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EXTRAITS DE LA CONFERENCE de Mgr Guillaume

Actualité de la vie et du message de Ste Jeanne d’Arc
EXTRAITS DE LA CONFERENCE de Mgr Guillaume

Un premier regard chronologique nous donne déjà le sentiment d’une existence étonnante.

On peut partager la vie de Jeanne en quatre parties :

La vie cachée à Domremy : 1412 - 1429 (17 ans), la vie combattante : 1429 - 1430 (15 mois). Deux villes : Orléans - Reims, la vie douloureuse : 1430 - 1431 (12 mois de prison dont 3 mois de procès du 21/02 au 30/05) - Deux villes : Compiègne - Rouen, la gloire posthume : Procès de réhabilitation, 25 ans après sa mort en 1456, la canonisation en 1920 , 5 siècles après sa mort.

La vie cachée à Domremy

“Accomplir la volonté de Dieu”, Jeanne l’a demandé avant nous et comme nous, en récitant bien souvent le Notre Père que sa mère lui avait appris : “Nulle autre que ma mère ne m’apprit ma croyance”.

* Domremy était-il lorrain à ce moment de son histoire ? Le premier à l’affirmer fut François Villon, né en 1431, dans son poème “La Ballade des dames du temps jadis : «Et Jeanne, la bonne Lorraine qu’Anglais brûlèrent à Rouen»...

* Adolescente : La première qualité est sa simplicité. Ce n’est pas une mystique échevelée. Elle restera toujours pleine de vie et de naturel.
La mémoire des témoins n’a retenu aucun miracle que Jeanne aurait pu accomplir dans sa jeunesse.
Toute sa vie elle montrera un amour pour la vérité crue.

* Une foi sans fissure. Sa prière était nourrie par les sacrements : eucharistie, pénitence. Elle sera toute sa vie fidèle à la confession et elle y incitera les soldats avant le combat..
Nous connaissons tous sa réponse à la question sur son état de grâce : “Si je n’y suis, Dieu m’y mette, et si j’y suis, Dieu m’y garde, car je serais la plus dolente du monde si je savais n’être pas en la grâce de Dieu”.

* Le phénomène peu commun de ses voix. Jeanne a dû répondre à de multiples et insidieuses questions sur la nature de ses voix, sur le contenu de ses visions. Elle s’est efforcée d’y répondre, même si elle ne possédait pas le langage nécessaire pour analyser ce phénomène hors du commun. Il me semble que depuis l’âge de 13 ans, elle a vécu l’attitude religieuse fondamentale qui caractérise le peuple d’Israël par rapport à la Parole de Dieu.

“Ce qui est très remarquable chez Jeanne, c’est que, loin de tirer satisfaction ou orgueil quelconque de ses révélations, elle se montre au contraire très anxieuse de se conformer exactement à ce que lui disent ce qu’elle appelle ses “voix”. Son principal souci est de bien comprendre ce qu’elles disent et de les suivre.

Dans cette première partie de sa vie, Jeanne a été préparée intérieurement à devenir l’instrument de Dieu. “Quand j’eus l’âge de 13 ans, j’ai eu une voix de Dieu pour m’aider à me gouverner”. Ces derniers mots m’évoquent le don de la sagesse dans la Bible. La sagesse est en effet une vertu royale qui donne le discernement nécessaire à sa propre conduite dans le gouvernement d’un peuple.

Par ce don initial, Jeanne reçoit la grâce d’accomplir sa mission, une mission qui lui sera peu à peu définie. Ce qui est remarquable, c’est la qualité de sa réponse : “La première fois que j’entendis la voix, je vouai ma virginité pour la garder tant qu’il plairait à Dieu”. Pour Jean Guitton, c’est le tout de sa vie morale qui est alors engagé et cela la rendra disponible - corps et âme - à accueillir et à discerner la volonté de Dieu sur elle. Sa virginité lui donne cette “transparence de l’oeil”. “Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu”.

La vie combattante

Après le temps de préparation, vient celui de l’action. Partie de Vaucouleurs le 13 février 1429, elle a la conscience de devoir conduire le dauphin jusqu’à son couronnement à Reims, même si les stratèges de l’époque préféraient libérer de suite la Normandie de l’occupation anglaise. Examinée devant un premier tribunal à Poitiers pendant trois semaines, elle s'en sort très positivement : “En elle, Jeanne, on ne trouve pas de mal, mais seulement du bien, humilité, virginité, dévotion, honnêteté, simplicité”. Un grand théologien de l’époque, Jean Gerson, estime que Jeanne est une fille sage, normale, catholique.

Ce qui est frappant, c’est la qualité de sa détermination. Elle sait où elle va et elle prend les moyens d’y aller : “j’aimerais mieux demeurer à filer auprès de ma pauvre mère, car ce n’est pas mon état, mais il faut que j’aille et je le ferai, puisque mon Seigneur veut que j’agisse ainsi”.

Elle est ardente au combat, toujours prête “à se porter là où l’action se passe : à l’avant-garde dans un assaut, à l’arrière-garde s’il s’agit de protéger une retraite” (R. Pernoud).

Son courage “s’accompagne d’une vraie prudence” qui s’exprime par le choix des moyens appropriés aux actions à mener.

On a calculé qu’elle a dû parcourir quelque 5000 km à cheval. Il n’est pas étonnant que très vite la renommée de Jeanne se soit répandue jusqu’au-delà des frontières. Ainsi, un commerçant de Venise reçoit des nouvelles d’un correspondant d’Avignon qui lui écrit : “Ses paroles sont toujours confirmées par l’événement ; elle est en vérité venue pour accomplir de magnifiques choses en ce monde”.

Dans son radio-message au peuple de France pour les fêtes de Rouen du 24 juin 1956, Pie XII, célébrant à la fois la restauration de la cathédrale de Rouen et le 5ème centenaire du procès de réhabilitation de Jeanne, décrit ainsi cette seconde partie de l’existence de Jeanne : “... Cette enfant, à première vue si fragile, devenait elle aussi un solide édifice. Telle une cathédrale enracinée dans le sol, elle creusait ses fondements dans l’amour de la patrie, dans le désir véhément de paix et une soif de justice qui devait l’arracher de l’ombre où elle semblait confinée pour la jeter dans le cours violent de l’histoire. Choisie par Dieu, une conscience inébranlable de sa mission, un désir ardent de sainteté alimenté par la volonté de mieux correspondre à sa très haute vocation, lui feront surmonter les obstacles, ignorer les périls, affronter les grands de la terre, se mêler aux problèmes internationaux du temps, et même se transformer en capitaine habillé de fer, pour monter, terrible, à l’assaut” (Documentation Catholique n°;1229-1956 - col. 839).

La vie douloureuse

Après 15 mois de combat, 12 mois de prison ! Deux volets de son existence, également importants. Régine Pernoud le souligne : “Prototype de l’héroïne glorieuse, Jeanne est aussi le prototype du prisonnier politique, de la victime des prises d’otages et autres formes d’oppressions de la personne qui font partie de la vie quotidienne en notre XXème siècle (...). La Personne, seule, face aux idéologies étouffantes, aux fanatismes qui tuent, voilà qui est Jeanne d’Arc”.

Pour en savoir plus, il faudrait lire les minutes du procès qui va se dérouler durant les trois derniers mois de sa captivité.

Deux aspects sont à souligner, même brièvement :

La fidélité de Jeanne à ses voix. Les juges ont cherché à prendre Jeanne en défaut dans ses relations avec le Ciel. Elle déclare à ses juges : “Il n’est de jour que je ne l’entende et même j’en ai bien besoin”. Lorsqu’on lui demande : “Hier au matin, que faisiez-vous quand cette voix est venue à vous ?

  • Je dormais et la voix m’a réveillée.
  • Avez-vous remercié cette voix et avez-vous fléchi les genoux ?
  • Je l’ai remerciée, mais en m’asseyant sur mon lit et j’ai joint les mains, et ce fut après l’avoir requise de prêter conseil, sur quoi elle me dit de répondre hardiment.

L’une des épreuves les plus douloureuses fut certainement sa confrontation devant un tribunal d’Église, composé des sommités théologiques de la Sorbonne et du célèbre Mgr Cauchon, alors évêque de Beauvais, mais ayant appartenu à l’université de Paris.

Les derniers jours furent les plus noirs. Jeanne vit une épreuve purificatrice : “Pendant ses derniers jours, qui sont une seconde vie, la Sainteté prend le pas sur l’héroïsme “ (J. Guitton). Ses voix lui font comprendre peu à peu qu’elle aurait à subir le martyre, alors qu’elle gardait toujours l’espoir d’être libérée.
Il n’est pas surprenant qu’au Carmel de Lisieux, à la fin du 19ème siècle, Sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus ait été subjuguée par sa grande sœur Jeanne d’Arc.

A 22 ans, elle écrit une seconde pièce de théâtre sur la mission et la mort de Jeanne. Elle met tout son effort à exprimer les sentiments de Jeanne à l’approche de la mort, qu’elle compare à l’agonie de Jésus : “Oh ! que je suis consolée, fait-elle dire à Jeanne, en voyant que mon agonie ressemble à celle de mon Sauveur... Cependant je ne sens pas sa Divine présence et la mort me fait encore peur”. “La mort à 20 ans ! Oh que la gloire humaine est peu de chose... Je vais mourir... Dans une heure il ne restera plus de moi qu’un peu de cendre... Mais non, je me trompe, ô mon Dieu ! mon âme va s’élancer vers vous, je vais vivre pour ne plus jamais mourir”.

"L’idée qui guide Thérèse est profonde (...). C’est l’idée que le plus beau moment de Jeanne fut Rouen, que sa consommation explique sa vocation, que tout dans sa vie doit être réinterprété à la lueur des dernières flammes” (Jean Guitton).

La gloire posthume

La gloire de Jeanne mettra du temps à rayonner. Il faudra attendre 25 ans pour que un nouveau procès annule le précédent.
Je relève ici quelques points de repères entre le 15ème et le 21ème siècle !
Bien sûr, Orléans a toujours été fidèle à célébrer sa libératrice le 8 mai. Cette fête supprimée en 1795 a été rétablie par Bonaparte en 1801.
Dès 1884, demande est faite que la République célèbre le 8 mai chaque année comme “fête du patriotisme”. Il faudra attendre le 24 juin 1920, pour que la décision soit prise pour le dimanche suivant le 8 mai : “la République française célébrera annuellement la fête de Jeanne d’Arc, fête du patriotisme”.
A Notre-Dame de Bermont, des fresques datent du 15ème siècle !
De la fin du 15ème siècle au milieu du 16ème siècle, une trentaine d’exemplaires du procès en nullité.

A la fin du 16ème siècle, construction d’une chapelle au Bois-Chenu, dont provient peut-être la statue de Jeanne, actuellement au fronton de la maison natale. En pleine guerre de religions au 16ème siècle, Jeanne devient le porte-drapeau des catholiques.

C’est surtout le 19ème siècle qui va mettre en relief le rôle de Jeanne dans l’histoire de la France : “ En 1818, le préfet des Vosges acquit pour le département la maison natale de Jeanne, avec l’approbation du roi Louis XVIII qui, sur sa cassette, dota Domremy d’une école de filles : première en date des innombrables écoles ou institutions “Jeanne d’Arc” fondées en France au 19ème siècle pour l’éducation des jeunes filles” (Catholicisme article Jeanne d’Arc, col. 666).

Michelet fait connaître l’épopée johannique dans son Histoire de France, de 1833 à 1843.
De 1842 à 1849, Quicherat publie cinq volumes sur le procès de Jeanne et autres documents historiques.

En 1860, c’est Henri Wallon qui écrit deux volumes sur Jeanne d’Arc. Sainte Thérèse a dû y puiser, elle qui écrit sa première pièce de théâtre sur Jeanne en 1894. En 1895, la municipalité de Domremy commande une statue. En 1895, le curé de Ménil-en-Xaintois fait jouer un Mystère sur Jeanne qui a un grand succès. La même année, Péguy vient à Domremy et commence à écrire son drame en trois pièces “Jeanne d’Arc” qui sera repris plus tard dans “Le mystère de la charité de Jeanne d’Arc”.

En 1904, Maurice Pottecher monte à Bussang une Passion de Jeanne d’Arc. 1909 verra la béatification et 1920 la canonisation.

En 1910, on comptait 20.000 statues !
Plus étonnant est la constatation du rayonnement international de Jeanne.
En Allemagne, l’écrivain Schiller publie un drame : “La Pucelle d’Orléans” (1801 ou 1802).

A Worchester, en Nouvelle Angleterre “se trouve l’une des plus importantes bibliothèques privées (4500 volumes) qui ait été réunie sur l’histoire johannique” (R. Pernoud).

Aujourd’hui, un proche parent de l’empereur du Japon s’intéresse de très près à Sainte Jeanne d’Arc.
Et parmi nous, la présence internationale des Travailleuses Missionnaires témoigne de ce rayonnement universel de Jeanne de Domremy.
Notre rencontre d’aujourd’hui montre la volonté du diocèse de maintenir et de développer l’accueil des pèlerins qui passent nombreux en ce haut-lieu.

Conclusion

Il nous faut prendre en compte la véritable dimension de Jeanne d’Arc. Déjà en 1959, Régine Pernoud constatait : “A mesure que sa popularité renaît et grandit, on verra successivement tous les partis politiques l’annexer, toutes les opinions la revendiquer ; on en fera le champion de toutes les causes, rendant hommage à son caractère d’héroïne indiscutée, mais en l’utilisant aux fins les plus discutables”.

En 1961, Jean Guitton voulait tirer des gestes et dits de Jeanne “toute la pensée qui y est implicitement contenue. Et cela nous préadapterait avec puissance aux temps que les nouvelles générations vont vivre” (p.12). «Jeanne, si exceptionnelle, me parait la plus propre à nous proposer un art de vivre à l’échelle humaine. Elle me semble même bien moderne : elle offre ce style de vie que notre siècle pressent lorsqu’il dessine les linéaments d’une spiritualité laïque».

De fait, la destinée de Jeanne s’inscrit dans un contexte historique très concret et en même temps dans une très intime relation personnelle avec Dieu. “L'âge de Jeanne commence”, écrivait Jean Guitton.

En découvrant les aventures de Jeanne, au milieu desquelles elle a su garder sa foi et agir selon la volonté de Dieu, nul chrétien ne pourrait arguer de ses conditions de vie pour renoncer à avancer sur le chemin de la sainteté. Elle nous apprend à nourrir notre vie intérieure d’un dialogue permanent avec Dieu et d’une fidélité à la pratique des sacrements que l’Église nous offre, en particulier pénitence et eucharistie.

Selon les mots de Pie XII : “Jeanne d’Arc se présente (...) aux chrétiens de notre temps comme modèle de foi, solide et agissante, de docilité à une mission très haute, de force au milieu des épreuves” (Documentation Catholique n°; 129-1956-col. 840). En elle, dit-il encore, on retrouve “l’incarnation (des) valeurs les plus hautes et les plus représentatives” “une héroïne de la sainteté” (col. 837).

Mon dernier mot sera emprunté à Paul Claudel, dans son Oratorio sur Jeanne d’Arc au bûcher :

“Louée soit notre sœur Jeanne
qui est debout pour toujours
comme une flamme au milieu de la France”.
(Théâtre II, Pléiade, 1225).


Bibliographie :

- Jean Guitton, Problème et mystère de Jeanne d’Arc. Fayard, 1961

— Régine Pernoud:

  • Jeanne d’Arc. Coll. Le temps qui court. Seuil, 1959
  • La spiritualité de Jeanne d’Arc. Mame, 1992
  • Réhabilitation de Jeanne d’Arc, reconquête de la France.
    Editions du Rocher, 1995

- Régine Pernoud. Marie-Véronique Clin. Jeanne d’Arc. Fayard, 1986

Publié le 01/12/2006 par Admin.