Télescoper dans un parc verdoyant les œuvres majeures des maîtres de la sculpture monumentale du XXe: c’est le défi lancé cet été au pied de la tour de la Liberté à Saint-Dié. Jusqu’au 10 octobre.
« Braque répondant à Rodin. Picasso conversant avec Camille Claudel. Modigliani croisant Max Ernst. L’ours de Pompon côtoyant le Rhinocéros de Dali. » Où peut-on faire cette rencontre improbable ? C’est à Saint-Dié, ville de 23.500 habitants, isolée mais résolue à faire de l’art un tremplin vers la spiritualité. Le futur de la cité, pour le maire Christian Pierret, ne peut se concevoir sans la création ni l’invention : « La fonction d’une ville d’art et de culture, se plaît-il à souligner, c’est d’exprimer la crise. Les artistes provoquent, interpellent, expriment les drames et les tensions. Ils permettent d’accomplir plus facilement le passage de la tradition au futur, et non pas à un destin clos et mortifère. »
« Une démarche religieuse »
Cette provocation n’est pas gratuite, mais ambitieuse. Elle stimule la réflexion. Le spectacle de la beauté, convulsive ou non, appelle l’homme à reconsidérer sa vision. Pour le maire de Saint-Dié, fier d’abriter le Musée et les bijoux de Braque, l’œuvre d’art participe bel et bien d’une démarche religieuse de recréation et de recomposition du monde : « Ceux qui vont venir contempler les œuvres ont beaucoup à créer avec l’artiste. Ils ont beaucoup à recréer en voyant l’œuvre – elle contribue à leur bonheur. »
L’envol de l’esprit
La Tour de la Liberté symbolise cet « envol de l’esprit », cet élan vers la transcendance. Elle reçoit depuis le 14 juillet quelque soixante-dix-huit chefs-d’œuvre disséminés à son premier étage et dans la pelouse du parc Jean-Mansuy. Loin de lasser ou de choquer, le choc des créations des géants de la sculpture du XXe suscite un sentiment d’unité. Ces héros subversifs de la famille artistique, naguère plus turbulents les uns que les autres, ont trouvé à Saint-Dié comme un terrain d’entente naturel. Cela tient sans doute au génie du lieu, mais aussi à la maîtrise des espaces. Et surtout à la qualité exceptionnelle des œuvres choisies. Des œuvres des plus grands sculpteurs, Armand Israël, organisateur de l’exposition et lui-même collectionneur, a retenu les plus emblématiques, les plus touchantes aussi : « J’ai d’abord dressé la liste idéale des plus grandes œuvres du XXe siècle. Rodin, Braque, Arman, Dali, Ernst, Modigliani, Picasso, Arp, Pompon, César, Degas, Camille Claudel, Benatov. Puis j’ai fait mon choix. Pour Camille Claudel, par exemple, mon préféré, c’est « la valse. » Un couple d’amoureux danse et se meut dans le bronze avec une grâce légère. « Il ne faut pas seulement savoir représenter, observe Christian Pierret à propos de Braque et Degas, il faut savoir toucher. » L’enthousiasme des mécènes, des prêteurs, de la ville de Saint-Dié a permis de faire éclore ce projet porteur d’une aventure humaine qui ne demande qu’à s’épanouir : « Là où l’homme a vécu commence la légende, là où il vit. »
Jean-Paul Vannson
Exposition visible tous les jours de 14h à 19h, jusqu’au 5 septembre
du 6 septembre au 7 octobre ; tous les jours de 14h à 18h
du 8 octobre au 10 octobre : les vendredis / samedis de 9h à 19h et dimanches de 9h à 18h.
Parc Jean-Mansuy et Tour de la Liberté.
Tarifs : 5€, 2€.