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Saint Mansuy



Premier évêque de Toul

De temps immémorial, Saint Mansuy est considéré comme le père dans la foi de toute la Lorraine et comme le premier évêque de Toul. Les hagiographes romains actuels en reconnaissent eux-mêmes l’existence, mais, disons-le tout de suite, il faut nous résigner à tout ignorer de sa personne et de son histoire.
Si, de tous les Saints du nouveau Propre que nous avons déjà rencontrés, Saint Mansuy est incontestablement le plus ancien, c’est aussi le premier pour lequel la biographie se réduit ainsi à néant.
Ce peut être, par contre, l’occasion d’étudier, avec les ressources de la critique contemporaine, nos origines chrétiennes, d’évoquer l’aube de ces temps lointains sur lesquels se profile la silhouette mystérieuse de Saint Mansuy. L’histoire de son culte ensuite, attestée par d’innombrables documents, fera, en quelque sorte, comme compensation, en permettant à notre piété de rendre encore hommage à la « douce mémoire » de notre aïeul en Dieu.

Plusieurs fois déjà, nous avons remarqué que, sans le savoir, l’Empire romain avait préparé les voies à l’Evangile, notamment par le réseau étonnant de ses grandes routes et par le quadrillage de son administration. En pénétrant, dès le début du II° siècle, à travers la Gaule, l’Eglise s’installa tout naturellement dans les cadres de la vie publique de l’Empire. Ainsi, ce sont les circonscriptions administratives du temps de Dioclétien, appelées justement « diocèses », qui ont fourni aux premiers évêchés leurs limites et leurs chefs-lieux.

Le cas est typique pour Toul, capitale de la Cité des Leuques, dont le territoire dessina exactement les contours du diocèse de Toul, des origines au démembrement de 1777, date à laquelle s’en détacha le diocèse de Saint-Dié. Située sur la Moselle, à la pointe de cette sorte d’accent circonflexe que fait la rivière entre sa source à Bussang et son terminus à Coblence, la ville de Toul eut de tout temps une importance stratégique de premier ordre. C’est par Toul que s’infléchissait la voie impériale reliant Rome à Cologne, par Lyon, Langres, Metz et Trèves. Aussi, dans ces villes-étapes, le plus souvent d’ailleurs centres d’un culte païen très actif, voyons-nous progressivement se développer les premiers foyers de chrétienté.

Entre Lyon et Trèves, où se constituent respectivement aux II° et III° siècles ce que les historiens appellent les grandes paroisses épiscopales, on admet qu’il exista à Toul, comme à Autun et à Metz, des paroisses presbytérales, annexes des deux premières métropoles. Ce terme de la paroisse donne à penser qu’il y eut à Toul des fidèles et des prêtres, bien avant qu’elle ne devînt le siège d’un évêché.
En conséquence, si Saint Mansuy a sans nul doute été devancé par des prédicateurs anonymes de l’Evangile, il est reconnu comme le fondateur de la première chrétienté autonome organisée en diocèse. L’évènement se situe au milieu du IV° siècle, lorsqu’il y eut un nombre suffisant de baptisés et de prêtres organisés en paroisses. Première ébauche intéressante d’une pastorale d’ensemble !

Fière d’un aussi riche passé, l’Eglise de Toul se parera jusqu’au XIII° siècle du titre de « Sainte Eglise des Leuques ». On croit saisir, à travers cette épithète glorieuse l’origine et comme la justification de l’apostolicité de l’Eglise de Toul.
Il est de fait que la vieille tradition de Toul, identique à celle des plus anciens sièges des Gaules, prétend que Saint Mansuy fut un disciple envoyé directement de Rome par Saint Pierre, tels Saint Clément à Metz, Saint Martial à Limoges, Saint Lazare à Autun. La critique historique a fait, au début de ce siècle, avec Mgr Duchesne, justice de cette belle légende. Il n’en demeure pas moins quelque chose de touchant dans ce souci qu’ont eu nos aïeux de se rattacher ainsi étroitement à la tradition apostolique, dans ce besoin de remonter à la source même de la vie que le Christ était venu apporter au monde.

C’est dans cet esprit que fut écrite la plus ancienne Vie de Saint Mansuy par Adson, écolâtre de l’abbaye Saint-Epvre de Toul, qui mourut abbé de Montier-en-Der (Haute-Marne). Cette œuvre datant de la fin du X° siècle – plus de 600 ans après la mort de Saint Mansuy – est purement légendaire, au point qu’on n’en peut retenir aucun témoignage valable pour l’histoire de notre Saint.
Nous sommes par contre renseignés de façon suivie, à dater de l’an mil, sur le culte voué par les Toulois à leur premier évêque. Son corps, entouré d’une vénération immémoriale, reposait dans la chapelle Saint-Pierre que lui-même, disait-on, avait érigée de son vivant à proximité de la ville. Par la suite, une abbaye de Bénédictins s’y était installée, qui prit le nom de Saint-Mansuy.

Lorsque Saint Gérard entreprit de rénover le culte des vieux Saints de Toul, il commença par relever les restes du sarcophage de l’antique crypte de Saint-Pierre, pour les placer dans un reliquaire dont les Bénédictins assurèrent la garde. Cinquante ans plus tard, Saint Léon IX authentiqua de façon solennelle au Synode de Rome la sainteté de son lointain prédécesseur.
A dater de cette canonisation officielle, il y eut au cours du Moyen Age plusieurs reconnaissances ou translations de ses reliques. Elles dénotent le souci de s’assurer de leur conservation et de leur authenticité, en ces temps où de pieux larcins se produisaient souvent, tant on était avide de se procurer des reliques. Ces interventions, toujours considérées comme un hommage officiel de l’Eglise, étaient, on le devine, l’occasion de fêtes grandioses qui réjouissaient la piété des fidèles.

La première de ces translations se fit le 15 juin 1104, par les soins de l’évêque Pibon. Nous possédons la lettre par laquelle il convoqua tout son diocèse, dignitaires et princes, clergé et fidèles. Le chroniqueur rapporte que la foule ne pouvant tenir dans l’église abbatiale, on dut transporter la châsse dans une vaste prairie où se fit la vénération des reliques. Il signale la présence de pèlerins étrangers, attirés du reste par la foire coïncidant avec la fête, qui rapportèrent le culte de Saint Mansuy dans leur région.

En 1444, c’est Henri de Vaucouleurs, évêque auxiliaire de Verdun, qui procède à une nouvelle reconnaissance, et de même en 1506, Hugues des Hazards, évêque de Toul. Il préleva cette fois le chef de Saint Mansuy pour le placer dans un reliquaire spécial, destiné à la Cathédrale qui revendiquait cet honneur et qui a pu le conserver jusqu’à nos jours.

Quant à la grande châsse de vermeil médiévale, qui contenait le corps, elle devint la proie des Révolutionnaires réquisitionnant les métaux précieux. On obtint toutefois d’en retirer au préalable les ossements que se répartirent les dignitaires du Chapitre. Du procès-verbal de ce partage opéré le 11 juillet 1790, retenons que M. de Saint-Beaussan, archidiacre de Vittel et vicaire général, reçut un fragment de l’omoplate. En souvenir de quoi, pensons-nous, la paroisse de Vittel en conserve encore une parcelle.

La tourmente passée, les reliques ne réintégrèrent pas toutes la nouvelle châsse ; beaucoup restèrent dispersées dans plusieurs église du diocèse de Nancy. Dix paroisses, en effet, ont Saint Mansuy comme patron, presque toutes situées dans le voisinage de Toul. Le diocèse de Verdun en compte quatre, dans la fraction dépendant jadis de Toul. Chez nous, trois paroisses, curieusement excentriques par rapport à cette ville, sont dédiées à Saint Mansuy : Fontenoy-le-Château et Sérécourt, à la lisière de la Haute-Saône ; Raon-sur-Plaine, au pied du Donon. Son office figurait de même au propre des Dames de Remiremont, par ailleurs si distantes de Toul à tous égards. Preuve que chez elles, la piété lorraine l’emportait sur la fierté aristocratique.

Raon-sur-Plaine aujourd’hui, comme Remiremont jadis, atteste ainsi que la foi, plantée à Toul par Saint Mansuy, a rayonné jusqu’au cœur du massif vosgien. C’est ce que dit en toutes lettres et si joliment la dernière strophe de l’hymne des Premières vêpres de notre Propre, au 4 septembre. Le très bel office, hérité d’ailleurs de Toul et concédé par Rome en 1957, s’est trouvé bousculé par la récente réforme du bréviaire en sorte que cet hymne a, hélas ! disparu.

L’iconographie de notre Saint se réduit à fort peu de choses. En raison d’ailleurs de l’absence de tout document historique, elle n’a pu s’inspirer que de la légende et des miracles rapportés par Adson. Un des plus célèbres a été retenu par Jacques Callot, qui représente le saint évêque avec un jeune garçon, tué accidentellement au jeu de paume et gentiment ressuscité par Saint Mansuy. Aussi voit-on sur la châsse de Vittel, récemment décorée par Dié Mallet, figurer aux pieds du thaumaturge un bel adolescent, sa raquette de tennis à la main. Plus vénérable est néanmoins la jolie statue de la confrérie que l’église de Fontenoy a prêtée à l’Exposition d’Art Religieux d’Epinal.

Publié le 16/12/2010 par Alice.