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Porteurs de lumière

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“L’unique prêtre, c’est le Christ”, ne craint pas de dire le père Durupt. Le vicaire général salue Celui qui donne sa vie pour établir une relation vraie entre les hommes et Dieu, le Pasteur plein d’amour et de miséricorde. Il souligne que les Vosgiens aiment leurs 130 prêtres, qui s’appuient sur 22 diacres et de nombreux laïcs. L’année sacerdotale commencée le 19 juin met en lumière ces porteurs privilégiés de l’espérance chrétienne. Ils sont de moins en moins nombreux, de plus en plus sollicités, mais toujours habités de la joie d’annoncer l’Évangile. Dans ces pages, ils témoignent de leur passion et de l’évolution de leur sacerdoce, tandis que des laïcs engagés dans l’Église leur rendent hommage.


La joie de vivre comme prêtre

C’était avant même l’ouverture de l’année sacerdotale, le 19 juin, place Saint-Pierre à Rome. Benoît XVI a rappelé “l’immense don que sont les prêtres, non seulement pour l’Église, mais pour l’humanité elle-même.” Le pape a exalté le curé d’Ars, patron de tous les prêtres du monde, dont on commémorait le 150e anniversaire de la mort, en présence de ses reliques. Il a annoncé la mise en place d’initiatives spirituelles dans les diocèses pour mettre encore davantage en lumière le rôle et la mission des prêtres dans l’Église et la société contemporaine.
Il a rappelé la nécessité d’accroître la formation permanente des prêtres et des séminaristes. Avec deux objectifs désignés : fortifier le témoignage évangélique dans le monde d’aujourd’hui, stimuler l’engagement de renouveau intérieur pour tous les prêtres : l’année sacerdotale est lancée pour “favoriser la tension des prêtres vers la vie spirituelle, dont dépend par-dessus tout l’efficacité de leur ministère”. D’où la publication d’un Directoire pour les confesseurs et directeurs spirituels et d’un recueil des textes du pape sur la vie et la mission presbytérale aujourd’hui.
Devant l’assemblée plénière de la congrégation pour le clergé, Benoît XVI a encouragé les prêtres “à être présents, identifiables et reconnaissables”. Une certitude : l’année sacerdotale aura donné envie aux prêtres de témoigner et de réfléchir à leur ministère. Un ministère en pleine évolution. Témoignages.

Pour le père Claude Durupt, l’année sacerdotale invite les prêtres à une nouvelle joie de vivre le sacerdoce, “un don total dans la suite de Quelqu’un qui nous fait vivre”.

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Vicaire général, chargé des doyennés de Charmes, la Vôge, des zones Montagne et Plaine, l’abbé Claude Durupt est chargé de nombreux services, dont celui des vocations, des séminaires et de la pastorale des jeunes. C’est dire si l’ancien curé de Mirecourt est resté proche des réalités du terrain. Il n’ignore rien de la difficulté d’exercer le ministère dans une société en perte de repères. Mais il n’en garde pas moins un solide optimisme puisé dans sa foi.
Être prêtre, pour lui, c’est un privilège unique. Il permet de pouvoir donner l’eucharistie, de la vivre comme un don de soi, pour s’investir totalement en vue de la résurrection. On est imprégnés du mystère pascal”, témoigne le père Durupt, avec un sourire tranquille.

Des témoins authentiques

Sans doute peut-on discerner quelque chose de paradoxal dans la célébration de l’année sacerdotale, alors que les rangs des prêtres se font plus clairsemés, du moins en Europe occidentale. Pour l’abbé Durupt, on assiste en fait à une crise de l’engagement en général, dans l’Église de France comme dans les pays occidentaux : “Il s’agit d’une crise de la foi, une difficulté à vivre intensément ce que l’on croit.” L’année sacerdotale doit aider les prêtres à percevoir de façon plus aiguë leur place et leur rôle : “Retrouver une conscience renouvelée et joyeuse de la grandeur de Dieu, devenir des témoins authentiques, crédibles et avec humanité.”
Que Dieu se soit fait humain, ajoute le vicaire général, “c’est la grandeur du christianisme. L’incarnation est toujours à faire.”

Rencontres enrichissantes

Dans un univers mouvant, l’Église aussi sait s’adapter. Un exemple : “on a retrouvé le sens profond du sacrement de réconciliation. La confession était abîmée par la routine qui l’a privée de son sens. On a retrouvé une manière saine et sainte de la vivre. Vivre ce sacrement, c’est un sentiment fort et libérateur.”
Au jour le jour, le dialogue pastoral aide à faire comprendre les positions de l’Église, “à les dire en vérité, au delà des clichés ; le rôle du prêtre, c’est d’aider à intégrer, d’expliquer.” Ce qui implique une somme énorme de générosité, mais procure aussi de nombreuses rencontres enrichissantes au quotidien : “On vit une dimension relationnelle très forte dans nos communautés.” J-P.V







Michel Bernard : un laïc témoigne

Vous me demandez de m’exprimer à propos de ce que représente pour moi la figure du prêtre.

Exercice difficile à un moment de la vie de l’Église où nous sentons bien que nous sommes “entre deux”. Entre deux époques : une qui s’achève et que certains voient disparaître avec inquiétude, et une autre dont on ne sait pas encore ce qu’elle sera vraiment.
Le prêtre, dans le cadre du ministère paroissial et hors toutes considérations générales sur la figure idéalisée de celui que nous souhaiterions avoir, le prêtre est d’abord celui qui nous a été donné par l’Église locale.

Héritier d’une histoire, enraciné dans une culture, il a ses bons côtés et ses limites, mais c’est un homme qui a été appelé, un homme de foi, mû par l’Esprit, un témoin qui chemine, écoute, accompagne, veilleur sans doute mais éveilleur également. De façon plus synthétique, je pourrais dire que le prêtre est pasteur du peuple dont il a la charge mais c’est dans la célébration des sacrements et plus spécialement celui de l’Eucharistie que son sacerdoce prend tout son sens. En effet, c’est bien lorsqu’il préside le rassemblement de la communauté autour de l’Eucharistie que le prêtre accomplit véritablement sa vocation et trouve là son plein épanouissement.







Travailler en équipe

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Trente-cinq ans de sacerdoce. L’abbé Jean-Marie Lallemand, doyen de Neufchâteau, a vécu plusieurs manières d’exercer son ministère. Mais en privilégiant toujours la collégialité.

Prêtre en 2010, prêtre en 1975. Au quotidien, les missions s’avèrent radicalement différentes. “Il y a 35 ans, au lendemain de Vatican II, on était relativement nombreux”, témoigne le curé de Neufchâteau. “On se complétait, on échangeait, on s’organisait avec beaucoup d’amitié et de cœur, même si on avait des points de vue différents.” Tout cela, c’est le passé. Aujourd’hui, on pare au plus pressé.
La diminution considérable du nombre de prêtres est passée par là : “En trois ans, j’ai vécu le départ de huit prêtres sur le doyenné. J’essaie de vivre au jour le jour mon ministère, de permettre à des communautés de ne pas désespérer. C’est un travail de responsabilisation, de concertation, d’appel à la solidarité.”
Vaste programme : “Il a fallu soutenir, accompagner, appeler des chrétiens à ne pas travailler en francs-tireurs, mais avec les moyens du bord, sans forcer pour autant. Il ne faut pas paniquer, dire aux communautés que l’annonce de l’Évangile est possible. Il y a des gens qui ne sont pas si loin de l’Église et qui sont en recherche spirituelle.”

Un accompagnateur

Une recherche parfois cahotante : “Je veux transmettre un message d’espoir aux laïcs de bonne volonté, qui ont des hauts et des bas, des moments de lassitude et de découragement. Des laïcs qui ont besoin de repères, de soutien et de confiance, d’avoir les coudées franches là où il n’y a pas de prêtre résidant.”
Se comparant à “un pilote qui donne des axes de direction”, le doyen reste “toujours prêt à répondre en cas de besoin”. Les paroissiens le savent. Dans la Plaine, les communautés sont souvent éloignées, dispersées : “J’essaie de limiter les temps de déplacement, de regrouper les missions. Je vais rarement à Darney pour une seule réunion.”
Jean-Marie Lallemand accompagne aussi des équipes pastorales lors de réunions de formation à Épinal. Il s’appuie sur le bon outil diocésain pour répondre à leurs questions: “Quand il n’y a pas de prêtre, que fait-on ? Copie-t-on l’eucharistie ou fait-on autre chose ?” La méthode porte ses fruits : “Il n’y a jamais eu autant de remerciements des familles que depuis que les laïcs







Des jeunes porteurs d’espérance

La quête spirituelle reste présente chez des jeunes de tous milieux, et cela interpelle, souligne l’abbé Pierre Mathieu, aumônier diocésain de l’enseignement public

Toujours ce désir de rejoindre le Christ dans la radicalité de l’Évangile. De jeunes Vosgiens ont vécu une session dans un monastère il y a six mois et se posent la question d’être prêtres. Même si leur nombre reste modeste, leur initiative constitue le signe d’une quête spirituelle vraiment présente, observe l’abbé Pierre Mathieu, responsable diocésain des vocations. Ils sont de tous milieux. Certains sont plus favorisés; ils viennent de familles chrétiennes pratiquantes, déjà engagées dans l’Église. D’autres entrent au séminaire en venant de milieux anticléricaux et athées : “Quand on regarde la proportion, on trouve un peu de jeunes qui étaient, ou complètement néophytes par rapport à la foi chrétienne, ou bien hostiles. C’est un signe d’espérance, ça interpelle. C’est un défi pour l’Église. Les gens nous attendent.”

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Générosité

Le premier signe d’espérance, ce sont donc les jeunes eux-mêmes : “Ils souhaitent une vie meilleure, une plus grande fraternité qu’ils essaient de construire entre eux.” Des exemples ?
“Quand on leur lance un défi de solidarité, ils sont souvent prêts à se mettre en route : actions en faveur des Restos du Cœur ou dans les maisons de retraite. Ces propositions les touchent particulièrement”. Les jeunes ont un potentiel de générosité qui se traduit, chez les cadets d’entre eux, dans les actions “Bouge ta planète !”.

Échanges personnels

Deuxième signe d’espérance : un renouveau de la spiritualité : “Je suis agréablement surpris par la spontanéité des jeunes à se recueillir notamment dans des lieux particuliers comme Taizé. Lors de temps forts, les confirmands font des prières personnelles pour réfléchir sur leur vie, leur propre voie ; ils prennent le temps de se poser. “ L’abbé Mathieu note “Moins d’a priori sur les dogmes, la vie de l’Église elle-même. On part sur des terrains beaucoup plus neufs.”
Les jeunes ont besoin de lieux d’écoute qui leur permettent de se réconcilier avec eux-mêmes et avec les autres : “Il y a une attente de rencontres. Les jeunes de dix à vingt ans attendent des échanges personnels et redécouvrent le sacrement de réconciliation, dans une société où la confession a été délaissée.” Une attente d’accompagnement personnel dont la réponse passe par la disponibilité, jamais oubliée, des prêtres.







À la recherche de l’essentiel

L’année sacerdotale ouvre à l’universel : il n’y a jamais eu autant de prêtres de par le monde, ni autant de séminaristes !

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Des diocèses envoient des prêtres nous aider ici alors qu’ils comptent dix fois moins de prêtres actifs par habitant… Cela aide à garder confiance, à nous tourner de l’avant, à réveiller notre ardeur missionnaire. Cette année nous invite tous, laïcs ou prêtres, à nous garder tant du cléricalisme que du mirage d’une “Église sans prêtres”, en nous recentrant sur l’essentiel : la vie que le Christ donne à son Église dans les sacrements, par les mains du prêtre. Un prêtre ne s’use que si l’on ne s’en sert pas ! – c’est-à-dire si l’on s’en sert d’abord pour ce qui n’est pas de son ministère ordonné. Cette année suscite aussi des initiatives entre prêtres. Raffermir la fraternité entre nous est primordial quand le changement des conditions de notre mission risquerait de nous conduire à un activisme vide de sens.







Plaidoyer pour l’ouverture

Curé de Chantraine, aumônier diocésain pour le catéchuménat, l’abbé Alain Cuny voit dans la relève par des laïcs, dûment formés, un signe d’espérance pour l’Église de demain.

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Issu d’une famille de Gérardmer qui a donné trois prêtres à l’Église - deux de ses frères - à l’Église, l’animateur de “Culture et Foi” ferraille pourtant sur moult fronts, à l’instar de ses pairs. La farouche conviction qui l’anime, c’est que l’Église a tout à gagner à s’ouvrir au monde, à condition de rester ferme sur ses fondamentaux : “Je plaide résolument pour une formation intellectuelle sérieuse pour le ministère sacerdotal. Une réelle formation à l’écriture, à la parole de Dieu.”
Pour l’abbé Cuny, l’année presbytérale “peut nous aider à sortir de nos problèmes franco-français”, et “à regarder le ministère de façon plus universelle. Il y a des difficultés propres à la France de pénurie de prêtres, mais il faut considérer la situation au niveau de l’Église tout entière qui vit la mondialisation de plein fouet.”

Avec diacres et laïcs

Le ministère du prêtre est résolument tourné vers l’autre : “C’est un beau métier, qui nous fait rencontrer des gens de toutes sortes. On a l’impression que si le prêtre se cantonnait par exemple aux seuls pratiquants, il risquerait de s’enfermer dans un ghetto. L'Église a une mutation à vivre. Aux débuts de l’Église, il y avait des formes de ministères plus ouvertes. Il y a une grâce du ministère qui se décline : on a retrouvé un ministère diaconal. Je ne vois pas un ministère presbytéral sans une collaboration étroite avec les diacres, et même avec les laïcs. Certains ont déjà une lettre de mission. Mais en plus, pourquoi pas une sorte de célébration d’envoi ? Elle conforterait en responsabilité la personne qui assume déjà de vraies charges dans le domaine de la charité, des funérailles ou de la catéchèse.”

L’exemple des franciscains

Pour le père Cuny, les chrétiens sont nombreux mais minoritaires : “Il faut continuer à être résolument œcuménique avec les protestants et les orthodoxes. Il faut que la communauté se prenne en charge pour le ministère sacerdotal ; il faut qu’on garde l’intuition des prêtres au travail – être en pleine pâte humaine, que le prêtre ne s’enferme pas dans le seul rituel et l’aspect sacramentel, qu’il garde une dimension au niveau de la croyance des chercheurs de Dieu de toutes sortes. Ma crainte, c’est que de jeunes prêtres s’enferment trop dans la liturgie. Certaines impulsions évangéliques doivent être réalisées à l’occasion par le ministère presbytéral. Un exemple : l’aménagement d’immeubles pour les immigrés par l’organisation “Habitat et urbanisme” lancé par Bernard Dewaere. S’il a un vrai réseau de collaborateurs et d’amitiés en plus de ses relations familiales, le prêtre vivra d’autant mieux son équilibre toujours menacé par une certaine solitude affective.”

La valeur du célibat

Comme tout chrétien, ajoute l’abbé Cuny, le prêtre doit affronter les tentations de l’avoir, du pouvoir et de l’idolâtrie : “Par sa condition, il est confronté aux dérives du rite qui deviendrait magique et n’aurait plus sa dimension humaine”, précise Alain Cuny qui souligne par ailleurs avoir grand plaisir à célébrer : “Je plaide beaucoup pour l’humanité du prêtre, qu’on n’a pas enfermée dans les caricatures de certains intégristes.”
Il est important de redécouvrir la valeur du célibat, choix des protestants de Taizé et moines bouddhistes également : “A côté du célibat qui garde toute sa valeur, je verrais bien l’ordination des hommes mariés, comme l’expérience riche de la diversité chez les diacres, mariés ou pas : le ministère ordonné n’est pas lié au célibat.”

Publié le 09/04/2010 par Alice.