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Vers la béatification du père René Dubroux, missionnaire et martyr lorrain

Article publié dans l'Est Républicain Dimanche 14 juin.
Reproduit avec l'aimable autorisation de son auteur. Qu'il soit ici chaleureusement remercié.

Le père René Dubroux a été assassiné au Laos en 1959. Il devrait être béatifié au printemps prochain

Un missionnaire lorrain, martyr

Nancy. Pour avoir du caractère, ça René Dubroux en avait. Un tempérament c'est certain, une forte tête même. Au point de se faire virer du séminaire de Nancy, parce qu'il avait fait du feu dans une salle commune du séminaire dans la Chartreuse de Bosserville et joué aux cartes. « Peu soucieux de conformisme, sans être extravagant », écrivent ses supérieurs dans son dossier. « Mais l'évêque de Saint-Dié, qui avait remarqué sa personnalité l'a récupéré dans les Vosges », indique l'abbé Alain Cuny, actuel curé de Chantraine, à côté d'Épinal. « Moi, je prends Dubroux. J'en ferai mes choux gras », déclara d'ailleurs e Mgr Marmottin.

Baroudeur dans l'âme

Né le 28 novembre 1914 au pied du château d'Haroué, en Meurthe-et-Moselle, d'un père négociant en bois qui a subi des revers de fortune et d'une mère au foyer, quatrième d'une fratrie de six, il devient, adolescent, un excellent chasseur et un pêcheur hors pair. Ordonné prêtre à l'aube de la Seconde Guerre mondiale, le jeune vicaire est envoyé sur le front comme infirmier entre Bitche et Reichshoffen. « Soldat courageux, modèle de dévouement et de bravoure », il est décoré de la Croix de Guerre avec étoile d'argent. De retour dans sa paroisse de Chantraine en 1940, il s'occupe des jeunes, crée une troupe scoute, organise des colonies et des camps. Il porte déjà la barbe, une rareté dans le clergé.

Baroudeur dans l'âme, trois ans plus tard, il ressent « un appel dans l'appel » pour devenir missionnaire, selon le père Bruno Gonçalves, qui a instruit le dossier au niveau interdiocésain et entre aux Missions étrangères de Paris. Il lui faut attendre la fin de la guerre pour partir en Asie. Il s'engage d'abord comme aumônier militaire en Indochine avant d'arriver au Laos en 1948. Nommé à Namdik, il y reste neuf ans. Il y développe la foi de ses fidèles, convertit quasiment tous les villageois, s'efforce également d'améliorer leur sort. Il leur apprend à exploiter la forêt, à travailler et à vendre le bois. Il abat même un tigre qui les terrorise.

Après ses neuf années entrecoupées d'un retour de quatorze mois en France, dont un séjour dans les Vosges en 1954-55, durant lequel il confie qu'il ne reviendra peut-être pas, il est nommé dans un autre district. Conscient du danger, alors que les communistes du Pathet lao progressent, il continue cependant à agir comme si de rien n'était. Gros fumeur, il se déplace en jeep, « soupe au lait », il est capable d'agonir ses fidèles et quelques minutes après, de les choyer. Le 19 décembre 1959 à 21 h, le père Dubroux discute avec deux catéchistes et un jeune homme dans la sacristie de l'église de Palay. On l'appelle, il se lève, un coup de feu part. Il est touché. Il sort. Un deuxième tir l'atteint en plein coeur. Le missionnaire est mort, tué avec son propre fusil. Il est enterré au Laos.

« Il était prêt à donner sa vie », précise le père Marcel Vignalet, « C'était un spécial, très original, mais un type zélé », dit un autre. « Un évangélisateur », d'après le père Cuny. « C'était un Lorrain, une forte personnalité, de type volontaire. C'était un très bon prêtre, mais passablement autoritaire. Ou plutôt, il était exigeant de ses chrétiens », conclut l'ex- vicaire apostolique de Paksé.

Patrick PEROTTO

Avec dix autres prêtres et quatre laïcs De 1954 à 1970, un prêtre et quatre laïcs laotiens, et dix missionnaires étrangers, cinq Oblats de Marie­Immaculée (OMI) et cinq membres des Missions étrangères de Paris (MEP), sont morts d’épuisement ou ont été tués au Laos par les communistes toujours au pouvoir à Vientiane.

Leur cause en béatification a été introduite en 2004. Celle du père Dubroux a été instruite en Lorraine par le père Bruno Gonçalves. L’ensemble du dossier a ensuite été envoyé à la congrégation (ministère) pour la cause des saints au Vatican, qui l’a étudié et a rendu un avis, transmis au pape. François vient de les dé­clarer tous martyrs. Dans ce cas, il n’est point besoin de miracle pour être béatifié. La cé­rémonie devrait avoir lieu en mai ou juin prochain. C’est la première fois que des prêtres ou religieux sont reconnus comme martyrs alors que ceux qui les ont tués sont encore au pouvoir. Comme l’indique le blog « Églises d’Asie », les évêques du Laos, pays qui compte entre 50.000 et 60.000 catholiques souhaitent que la béatification ait lieu sur place.

« Notre Église est encore une jeune plante bien fragile. Elle a besoin de trouver des tuteurs, des appuis surnaturels solides », ont­ils déclaré. Mais il n’est pas certain que les autorités politiques le permettent.Une cérémonie solennelle pourrait également avoir lieu dans le diocèse d’origine de chacun des martyrs.

En savoir plus sur le père René Dubroux: télécharger les éléments de biographie

Publié le 15/06/2015 par Christophe CHEVARDÉ.