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Marie-Ange Petitgenêt, disciple de Jésus

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"J'aurais voulu être un homme, j'ai toujours regretté de ne pas être un prêtre !" Dieu en a voulu autrement.

Le 29 août 1931 à Olichamp, près de Remiremont, Édouard et Madeleine Petitgenêt donnaient naissance à une fille qu'ils baptisaient Marie-Ange. "Heureusement que mes parents n'ont pas choisi l'indication du calendrier de ce jour-là, car je me serais appelée Décollation de saint Jean-Baptiste !" s'amuse Marie-Ange dont le prénom n'est cependant pas issu du hasard. Sa mère qui s'était soumise à la décision de son paternel avait abandonné sa vocation de devenir soeur Marie-Ange.

L'époque était différente de la nôtre. Marie-Ange Petitgenêt en conserve des souvenirs ciselés et intacts. Avec une émotion toujours vive, elle évoque son père, un garçon qui partit à la guerre en 1912 et ne rentra chez lui qu'après 8 ans de souffrances. Le pauvre homme se tua en 1944 en chutant d'un grenier. En ce temps-là, on ne "s'écoutait" pas. On tenait tête au destin en retroussant ses manches et en priant Dieu. Avec sa maman et Geneviève, sa cadette, Marie-Ange releva le défi de garder la ferme familiale. "Je pensais me marier !" La jeune femme prit pour époux celui à qui elle comptait donner six enfants. Du fait de l'homme, le mariage ne fut jamais consommé. Le divorce fut prononcé, mais encore fallait-il que l'Église reconnaisse la nullité de cette union. Cousin de son beau-père, le prêtre à qui Marie-Ange confia son désarroi ne fut pas à la hauteur de l'événement. Peut-être ne perçut-il pas le drame intérieur de celle qui demandait de l'aide. Les expertises médicales et psychiatriques se succédèrent. L'enquête du tribunal diocésain fut bâclée. Au point qu'un chanoine bienveillant cria au déni de justice. En l'assurant de son soutien, il conseilla à Marie-Ange d'écrire au pape. Une quinzaine de jours plus tard, le facteur déposait une grande enveloppe aux sceaux du Vatican. Paul VI avait rendu son honneur à celle qui s'était adressée à lui. "Toute cette histoire fut une chose terrible dans ma vie. Je considère que c'est un miracle si je n'ai pas perdu la foi !" Marie-Ange Petitgenêt qui ne s'exprime pas dans la dentelle invite à se connaître avant de s'engager. Pour sa part, elle conserva sa virginité et ne se remaria jamais. "Chat échaudé craint l'eau froide !" dit-elle d'une boutade en tirant sur sa bouffarde. "Je fume depuis cette époque, le tabac m'a aidée à me consoler !"

Incollable sur Vatican II

L'appel du Christ interpelle parfois là où on l'attend le moins. Une religieuse aurait revêtu la robe et porté le voile. Inconsciemment peut-être, Marie-Ange Petitgenêt fit don à Dieu de toute sa féminité. Une casquette vissée sur la tête, elle prit la bêche et bossa comme un forçat attaché à la ferme. Le monde évoluait, à 49 ans, Marie-Ange dut chercher un emploi. Elle devint concierge de l'entreprise Cracco à Mirecourt avec la permission du patron de garder son chien. Un beau Berger allemand qu'un automobiliste tua cruellement. "Si je ne retrouve pas mes chiens en paradis, cela ne sera pas le paradis..." Retraitée depuis début 1993, elle habite depuis dans la petite maison qu'elle s'est achetée avec ses économies au coeur de Dogneville. Son domicile lui ressemble. Chaleureux quand on prend la peine de le connaître, sincère, sans fioritures. Autodidacte, Marie-Ange qui n'est jamais allée en classe et qui reçut seulement l'enseignement dispensé par sa maman lit le latin. Incollable sur Vatican II, le concile mis en chantier par Jean-XXIII la passionne.

Érudite, elle se régale des ouvrages du Père Lagrange, fondateur de l'École biblique de Jérusalem. "Son livre, l'Évangile de Jésus Christ, a ravivé ma foi !" Sa curiosité intellectuelle la pousse aussi à ouvrir les pages du "Canard enchaîné". Lorsqu'elle consulte "Golias" pour y découvrir le palmarès, si d'aventure le nombre de mitres attribuées ne lui convient pas elle ne craint pas d'écrire son sentiment à l'éditeur.

Cette petite femme aux vues parfois révolutionnaires sait cependant obéir. Elle fit le catéchisme parce qu'on lui demanda, prépara à la Confirmation, porta la communion à domicile... mais cessa lorsque l'Église le lui commanda. Entre les promenades avec son chien et le temps passé dans ses montagnes de bouquins, Marie-Ange ne s'ennuie pas. La fraîcheur de ses idées décoiffe d'un vent de renouveau qu'elle voudrait sentir souffler sur l'Église et la Curie. "J'attends de François qu'il mette au pas ces sacrés bonshommes... Quand le fils de l'Homme reviendra, trouvera-t-il la foi sur terre ?"

Chaque mois, Marie-Ange apporte un concours infaillible à notre journal Église dans les Vosges en produisant la chronique "Il y a 50 ans".

Marie-Ange Petitgenêt n'a pas pour habitude de se révéler. Elle, dont l'existence ressemble par moment à un véritable chemin de croix, connaît la grâce de ceux que Jésus a désignés pour transmettre de la joie de croire et d'espérer. Ce portrait, elle n'en voulait pas, mais l'amour de Dieu et l'amitié l'ont poussée à changer d'avis. Chrétienne pétrie de foi, Marie-Ange ne se livre pas pieds et poings liés, mais en fraternité. "Je témoigne humblement".

Josée Tomasi-Houillon

Marie-Ange nous a quittés le 5 juillet 2014 pour rejoindre Dieu



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Publié le 07/07/2014 par josee.