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La personne âgée, moi et les autres

Cet article a été publié dans le magazine « Église dans les Vosges ». En vous abonnant , vous soutenez l’information et le dialogue dans le diocèse.

L’église catholique des Vosges et la maison diocésaine proposent un cycle de conférences sur le thème de “la vieillesse : angoisses, chances et perspectives”. La première soirée a eu lieu vendredi 30 mars. Trois intervenantes se sont succédées pour aborder le sujet du regard que chacun porte sur la vieillesse. Colérique, dynamique, malade, sage, dépendant, actif, égoïste ou généreux, chacun a son image du senior. Rencontre avec 3 femmes, 3 témoins.

Le docteur Christine Cornement, Médecin coordonnateur pour les maisons de retraite de Ville-sur-illon et Charmois-l’orgueilleux.

La vieillesse est un phénomène nouveau et très important de notre société en matière de nombre, de coût pour le contribuable, de nécessité d’accompagnement, etc. mais personne, ou presque, n’en parle. Il y a désormais des milliers de centenaires, ça ne s’est jamais vu dans l’histoire humaine. Ce devrait être vécu comme une formidable chance par notre société mais nous sommes dans une contradiction : tout est fait pour que l’on vive longtemps et nous nous interdisons de plus en plus de vieillir. On parle du phénomène de l’âgisme par exemple qui consiste en une discrimination des personnes du fait de leur âge ou bien du jeunisme qui est une tendance à exalter la jeunesse et d’en faire un modèle obligé.

Autrefois, le vieillard était une personne honorable regardée avec les yeux de l’amour. Aujourd’hui le vieillard est une personne qui a une maladie mortelle (la vieillesse) et qui est regardée avec les yeux du dégoût. Et si j’ai accepté de témoigner de ce que je vis avec mes équipes, c’est justement pour dire que ces personnes âgées, malades, handicapées sont belles à l’extérieur comme à l’intérieur et qu’elles méritent d’être accompagnées et aimées. Nous avons tout à apprendre et ce sont ces personnes elles-mêmes qui nous apprennent à les accompagner.

Maladie démentielle

Les malades d’Alzheimer ou autre représentent la population principale de nos établissements et ce sont les plus difficiles à accompagner ; ce sont celles dont on se sauve car on ne sait pas quoi dire, quoi faire. Au quotidien, les équipes s’interrogent sur la nature de cette désorientation, car pas une personne ne présente les mêmes troubles pour un stade donné, pas une n’a la même évolution. Jean Maisondieu, géronto-psychiatre et auteur de “Le crépuscule de la raison”, a émis une hypothèse intéressante lors d’une conférence : on parle de “naufrage sénile” face à toutes ces personnes âgées désorientées or, il y a deux manières de faire naufrage, par trou dans la coque ou par tempête :

- le trou dans la coque : on pourrait dire que c’est Alzheimer ou ses copines c’est-à-dire qu’il y a des “trous dans le cerveau”, et un trou dans la coque ça se traite par une rustine c’est-à-dire des médicaments en ce qui nous concerne. Des médicaments, on en a quelques-uns mais il n’y a que 20% de répondeurs chez qui on note un ralentissement de l’évolution de la maladie.

- la tempête : Maisondieu parle de tempête existentielle où il y a réduction de la voilure, repli dans la coque du bateau. Pour la personne âgée, cela signifie refuser d’être stimuler, de penser à aujourd’hui où on la considère malade au point de ne plus la regarder, lui parler ni à demain dans le cercueil. Elle part alors dans un ailleurs, dans ses souvenirs rassurants ou alors l’angoisse est telle qu’elle s’agite, se perd, se sens agressée par ceux qui l’entourent et tout le monde pense qu’elle est un élément perturbateur avec des comportements bizarres.

Plus ça va, plus je me dis qu’il y a du vrai dans cette hypothèse et plus je suis convaincue que le médicament qui guérira la maladie démentielle n’est pas pour demain. Par contre, tous les jours, je constate que le fait de montrer à la personne que l’on accompagne qu’elle existe pour ses contemporains est un très bon médicament.
Nous travaillons sur le besoin qu’a la personne âgée, dite désorientée, de sentir qu’elle existe pour quelqu’un, qu’elle est aimée et formons nos équipes dans ce sens. Apprendre à accompagner n’est pas réservé aux soignants, c’est à la portée des aidants familiaux, des bénévoles. Nous vivons ainsi de très beaux moments et les familles aussi. La fille d’une résidante de l’unité Alzheimer a confié à la psychologue il n’y a pas longtemps, que sa maman n’a jamais été aussi affectueuse avec elle qu’actuellement.

Je voudrais terminer en rappelant la devise de “Sainte Laïcité” : “Liberté, Égalité, Fraternité”. Vous chercherez ce que veut dire le mot fraternité notamment. Pensez aussi à la Genèse, chapitre 4 : “Qu’as-tu fait à ton frère ?”. Enfin, inspiré par une parole du Père Stan Rougier à St Amé dimanche dernier, Matthieu chapitre 5 “Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel vient à s’affadir, avec quoi le salera-t-on ?”. Ne nous affadissons pas, et accompagnons nos aînés en humanité avec un regard aimant. Je souhaite qu’on mette de la saveur dans le fait de vieillir et dans l’accompagnement de nos aînés

Marie-line Rubini, directrice de l’office Nancéien des Personnes âgées (ONPA)

Seniors ? Grands seniors ? Aînés ? Personnes âgées ? 3e âge ? 4e âge ? De qui parlons-nous ? Nous parlons d’une population nombreuse et hétérogène composée de personnes âgées de 60 ans à plus de 100 ans ayant traversé des époques historiques différentes. Le trait commun est la diversité qui est si grande que l’on ne peut pas catégoriser ; on parle alors de retraites polymorphes.

Des motivations à “agir”

Pour comprendre ce qui pousse chaque être-humain à l’action, on peut utiliser la théorie sur la motivation de Maslow, schématisée par la pyramide des besoins, constituée de 5 niveaux (ci-dessus). Selon Maslow, nous devrions rechercher à satisfaire chaque besoin d’un niveau donné avant de penser aux besoins situés au niveau immédiatement supérieur de la pyramide. Par exemple, il est préférable de rechercher à satisfaire les besoins physiologiques avant les besoins de sécurité. La théorie de la motivation repose sur les attentes de chacun. Celles-ci sont en fonction du passé, de la culture, de la situation familiale et sociale et du rapport que les aînés ont avec leur propre vieillissement. De plus, le choix des activités est limité par leur état physiologique et leur situation financière.

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Évolution de la place des personnes âgées dans la société

Comment définir d’un point de vue psychologique et sociologique la vieillesse ? Est-ce l’étape ultime dans le parcours de vie individuel ? Ou une construction sociale en fonction de facteurs différenciés selon la période de l’histoire, la culture, les sociétés, le sexe, les entreprises, le regard de la société ?

1. De la construction sociale de la vieillesse

Avant XIXe siècle, l’intervention publique se limitait à assister les plus déshérités sans distinction d’âge. A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la vieillesse apparaît comme un problème social et l’industrialisation favorise la visibilité de la vieillesse ouvrière. Formation des politiques “Vieillesse” On compte trois enjeux :

  • la vieillesse comme droit social à la retraite.
    - 1941 : création de la retraite obligatoire par répartition.
    - 1945 : avec la sécurité sociale, la retraite devient un droit universel du travail.
  • le mode de vie des personnes âgées.
    - 1960 : le Rapport Laroque définit les principes généraux d’un nouveau mode de gestion de la vieillesse.
  • la participation des travailleurs âgés à la production.

Les deux pôles imaginaires de la vieillesse contemporaine

Aujourd’hui la vieillesse a 2 visages dans l’esprit commun : d’une part, le retraité actif, impliqué dans la vie publique et associative qui développe une négation de la vieillesse – syndrome du jeunisme et d’autre part, la personne âgée dépendante, en perte complète d’autonomie et en souffrance. En ce qui concerne les jeunes, leur point de vue est plutôt positif. En effet, ils estiment à 89,2% que les seniors sont sages, généreux, agréables, dynamiques, actifs, sportifs…

2. Nouvelles générations de retraités

Aujourd’hui, les familles sont plurielles : biparentale, monoparentale, recomposée, homoparentale, adoptive... On trouve des familles à 4 voire 5 générations “Demande à Mamie, elle te racontera…” En mutation, la famille demeure le lieu d’exercice privilégié des solidarités intergénérationnelles, le lieu d’élaboration d’une histoire commune. Les grands-parents sont les témoins du temps qui passe. Ils témoignent des évolutions, racontent aux jeunes l’enfance de leurs parents, parlent des ascendants disparus, etc.

3. Les enjeux contemporains du Vieillissement

On distingue 3 enjeux : économiques (retraite et dépendance), politiques (pouvoir gris) et structurels (formes d’habitat). Quant aux perspectives d’avenir, on peut se poser la question de la place et du rôle du senior dans la civilisation, du soutien aux aidants familiaux, de l’accompagnement du maintien à domicile et de la solidarité entre les âges.

Cécile Laurent, agricultrice retraitée

Cécile Laurent, 80 ans est très active. Impliquée dans des activités associatives, dans différentes équipes (Foi et Lumière, conseil paroissial, équipe de quartier), elle aime l’informatique, les voyages, prendre sa voiture et le train. Cette agricultrice, veuve à 43 ans et mère de 4 enfants, est pleine de sagesse et voit la vie du bon côté : “Je crois qu’il est bon d’abord d’être admirative de toutes les choses formidables qui se sont faites au cours des siècles et qui se feront encore après nous (…) Ce qu’est ma vie à 80 ans ? Mais c’est tout simplement de vivre, avoir 80 ans c’est vivre et aider les autres à vire, là où nous sommes, là est la fécondité, ce n’est pas compliqué”.

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Publié le 25/06/2012 par Alice.