” Il espère encore se remettre, mais doit bientôt se rendre à l’évidence : il est condamné à vivre dans un fauteuil roulant. Que faire alors ? Son passé se porte à son secours, son entourage aussi. “Ma première femme m’a beaucoup encouragé.” Et sa foi : “Je suis convaincu que j’ai eu un coup de main. Je ne mets aucune responsabilité de Dieu dans ma chute ; c’est moi qui suis tombé, mais Lui après coup m’a tendu la main, m’a aidé. Ce coup dur a recadré ma foi.”. Il faut tout repenser : “c’est très difficile la rééducation.”
Pierre veut continuer à enseigner. C’est le collège Elsa Triolet à Thaon qui l’accueillera pendant vingt ans : “Mes élèves ne me ménageaient pas plus qu’un autre !”, sourit-il. Il s’occupe des jeunes de l’aumônerie du lycée professionnel de Thaon dans des conditions difficiles : “Je leur parlais dans le couloir :alors, comment ça va ? Et parfois un vrai dialogue s’installait à travers une boutade, un geste.
L’accompagnement, c’est le mot clé de ma vie : accompagner les autres, être accompagné. J’ai accompagné beaucoup de jeunes adultes à la JOC ; ça me passionne, ça me requinque, ça me bouscule. Au moins, je suis obligé de ne pas trop me regarder le nombril.”

L’école de la montagne

Son handicap rapproche Pierre de ceux qui souffrent, mais ne l’empêche pas de mener une vie active ; à lui le sport, à travers le ski bob, le handibike, pratiqués par ce féru de montagne. La montagne, une école de dépassement de soi qui a aidé à sa reconversion : “la montagne m’a appris la ténacité, la patience, la recherche de prises.” Mais son point d’appui majeur, le militant de l’action catholique ouvrière le trouve auprès de Marie-Anne, qui partage ses convictions.
Après le décès de sa première épouse, victime d’un cancer, Pierre trouve à nouveau une précieuse alliée pour l’épauler. Contre le handicap au jour le jour, mais aussi dans ses engagements dans l’Église.

Croire dans les jeunes

Les ressources de générosité des jeunes émerveillent l’ancien professeur : “Qu’on les associe de plus en plus avec des délinquants me consterne”. Diacre permanent, il est envoyé auprès de ces jeunes.
Au sein de l’Église, il milite dans les mouvements catholiques, avec une prédilection pour les actions sociales et solidaires. Sa crainte ? Que l’Église privilégie la vie des communautés paroissiales au détriment des mouvements. Son bonheur ? La réceptivité des jeunes au message d’amour du Christ, pourvu qu’il ne soit pas transmis au sein d’un cadre figé qu’ils rejettent.
On sort de chez Pierre ragaillardi par une foi communicative en la vie.



Annie Viry : “Dieu parle par des voies très variées”

En quoi la croyance constitue-t-elle une ressource ? Dialogue avec Annie Viry, qui va succéder à Odile Simonin comme responsable du service diocésain du catéchuménat.

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église dans les vosges (edv) : Qu’entend-on par “catéchuménat” ?
annie viry (av) : L’accompagnement vers le baptême. Dans le service, on s’adresse uniquement aux adultes. On n’est pas en charge des baptêmes d’en- fants, ça appartient à la catéchèse.

edv : En quoi consistent vos responsabilités ?
av : En l’accompagnement des “recommençants” et des “catéchumènes” : des adultes qui, à un moment donné, ont pris leurs distances avec l’Église ou l’ont abandonné. A la suite d’un événement, d’une rencontre, des questions naissent et nous sommes là pour les guider vers les réponses. Cela nécessite beaucoup d’ouverture et d’écoute vis-à-vis de ces personnes, c’est intéressant !

edv : Quelle différence entre “recommençant” et “catéchumène” ?
av : Les recommençants sont baptisés. Ils ont déjà vécu des choses fortes avec l’Église mais ils s’en sont éloignés. Ils souhaitent renouer des liens avec la communauté et la foi. Les catéchumènes n’ont jamais été proches de l’Église jusqu’à un moment-clé où ils se sont interrogés. Ils souhaitent être baptisés et entrer dans la communauté de Dieu.

edv : Les parcours de ces croyants sont- ils similaires ?
av : Non, ils sont bien différents. Par exemple, certains ont été blessés par l’Église et ils se mettent à relire la Bible ; d’autres font le pèlerinage de Compostelle, et des questions ont éclos…

edv : N’est-ce pas plutôt à l’occasion de décès, de maladie que l’on se trouve le dos au mur face au sens de la vie ?
av : Bien sûr, les épreuves diverses font que les gens se posent des questions. Dans les périodes où on est bousculé. On cherche des issues, des échanges, on se pose des questions fondamentales par rapport à la foi : en quoi croire quand tout s’écroule ?

edv : Comment les catéchumènes se comportent-ils ?
av : Il y a de moins en moins de personnes qui demandent le baptême pour régulariser une situation, à l’occasion d’un mariage par exemple. Les recommençants et les catéchumènes nous posent des questions sur la foi. On reçoit de plus en plus de requêtes profondes par rapport à la confiance, à l’amour.

edv : Certains reviennent-ils à la foi à la suite d’une expérience frôlant le para- normal ?
av : Oui, Dieu nous parle par des voies très diverses. Des personnes ont vécu des événements très forts, une rencontre intérieure. Après, il y a l’interprétation du vécu des ces événements. Des personnes en situation difficile se sont senties épaulées par quelqu’un, ils ont ressenti une paix soudaine.

edv : L’écrivain André Frossard a témoigné de son foudroiement par une évidence soudaine - celle de la présence du Christ - dans une chapelle de la rue d’Ulm à Paris…
av : Oui, cela existe. Dieu parle par des tas de choses. Il faut que la personne puisse en parler et être accompagnée sur le chemin de la foi. Après cette expérience marginale, il faut pouvoir vivre sa foi dans la banalité du quotidien.

edv : Avoir la foi, c’est une grâce, impliquant la croyance de la présence du Christ en chaque personne…
av : Si je n’y crois pas, je ne peux pas témoigner ! On est créé par Dieu, il y a forcément l’appel de Dieu à sa créature. Il appelle chacun à chaque moment.



La solidarité, ressource purement humaine

Connaissez-vous Françoise Hauberdon ?
Il y a 2 ans, Françoise rend visite à sa sœur, émigrée au Bangladesh depuis 1972, accompagnée de son fils, sa belle-fille et ses 2 petits-enfants. Elle découvre l’immense misère du pays, mais aussi un cocon d’espoir, une école catholique tenue par la Congrégation des Sœurs Salésiennes Missionnaires de Marie à Mymensingh (centre du pays).

Le fils de Françoise, François, est alors parrain de deux petites filles du pensionnat depuis 4 ans. A leur arrivée dans l’établissement, l’accueil est incroyablement chaleureux et un spectacle, pré¬paré par tous les classes, est donné en l’honneur du parrain. Françoise se décide immédiatement à apporter son soutien, comme son fils. Depuis ce jour, elle par¬raine une fillette qui est nourrie, logée et éduquée pour quelques 32€ par mois.
Le parrainage est encadré par le Centre Français pour la Protection de l’Enfance (CFPE) dont la directrice, Valérie Triboulot, est originaire de Dogneville. Plus d’infos sur le site officiel : http://www.cfpe.asso.fr

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Avis aux communautés vosgiennes. Peut- être peuvent-elles se regrouper pour parrainer l’un ou l’autre enfant défavorisé dans le monde, qui ignore encore qu’il sera bientôt sauvé par un sursaut de solidarité venu des Vosges. Une ressource inépuisable.
Coup de pouce finance
• 32€ par mois, c’est peu pour certains mais beaucoup pour d’autres. Si c’est beaucoup pour vous mais que devenir parrain ou marraine vous tient à cœur, sachez qu’il est possible de parrainer un enfant à plusieurs.
• La mensualité n’est pas obligatoirement de 32€, cela dépend des besoins de l’enfant et de son pays. A vous de choisir.
• Le CFPE est habilité à recevoir les dons et legs ; à ce titre, le reçu fiscal vous donne droit à une réduction de 66% de votre don.

Une ressource improbable, un talent incroyable

Cléophas Rema est un bangladais sourd et muet. Promis à une vie en solitaire de paysan pauvre, il se découvre une ressource pleine de promesses : la sculpture. Recueilli par les frères de Taizé, il vit aujourd’hui avec sa femme et ses fils et parvient à vivre de son talent. _ Françoise le soutient aussi. Début 2009, elle lui commande une crèche par l’intermédiaire des frères. Les neufs santons sont simplement sublimes. Françoise fait don de cette crèche unique à la communauté de la Sainte Famille au Saut-le-Cerf à Épinal. Peut-être un mou- ton viendra-t-il bientôt réchauffer l’enfant béni…
Émerveillez-vous de ces sculptures qui seront exposées ce Noël dans l’église du Saut-le-Cerf.

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Publié le 10/12/2010 par Alice.