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70è anniversaire de la libération de Saint Dié : Homélie de Mgr Mathieu

Pour commémorer le 70è anniversaire de la libération de Saint Dié, plusieurs manifestations étaient proposées. LA paroisse s'est assicée à cette démarche à l'occasion d'une messe célébrée en la Cathédrale le 24 novembre 2014. Une chorale franco allemande a partiticipé à l'animation liturgique de cet événement. Voici l'homélie prononcée par Mgr Mathieu, évêque de Saint-Dié

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Évoquer la libération de St-Dié, c'est d'abord rappeler le martyre de cette ville. Je ferai appel à l'évêque de l'époque, Mgr Émile Blanchet, témoin privilégié de ces moments terribles qui culminent avec l'évacuation totale de la population de la Rive Droite, le 9 novembre 1944, avant l'incendie, du 14 au 16 novembre. Non seulement Mgr Blanchet a voulu rester parmi son peuple dans l'épreuve, mais il eut à cœur de les réconforter chaque dimanche, de septembre à novembre, à la cathédrale.
Ces 9 allocutions témoignent de sa volonté d'être à leur côté dans leur angoisse, alors que la ville est isolée de toute communication. Il les appelle à la fierté, à la dignité, à la fermeté, à l'endurance. Tandis que l'occupant guette ses propos.
Pour Mgr Blanchet, il ne s'agit pas de subir passivement la situation, mais de garder la maîtrise de soi sous l'adversité : « Nos mains, même liées, restent puissantes pour la paix, si nos âmes sont droites » Comme le Christ : « Le Maître est cloué sur la croix, leur disait-il, il ne peut faire un geste... Il meurt et il semble que ce soit la défaite : alors que c'est une victoire, et que le monde est sauvé ».

Mgr Blanchet s'appuie alors sur l'attitude courageuse du pape Pie XII, qui durant cette terrible guerre, rappelait les fondements d'une paix durable : il faut relire ces messages de Noël de Pie XII, en 1940 et en 1941 : propos dont on mesure l'actualité...
«  Pas de place dans la paix future, déclare le Pape, pour l’agression contre les libertés et contre la vie des États, même faibles. Pas de place dans la paix future pour l'oppression des minorités nationales, Pas de place dans la paix future pour les calculs égoïstes visant à accaparer les richesses économiques,
Pas de place dans la paix future pour une course aux armements,
Pas de place dans la paix future pour les persécutions religieuses.

Et Mgr Blanchet d'approuver le courage de Pie XII : « Généreuse et vaillante Église, en pleine mêlée atroce, elle poursuit sa tâche d'éducatrice du genre humain. Elle est sans illusion et n'ignore rien de ses bassesses et de la fureur de ses convoitises : sans lassitude, appuyée sur la force de Dieu, elle a le courage d'espérer. Au-delà de la nuit tragique des calvaires, elle a appris à attendre l'aube des résurrections.

Très proche des habitants de cette ville, Mgr Blanchet insistait sur les liens d'affection et les liens spirituels avec les absents, les prisonniers, sans doute aussi les résistants. Il a salué « la charité du Faubourg », charité qui se manifesta lors de l'évacuation, comme un fort esprit d'entente et d'entraide, quand toute la Rive Droite dût chercher refuge et abri de l'autre côté de la Meurthe.
Lors du Te Deum de la libération à Saint-Martin, Mgr Blanchet fit une description détaillée de l'épreuve vécue par la population, avant d'appeler à l'effort pour reconstruire, en faisant confiance en Dieu et en croyant à la France et en la capacité de nos concitoyens.
Mgr Blanchet cherchait le sens de ce malheur en évoquant Jeanne d'Arc. « Jadis, une enfant de chez nous, parce qu'elle avait délivré le pays, mourut dans le feu. Cette fois, c'est toute une ville qui devint le monstrueux bûcher par lequel une haine qui voit venir sa défaite essaie de se venger de la libération de la France. Elle aurait souhaité, la Jeanne de chez nous, retrouver le Domremy de son enfance. Elle n'aurait pas osé penser à la grandeur tragique de son destin, qui ajoutait à la richesse spirituelle du pays. Ainsi, les timides prières de ces derniers temps imploraient la sauvegarde de la cité... Mais Dieu sait de quoi doit être faite la vraie vie d'un peuple et que la possession des biens matériels n'est pas le premier de ses besoins. Quand ce fut pour Jeanne l'heure du feu, on entendit le mot de foi et de vaillance qui met une âme au-dessus de la force qui l'écrase : « Non, mes voix ne m'ont pas trompée ».
Et mgr Blanchet d'ajouter : « Faisons écho à la voix de notre Jeanne, gardons le cœur intact. Ils ont brûlé nos maisons, ils n'auront pas notre âme. Plus haut que les flammes de notre incendie, commençait à luire l'aube de la liberté : on ne se trompe pas en faisant confiance à Dieu et en croyant à la France ».

Mgr Blanchet annonçait l'aube de la liberté. En 70 années, la Ville s'est rebâtie par la volonté des déodatiens, comme d'autres cités voisines ruinées à la même période. La cathédrale en fut le symbole, elle qui renaissait de ses ruines pour être dédicacée par Mgr Vilnet en 1974 ; elle qui retrouvait de la couleur avec l'ensemble prestigieux des vitraux bénis par Mgr Guillaume en 1987 ; et enfin il m'était donné il y a 5 ans, de faire chanter l'instrument nouveau des grandes orgues qui permet aux fidèles d'aujourd'hui d'exprimer leur action de grâces et de se rassembler : ils peuvent accueillir le don de Dieu, et y puiser la force des sacrements, pour construire aujourd'hui un monde fraternel.

Le Christ-Roi règne dans les cœurs. Mgr Blanchet l'avait évoqué, c'est dans l'épreuve, quand il a les mains liées, que le Christ exprime le sommet de l'amour, de sa fidélité à son Père, et la puissance de vie qu'il nous partage.
L'épreuve débouche sur la vie. C'est dans le cœur des pauvres, des enfants, des miséricordieux, des doux, des persécutés, dans les cœurs purs que se déploie le Règne du Christ, le Royaume de Dieu.

Selon l'évangile, le jugement dernier révélera ce qu'aura été notre vie. Au service du Royaume de Dieu, ou au service de notre égoïsme, de notre volonté de pouvoir. À relire les événements d'il y a 70 ans, ou ceux d'aujourd'hui, nous comprenons que c'est dans une vie donnée que se prépare le Royaume de Dieu. Saurons-nous faire aujourd'hui les mêmes choix de générosité et d'amour que certains de nos aînés, en ces périodes de crise de la 2° guerre mondiale, ou comme Ste Jeanne d'Arc ?
Le contexte d'aujourd'hui n'est pas celui de la fin de la guerre. Il n'en reste pas moins que chacun selon nos responsabilités, nos engagements, nous devons mettre le frère au cœur de nos préoccupations, à commencer par celui qui a faim et soif ou qui est nu, l'étranger qui implore un abri, le malade ou le prisonnier... sans oublier les frères persécutés à travers le monde. Chaque fois que vous l'aurez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'aurez fait.
Amen.

Publié le 02/12/2014 par Christophe CHEVARDÉ.