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Catéchèse de Mgr Vincent Jordy

Catéchèse de Mgr Jordy

samedi 27 juillet 2013 | JMJ Bosserville

 

Qu’est-ce qu’être disciple et missionnaire ?

 

Texte réalisé à partir des notes de Mgr Jordy | Pour télécharger la catéchèse, cliquez ici !

 1 - Etre disciple du Christ


Mgr JordyHier Mgr Dollmann vous a éclairés sur la condition du disciple à la lumière de l’expérience de l’apôtre saint Pierre. Vous avez pu réfléchir sur le parcours original, unique, de l’apôtre Pierre, comme chacun d’entre nous a avec Jésus un parcours original et une histoire originale.

Ce parcours vous a permis de comprendre ce qu’est l’essentiel de la vie du disciple ; ce parcours nous permet aussi de mettre en lumière ce qui n’est pas l’essentiel du disciple du Christ, mais ce que les gens pensent parfois comme étant l’essentiel de la vie chrétienne.

 

-     Pour de nombreuses personnes, être chrétien, c’est croire en des valeurs, de préférence des valeurs morales. Selon les tendances, on insistera d’ailleurs plus soit sur les valeurs familiales (fidélité, droiture…), individuelles, ou sur les valeurs collectives et sociales (solidarité, tolérance…).

Le chrétien, pour de nombreux observateurs, serait donc quelqu’un d’obsédé par la morale. Il est certain qu’il y a une dimension morale de la vie chrétienne, que la rencontre de Jésus, le fait de l’aimer, transforme profondément notre manière de vivre et nos relations. Mais les valeurs, la morale, ne sont pas l’essentiel de la foi.

Plus grave encore, si je fais des valeurs, de la vie morale, le cœur de ma vie chrétienne, un double risque se présente : d’une part si j’arrive à vivre toutes ces valeurs, à y être fidèle, je peux être tenté de me prendre pour quelqu’un, de tomber dans le piège de l’orgueil. Mais d’autre part, si je n’y parviens pas, si je me bats pour y parvenir et que je suis en échec, par mes chutes et mes rechutes je peux alors sombrer dans le désespoir et considérer que la foi n’est pas faite pour moi.

 

-          Pour d’autres personnes, être chrétien c’est « s’engager », faire des choses, agir.

Le chrétien serait quelqu’un dont l’essentiel de la vie est de faire et d’agir pour une cause ou pour les autres. Il est vrai que la foi chrétienne ne peut pas laisser indifférent celui qui en vit et qu’elle conduit nécessairement à une manière de vivre, à une responsabilisation à l’égard des autres et de la société. Mais là aussi l’engagement, faire des choses, n’est pas l’essentiel de la foi.

Plus grave, encore une fois, le fait de penser que l’essentiel de la foi chrétienne est d’agir, de faire, peut conduire à des gens qui vont se perdre dans l’activisme, dans une agitation qui est en fait une fuite. Mais, surtout, ne vivre l’engagement que pour l’engagement finit par faire des gens fatigués, usés, qui là aussi risquent peu à peu le désengagement et le découragement.

 

-     Pour d’autres personnes enfin, être chrétien serait une sorte d’art de bien vivre, une sorte de sagesse de vie, pour traverser l’existence dans les meilleures conditions.

Il est vrai que la vie chrétienne cherche à développer une manière de vivre dans une certaine harmonie, en communion avec les autres. Mais ce n’est pas là non plus l’essentiel de la foi.

Plus grave, cela pourrait conduire à n’avoir comme seuls critères de notre existence de chrétiens que ce qui nous fait du bien, nous valorise, bref une sorte de narcissisme.

 

Quel est alors l’essentiel de la foi chrétienne ? Le cœur de notre foi chrétienne, c’est d’entendre la Parole de Jésus qui nous appelle, de changer de vie et de marcher à sa suite pour être son disciple. Cela consiste à avoir foi en Jésus, Fils de Dieu, qui nous révèle le visage du Père et sa bonté. Cela consiste aussi à croire ce que Jésus nous a révélé sur le mystère de Dieu, notre propre mystère et celui de la vie. Cela consiste enfin à vivre animés et éclairés par l’Esprit de Jésus au cœur d’une communauté qui est l’Eglise du Christ. Le pape Benoît XVI l’a rappelé sans cesse durant son ministère, le cœur de la vie chrétienne c’est l’amitié avec Jésus.

 

 

2 - Etre disciple nous permet alors une grande découverte

 

En effet, en vivant la foi, en la creusant, en réfléchissant au contenu de la foi que Jésus nous révèle, je découvre que la foi va éclairer trois questions essentielles de ma vie.

 

-          En effet, chacun d’entre nous, quel qu’il soit, a d’abord un désir profond de vérité. Tout au long de notre vie, chaque jour, même sans que nous en soyons conscients, nous cherchons la vérité, ce qui est vrai. C’est la raison pour laquelle nous ouvrons les journaux, écoutons la radio, regardons la télévision. Nous cherchons la vérité sur le monde qui nous entoure. De la même manière, tous les amoureux du monde se demandent sans cesse l’un à l’autre : « Est-ce que tu m’aimes ? »

      Nous cherchons la vérité, car nous sommes faits pour la vérité.

 

-          De même, chacun d’entre nous est animé par un autre désir profond, le désir d’aimer et d’être aimé. Aucun d’entre nous ne peut vivre sans amour, l’amour de parents, d’éducateurs, d’amis, et, si c’est notre vocation, d’un époux ou d’une épouse, de nos enfants. Nous savons bien comment l’amour mal vécu, ou une vie sans amour, peut être une cause de souffrance pendant toute une vie. Nous avons tous besoin d’aimer, de nous donner ; nous avons tous besoin d’être aimés, de savoir que nous comptons pour les autres.

      Nous avons besoin d’amour, car nous sommes faits pour l’amour.

 

-          Nous avons tous enfin en nous un désir de reconnaissance, le désir d’être reconnu et d’avoir une identité. Personne ne peut vivre sans savoir qui il est, où il va dans l’existence. C’est la question dite du « sens ». Nous le savons là aussi, ceux qui ne savent pas d’où ils viennent, qui recherchent un père ou une mère, peuvent en souffrir toute leur vie.

Nous cherchons une reconnaissance, car nous sommes faits pour vivre de notre identité profonde.

 

Or, en devenant disciple de Jésus, en accueillant son enseignement, nous découvrons que son message vient éclairer ces trois questions essentielles.

 

-          Jésus nous appelle à vivre en vérité, car il est lui-même « le Chemin, la Vérité, la Vie » Il sait aussi que seule la vérité sur nous-mêmes, les relations aux autres et à Dieu « nous rendra libres ».

 

-          Jésus nous appelle à vivre en communion d’amour, un amour véritable. L’amour de Jésus, ce n’est pas « Plus belle la vie », où l’on change de partenaire comme on change de vêtement, où rien ne semble pouvoir se construire, où tout est éphémère. Jésus nous invite à un amour qui soit vrai, un amour durable.

 

-          Jésus nous appelle à vivre de notre identité profonde, à vivre en enfants de Dieu, à vivre l’idéal de la sainteté à laquelle Dieu nous appelle.

 

 

3 - C’est la découverte de cet amour, de ce message, qui façonne mon cœur de disciple et va me donner de devenir missionnaire.

 

-          En effet, nous le savons bien dans la vie, quand nous avons vraiment une bonne nouvelle, nous sommes incapables de la garder pour nous. Regardons dans notre vie quotidienne : lorsque nous avons une mauvaise nouvelle, une rupture avec quelqu’un, un mauvais résultat scolaire ou professionnel, nous n’avons envie de parler à personne et nous avons envie de cacher cette mauvaise nouvelle.

Par contre, quand nous recevons une bonne nouvelle, nous sommes dans l’incapacité de la garder en nous et pour nous. Il nous faut immédiatement trouver quelqu’un à qui la dire, un voisin, un ami, car nous avons de la joie à partager le bonheur qui est en nous. Ce qui est bon se partage et se diffuse.

 

-          Cela veut donc dire que, si je creuse mon amitié avec Jésus, que je découvre qu’il comble ma vie, la joie que cela me procure ne peut rester en moi. J’ai besoin d’une part de le partager à d’autres. D’autre part, et plus encore, j’ai même la responsabilité de le partager à d’autres. En effet, je ne peux pas garder pour moi, égoïstement, ce qui peut donner de la joie et du bonheur aux autres.

 

-          C’est bien la raison pour laquelle Jésus lui-même nous envoie. Si son message est vraiment une bonne nouvelle, s’il transforme notre cœur, de disciple nous devenons missionnaire, la découverte de Jésus déborde de notre cœur.

Plus encore, si j’ai la joie en moi et que je ne la partage pas, que je la retiens en moi pour de faux motifs (la peur de partager, la peur d’être ridicule, d’être taxé de prosélyte), la foi va alors se dessécher en moi. Ce qui n’est pas mis en pleine lumière meurt, se tarit, et la joie avec. Nous avons donc à être des ambassadeurs, des missionnaires, des évangélisateurs. Nous devons comprendre qu’évangéliser, c’est aimer, c’est un acte d’amour qui s’enracine dans l’amour que nous avons pour Jésus.

 

La vraie question à nous poser pour savoir si nous sommes disciples et si nous pouvons devenir missionnaires, c’est : « Suis-je amoureux de Jésus ? »

 

 

4 - La question devient alors : « Comment être missionnaire ? »

 

Certains diront ici que l’important, c’est d’abord d’être baptisé et de se comporter de manière juste selon l’Evangile ; on parlera souvent de « non pratiquants ». Mais on ne peut pas être des non pratiquants de l’amour. Comment, donc, annoncer le Christ à ceux qui l’attendent, souvent sans le savoir ?

 

Il y a trois chemins que nous pouvons emprunter :

 

-          La première manière d’évangéliser, c’est de prier. Il est très important de se souvenir que l’évangélisation commence avec la prière, particulièrement pour ceux qui sont dans des milieux difficiles ou hostiles. Il faut se rappeler avant toute chose que Jésus a été un grand priant. Il a prié dans les moments les plus importants de sa mission et il nous a invités à prier. Il a particulièrement prié pour l’apôtre Pierre : « afin que sa foi ne défaille pas ».

Mais nous pouvons aussi penser à l’histoire de l’Eglise, et à l’histoire de sainte Monique et de saint Augustin, qui se déroule au IVème siècle. Sainte Monique était chrétienne. Son fils Augustin, brillant avocat, était, lui, tourné vers la gnose, une sorte de New-Age de son époque. Or Monique va prier pendant des années pour demander à Dieu la conversion d’Augustin. Et quelques années plus tard, Augustin s’entendra dire, alors qu’il est dans un jardin, « Prends et lis ». C’est dans la Parole de Dieu qu’Augustin trouvera le chemin de son cœur, le chemin du lieu où Dieu habite en lui. C’est par la prière qu’Augustin recevra de l’Esprit Saint les conditions d’une vraie liberté qui lui donnera de devenir disciple de Jésus.

Certains parmi vous me disent : « Je suis seul dans ma classe à être croyant », ou bien encore « Nous sommes juste quelques chrétiens au collège ou au lycée ». Qu’est-ce qui vous empêcherait de prier pour vos camarades, voire même de vous envoyer quotidiennement un SMS ou un twitt pour vous inviter les uns les autres à prier pour les autres et leur faire le cadeau de rencontrer Jésus ?

 

-          La deuxième manière d’évangéliser, c’est ce que j’appelle « l’évangélisation passive », ou « l’évangélisation par capillarité ».

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Cela signifie une manière très féconde d’évangéliser et le fait d’avoir une vie chrétienne cohérente, et donc crédible. C’est la grande force de Jésus. Jésus vit ce qu’il dit et il dit ce qu’il vit. Chez Jésus, il n’y a pas de rupture entre la parole et les actes. C’est bien pourquoi le centurion au pied de la Croix pourra dire en voyant Jésus mourir par amour pour nous : « Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! »

La cohérence de vie était la force de Jésus, cette cohérence peut aussi être un puissant moyen d’évangélisation. En effet, si nous vivons de l’Evangile, si nous le mettons en pratique dans la relation à Dieu et aux autres, en progressant dans un amour véritable, en laissant l’Esprit Saint nous transformer, alors peu à peu nous produirons des fruits de l’Esprit. Dans notre vie, souvent à notre insu, des fruits vont se manifester : l’amour, la paix, la joie, la douceur, la bienveillance… Cette présence des fruits de l’Esprit peut parfois interroger les autres, les inviter à se rapprocher de nous et à nous demander comment nous restons dans la paix et dans la joie alors que notre vie est aussi compliquée, difficile et heureuse que celle des autres. Certains peuvent, en nous voyant vivre, avoir le goût de savoir de qui nous sommes disciples afin d’avoir envie, eux aussi, de le rencontrer.

Comme le disait le pape Paul VI, « l’homme d’aujourd’hui n’a pas tant besoin de maîtres que de témoins » ; il ajoutait : « tant mieux si les témoins sont des maîtres ».

 

-          La troisième manière, l’évangélisation directe

Cette manière d’évangéliser consiste à annoncer directement Jésus ; elle peut prendre des formes très variées. Elle n’est pas toujours simple, surtout auprès des personnes qui nous connaissent (famille, amis…), car ils nous connaissent bien avec nos défauts, nos limites et nos incohérences, qui peuvent discréditer notre parole. Jésus lui-même a évoqué le fait que « nul n’est prophète en son pays », voulant dire par là que ceux qui nous connaissent ont tant d’a priori sur nous que leur cœur n’est pas libre, tout comme le nôtre. Il faut cependant se souvenir ici de la belle formule de sainte Bernadette, la voyante de Lourdes. Alors qu’elle venait voir son curé pour lui transmettre un message de la Vierge, elle s’entend répondre par le curé : « Tu ne vas tout de même pas me faire croire cela ! » Elle lui répondra, avec la simplicité de ceux qui sont conduits par l’Esprit : « On ne m’a pas demandé de vous le faire croire, on m’a juste demandé de vous le dire ».

Le témoignage direct demande en fait plusieurs choses. Il demande avant toute chose de se préparer par la prière, en demandant à l’Esprit Saint de préparer les cœurs et de trouver les mots et les attitudes justes à l’égard des autres. Il demande ensuite une bonne préparation sur le contenu de la foi, en approfondissant la connaissance de la foi, afin de pouvoir éclairer ceux qui ont besoin de l’être. Enfin, il nous demande, comme le souligne l’apôtre Pierre lui-même, de « rendre raison », c’est-à-dire de donner des motifs cohérents, réfléchis, « de l’espérance qui est en nous ». Mais l’apôtre Pierre précise de toujours faire cela avec douceur et de manière respectueuse. Nous n’avons pas, en évangélisant, à instrumentaliser les autres.

 

Nous comprenons donc, pour conclure, comme le disait le pape François alors qu’il était encore cardinal en Argentine, que « être disciple et missionnaire sont comme les deux faces d’une même médaille ». D’une certaine manière, être disciple, si je le suis vraiment, me porte à devenir missionnaire, tout comme, si je suis vraiment missionnaire, j’ai besoin d’être d’abord disciple. Pour cela, utilisons aussi tous les moyens de notre temps. Soyons intelligents et créatifs pour Jésus. Il a besoin de nous.

 

+ Vincent Jordy

Evêque de Saint-Claude

Publié le 29/07/2013 par Christophe CHEVARDÉ.