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Notre Dame d'Autrey

Présentation

Petit séminaire du diocèse de Saint-Dié durant plus d'un siècle, actuellement confié à la Communauté des Béatitudes l'abbaye Notre Dame d'Autrey demeure cher au cœur des chrétiens vosgiens.
Pour en savoir plus sur la proposition de la communauté des Béatitudes à Autrey

L'historien

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On ne peut en parler sans évoquer d'abord celui qui lui donna tant d'années de vie, tant comme professeur que supérieur, de 1932 à son élévation à l'évêché de Maurienne en 1960, Monseigneur André BONTEMS, né à Plombières le 14 mai 1910, mort à la Maison Saint Pierre Fourier de Saint-Dié il y a 25 ans, le 3 mars 1988.

C'est à lui que ce modeste résumé doit tout. Passionné par l'histoire de son séminaire, il avait patiemment remonté les siècles sur les traces de ses devanciers, jusqu'à rencontrer la grande figure du fondateur, le Cardinal Etienne de Bar, évêque de Metz.

La fondation

C'est à son retour de la II° croisade, prêchée en 1147 par Saint Bernard de CLAIRVAUX, son ami, qu'Etienne fonda à Autrey une abbaye qu'il confia aux chanoines réguliers d'Arrouaise qui vivaient sous la règle de Saint Augustin (sur la commune actuelle de Transloy, à 10 kms environ de Bapaume - Pas de Calais). L'abbaye d'Autrey en devint la 22° filiale, et d'après les travaux de Monseigneur Bontems, une quarantaine d'abbés s'y succédèrent jusqu'à la Révolution.

Une histoire tourmentée

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A la fin de la guerre de Trente ans, le monastère d'Autrey n'appartenait plus à la Congrégation d'Arrouaise. L'abbé mort sous les coups en août 1535, l'abbaye pillée par les armées impériales, les maisons renversées et brûlées, les religieux dispersés, le site resta abandonné durant 20 ans.

En 1656, le neveu de l'abbé assassiné, à qui son oncle avait transmis sa charge avant de mourir, affilia son abbaye aux chanoines Réguliers de Notre Sauveur, toujours sous la règle de Saint Augustin, mais réformée en Lorraine par Saint Pierre Fourier. Cependant longtemps encore elle sera considérée "comme presque perdue et ce n'est qu'en 1721 qu'elle retrouva les fastes d'antan". Quand en 1777 son dernier abbé Mgr de Chaumont fut nommé 1° évêque du nouveau diocèse de Saint-Dié, Autrey perdit son titre d'abbaye et devint Prieuré…

Pauvre Notre Dame d'Autrey ! À deux reprises, en 1789 et en 1906, l'État mettra la main sur ses bâtiments et ses biens. Vendue comme "bien d'Église" en 1791, l'abbatiale deviendra tréfilerie pour un demi-siècle. Quand Monseigneur Caverot rachète le domaine en 1858, il en fait un petit séminaire…que Monseigneur Foucault devra fermer faute d'élèves en 1905 ; avant qu'une seconde fois le gouvernement s'en empare.

Racheté à nouveau en 1930, Mgr Marmottin y rétablira le petit séminaire …que Mgr Vilnet devra fermer à son tour en 1975 …

Mais l'abbaye demeure : Notre Dame d'Autrey, priez pour nous !

Détails

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Mgr BONTEMS

Reprenant à l'heure de sa retraite en 1985 les recherches de toute sa vie, Mgr Bontems avait conçu le plan d'une monographie de sa chère abbaye Notre Dame d'Autrey. Mais la mort, lui arrachant la plume des mains le 3 mars 1988, ne lui permit pas de l'achever.

Ce qui était rédigé a été publié dans trois livraisons consécutives du "Bulletin de la Société philomathique vosgienne" (1991-92-93) par les soins de Melle Jacops et de M. l'abbé Cuny. Ils l'ont fait précéder en liminaire d'une précieuse notice sur l'auteur, rédigée en collaboration avec deux de ses anciens élèves, M. l'abbé Bernard Soligot, et M. l'abbé Claude Marion, ce dernier héritier des notes et des recherches de Mgr Bontems, son parent.

Tout serait à citer, tant Mgr Bontems a minutieusement travaillé, recopiant avec une patience méritoire- en ces temps où la photocopie n'existait pas - les documents précieux qu'il retrouvait. Il savait laisser parler les vieilles chartes et les vieilles pierres. Et ce résumé ne pourra être qu'imparfait au regard du modèle.

Filiale d'Arrouaise

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Au seuil d'Autrey se dresse la grande figure du fondateur : le cardinal Étienne de Bar, dont l'épiscopat fut un des plus longs de l'Église de Metz (1120-1163). Évêque botté, comme beaucoup de prélats de son époque, il avait sollicité à l'aube de son épiscopat "les prières et l'amitié spirituelle" de la communauté de Clairvaux, "attirant ainsi sur sa conduite la redoutable sollicitude de l'abbé ". De fait, Saint Bernard interviendra souvent dans la vie d'Étienne, et ne fut sans doute pas étranger à son départ pour la II°; croisade, qu'il avait prêchée en 1147. C'est à son retour deux ans après que l'évêque résolut de fonder une abbaye "au lieu qui est appelé Autrey". On est fondé à penser qu'il aurait aimé y installer des cisterciens : l'architecture de la première abbaye dont on a retrouvé la salle capitulaire, devenue aujourd'hui l'oratoire Saint Bernard, est sans conteste cistercienne.

Prié d'attendre, et vraisemblablement sur le conseil de Saint Bernard, il offrit aux chanoines réguliers de l'ordre d'Arrouaise, qui vivaient sous la règle de Saint Augustin, réformée sur le modèle de la "charte de Charité" de l'ordre de Cîteaux. Le 4 janvier 1163 Étienne s'éteignait "plein d'années et de mérites" revêtu de l'habit de Clairvaux, preuve suprême d'une amitié que les admonestations reçues de Bernard (motivées par ses violences peu évangéliques parfois) n'avaient point entamée.

Fondée en 1149, Autrey sera durant 5 siècles la 22°; filiale de l'ordre d'Arrouaise. Monseigneur Bontems donne un aperçu de ses constitutions :

  • Esprit d'ascétisme, avec la vie apostolique, la désappropriation, le silence, le jeûne et l'abstinence, le travail des mains et la "discipline" (ou flagellation volontaire).
  • La profession des "trois vœux" : obéissance et stabilité, chasteté, pauvreté et désappropriation. C'est sur ce dernier point surtout que la règle insistait, et cela dès l'origine.

L'ordre est sous la houlette d'un abbé général fixé à Arrouaise, mais qui doit être présent aux élections dans les filiales, les visiter tous les ans, présider chaque année le 23 septembre à Arrouaise la chapitre général qui doit obligatoirement réunir tous les abbés de l'ordre.

Trente et un abbés gouverneront Autrey dans le temps que l'abbaye appartiendra à l'ordre d'Arrouaise, et chacun y laissera sa trace.

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Mention spéciale doit pourtant être faite de l'Abbatiat de Messire Claude Stévenel, qui dura 25 ans (1523-1548), parce que dans la longue liste des abbés d'Autrey, ainsi que le relève Mgr Bontems, "il fait vraiment figure de grand seigneur". Il est partout présent dans l'abbatiale : transept, chœur et chevet, autel majeur, chapelles dont la chapelle saint Hubert, véritable joyau d'Autrey, sont son œuvre… "et les grands soins et peines qu'il a prises à ériger cette toute belle église" comme dit son épitaphe, suscitent encore aujourd'hui l'admiration.

Après l'abbé Stévenel, quatre abbés encore gouvernent Autrey dans l'obédience d'Arrouaise, mais la guerre de Trente ans, si désastreuse pour la Lorraine, marquera la fin de cette juridiction. L'abbaye pillée par les armées impériales, l'Abbé Nicolas Laurent, "mort à force de coups" sans doute dans la bataille de Rambervillers fin août 1635, les religieux dispersés et "toutes les maisons renversées et brûlées " voici Notre Dame d'Autrey déserte et désolée.

Mais Nicolas Laurent avait résigné sa charge abbatiale avant sa mort, en faveur de son neveu Nicolas Seronville. Vingt ans après, quand le calme revint, l'Abbé Seronville, conscient du fait que la Maison d'Arrouaise, ruinée aussi, ne pourrait rien pour Autrey, se tourna vers la Congrégation des Chanoines réguliers de Notre Sauveur. Elle aussi sous la règle de Saint Augustin, cette Congrégation avait été réformée en Lorraine par "le Bon Père" Saint Pierre Fourier.

Désolation et renaissance

L'Abbé Général était alors le Père Terrel, qui signa le 6 mai 1656 l'acte d'Union à Autrey à la Congrégation. Tout n'était pas résolu pour autant, et l'abbé Seronville crut bien faire en se démettant quatre ans plus tard en faveur d'un chanoine de Toul, l'abbé Pierre Midot, devenu abbé commendataire. Il s'était engagé à employer une grande partie de ses revenus au relèvement d'Autrey, mais disent les vieilles chroniques, "il n'y contribua en rien du tout, mais bien plutôt à achever de désoler l'abbaye".

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Pourtant les religieux auraient tout réparé, si de nouveau la guerre et ses exactions n'avaient ruiné leurs efforts, au point qu'au décès du Père Midot après 29 ans d'abbatiat, en 1699, le Père Massu, Abbé Général, considérait l'Abbaye "presque comme perdue".

Il ne s'y résigna pas, et sur le conseil de l'Évêque de Toul, Mgr de Bissy, entérina l'élection à la charge abbatiale du Père Sulpice Pastoret, cette fois comme abbé régulier. C'était un bâtisseur : il avait déjà relevé à Strasbourg l'église de la paroisse Saint Louis. Il fut l'homme du sauvetage d'Autrey, et releva tout, monastère et abbatiale, sur le plan que nous connaissons, avant de mourir le 1°; avril 1721 dans le nouveau pavillon abbatial de son abbaye restaurée.

Après lui, trois abbés réguliers encore régiront l'abbaye, mais au décès du 3°; en 1748 le duc Stanislas de Lorraine usa des pouvoirs qu'il avait obtenu du Pape pour nommer le comte d'Estissac - simple clerc tonsuré - au siège abbatial. Quand il le quitta pour se marier trois ans après, lui succéda l'abbé Rome, abbé commendataire lui aussi, mais qui laisse les biens et revenus de la mense abbatiale aux prieurs et religieux, ainsi que fit aussi son successeur en 1775.

Deux ans après, Pie VI créait le diocèse de Saint-Dié, et lui donnait pour premier évêque l'abbé d'Autrey, Mgr de Chaumont. La mense abbatiale faisait partie de la mense épiscopale : Autrey perdait son titre d'abbaye, mais allait continuer à servir le diocèse en tant que prieuré…jusqu'à ce que la Révolution le désole une fois de plus.

Tréfilerie

Ce que n'avaient pu faire ni les guerres, ni les tribulations, le séisme de 1789 l'obtint. Pourtant il n'y eut pas de bataille à Autrey : les religieux se retirèrent sans violence, et seuls le prieur et son procureur demeurèrent à leur poste - jusqu'à la vente opérée le 8 juin 1791. L'acquéreur était un maître de forges de Mortagne nommé Joseph Colombier.

L'église devenait manufacture de tréfilerie, mais du moins ne devait pas être profanée par un culte sacrilège. Le propriétaire qui aurait même voulu conserver la relique de Saint Hubert et les objets du culte de l'abbatiale, avait fait élever un mur au niveau du transept, et de ce fait les autels étaient respectés.
Même acheteur d'un bien d'Église, M. Colombier n'était pas anticlérical !

Ses petits-neveux lui succédèrent à la tête de la tréfilerie, mais leur affaire périclitant, et leurs finances obérées par la faillite d'autres manufactures, ils furent contraints de mettre le domaine en vente en 1849. Neuf longues années passèrent : les rares amateurs reculaient devant le coût de la remise en état.

Séminaire

Après avoir beaucoup hésité, Mgr Caverot, alors évêque de Saint-Dié, se décida à racheter le domaine en 1858, pour y ériger un petit séminaire qui serait pour son diocèse "le mémorial du dogme de l'Immaculée Conception défini quatre ans auparavant"

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Il fit aussitôt commencer les travaux qui lui permirent d'ouvrir le séminaire à la rentrée de 1860, avec 85 jeunes gens. Les études n'empêchaient pas les travaux de continuer, et quand les "lois scélérates" obscurciront l'horizon, Notre Dame d'Autrey aura retrouvé les fastes d'antan.

Hélas, le recrutement se raréfiait : deux petits séminaires étaient de trop pour le nombre d'élèves. Il fallait en sacrifier un et choisir entre Autrey et Châtel, malgré les protestations des supérieurs d'alors. "si on abandonne Autrey, les pierres crieront ! " disait le Père Vautré. Et le Supérieur, le Père Detté, prophète de malheur : " ce n'est pas le Préfet qui me fait peur, c'est l'Évêque ! ". Il n'avait pas tort : Mgr Foucault prit effectivement la décision de fermer Autrey en 1905. Seul le Père Detté y resta, jusqu'à ce que, le 19 décembre 1906, les "forces de l'ordre" viennent expulser ce vieillard de 70 ans.

Bientôt embarrassé de sa conquête, l'État mit Autrey (et Châtel confisqué lui aussi) à la disposition du département, qui pensa d'abord vendre Autrey, pour renflouer le budget de Châtel qui deviendrait hospice. On proposa le rachat à Mgr Foucault, pour 60 000 francs en 1910, mais l'évêque (qui avait rejeté les "cultuelles" condamnées par Pie X) refusa de "passer sous les fourches caudines" et une nouvelle fois Autrey fut livré.
Alors le département décida de créer deux hospices, mais heureusement les Monuments Historiques classèrent l'église le 8 juillet 1911, avant qu'en 1912, les nouveaux occupants s'installent. La guerre de 1914 transforma l'abbatiale en ambulance lors des combats de la Chipotte…et un séminariste blessé vint y mourir.

Séminaire à nouveau

La paix rétablie, les séminaires se remplirent à nouveau, et sous la pression de ses deux vicaires généraux, Mgr Maire et le chanoine Cousot ("ce sont eux qui m'y ont poussé") l'évêque repensa à Autrey. Les négociations reprirent en 1930, et Mgr Marmottin, succédant la même année à Mgr Foucault, recouvra Autrey pour 500 000 francs.

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Le séminaire put rouvrir le 3 novembre 1931, et le 1°; mars suivant on fêtait la résurrection de Notre Dame d'Autrey. Il y manquait seulement les cloches de l'abbatiale, mais de nouveau elles chantèrent le 6 juin 1933.

Une fois de plus, la guerre passa. Bombardée fin septembre 1944 - parce que les Allemands s'y étaient installés - l'abbaye subit le contrecoup de l'explosion des ponts qu'ils avaient minés en partant (28 et 29 septembre 1944). Une fois de plus Autrey pansera ses plaies. Et le séminaire rouvrira ses portes le 22 mars 1945.

C'est pourtant à cause de ses nouvelles blessures qu'en 1952, parce que l'ébranlement de la maison avait fragilisé la charpente, les travaux permirent de découvrir les vestiges de la Salle Capitulaire et du Cloître de la première abbaye. Comme nous l'avons déjà noté, ce qui est aujourd'hui "l'oratoire Saint-Bernard " occupe la salle restaurée, et classée "monument historique" le 4 novembre 1955. Y est conservée une relique du saint abbé et l'autel fut consacré par Mgr Brault le 19 novembre 1953, en l'année bernardine.

Un site à visiter

Les notes accumulées par Mgr Bontems sont aujourd'hui déposées dans le fonds lorrain de la bibliothèque du grand séminaire de Saint-Dié, devenu Maison Saint Pierre Fourrier. Ce qui a été publié se termine sur 30 pages orchestrant magnifiquement la "visite archéologique" de l'abbaye, "à partir de l'entrée de l'église, en commençant donc par les constructions les plus récentes. C'est dire qu'au fur et à mesure que nous pénètrerons plus avant dans l'église, et que, de l'église, nous passerons dans le monastère, nous rencontrerons les siècles, et notre intérêt ira croissant "…

Mais on ne peut pas résumer ces pages là ! Il faut aller voir Autrey, l'aller voir en s'étant imprégné des trente pages consacrées à sa visite par Mgr Bontems.

Le petit séminaire a disparu aujourd'hui, fermé faute d'élèves pour la seconde fois en 1975…Mais "notre Dame d'Autrey" demeure. L'abbaye est en route vers son neuvième centenaire, avec la communauté des Béatitudes qui la peuple à présent. Mgr Bontems, qui ne manqua jamais d'y descendre à chacun de ses retours dans les Vosges, tant qu'elle abrita le petit séminaire, la voit maintenant dans la Lumière de DIEU.

Et en cette année 2003 que le Pape Jean-Paul II a proclamée "année du rosaire", les chrétiens des Vosges aimeront aller vers elle…

Notre Dame d'Autrey, priez pour nous !
9 mars 2003
25 °; anniversaire de l'entrée de Mgr Bontems
dans la Maison du Père.