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Saint Pierre Fourier : Ses innovations

Retrouvez ci-dessous un extrait du mémoire de Soeur Marie-Paule Dubart (pour sa maitrise en Théologie) consacré aux innovations de Saint Pierre Fourier. Merci à son auteur de contribuer à cette meilleure connaissance du saint vosgien.

Après des brillantes études, Pierre Fourier est un homme très compétent. Il est surtout façonné par l'Evangile qu'il cherche à incarner à travers les multiples détails de la vie. Il fait œuvre d'innovateur sur le plan social, religieux et politique. S'il est nécessaire ici de séparer les plans, ceux-ci s'imbriquent les uns dans les autres car il a une vision unifiée de la personne.

Sur le plan social, il rend lui-même la justice pour les actes relevant des basses juridictions. Il cherche à éviter à la population les procès coûteux et interminables où les gens s'appauvrissent. Il lutte contre la misère et la pauvreté, favorise l'hygiène, dénonce les abus de pouvoir et fait appel à plus de justice humaine. Il cherche à supprimer l'alcoolisme et entre dans les cabarets où il rencontre les intéressés, les incitant à couper court à ce fléau. La ruine des petits commerçants, suite à des maladies ou à des accidents, le touche et il invente une caisse de crédit mutuel: la bourse de saint Epvre où les cotisations déposées pourront apporter un secours aux malchanceux. Il fait ouvrir les greniers des plus riches pour venir en aide aux plus miséreux. Il fait établir des listes de nécessiteux et n'hésite pas, un jour de fête de saint Epvre, patron de la paroisse, à faire inviter dans les familles les mendiants qu'il a fait réunir au préalable au cimetière.

Inlassablement, il enseigne les pauvres et les riches, dans la vie courante et par ses prédications et ses catéchèses. Il réunit les familles quatre par quatre dans une même maison pour les enseigner. Il renouvelle la catéchèse en recourant aux mimes, aux petits drames, au théâtre que les enfants jouent devant leurs parents. Il fait chanter les psaumes et fait découvrir les belles liturgies. Il adapte le catéchisme aux pauvres, aux artisans et manouvriers, aux marchands 9. Soucieux d'une formation plus solide pour les prêtres, il écrit des petits traités sur la pratique des curés, mettant ainsi en œuvre une décision du concile de Trente de réorganiser la formation des prêtres.

A la demande de François de Vaudémont, voulant arrêter l'essor du protestantisme, Pierre Fourier se rend, contraint, dans la région de Badonviller. Il commence par établir des relations cordiales avec la population. Son influence sur les protestants viendra plus de son exemple que de ses prédications.

Une de ses grandes innovations est de fonder, avec Alix Le Clerc, une congrégation de religieuses qui "feront tout le bien possible", à commencer par l'éducation des filles, jusqu'alors fort délaissée. Grâce aux intuitions conjuguées d'Alix Le Clerc, de ses compagnes et de Pierre Fourier, s'ouvrent, dans des villages, des maisons ouvertes, dont le principal but est d'enseigner gratuitement les filles tant pauvres gué riches. Catholiques et protestantes y sont reçues. Fin juin 1598, est créée la première école à Poussay. Ce souci d'instruire les filles, pour que devenues femmes, elles puissent avoir un métier et gagner honnêtement leur vie, est un projet audacieux pour l'époque. Une cinquantaine d'écoles verront le jour du vivant de Pierre Fourier à qui est attribué l'invention du tableau noir et l'enseignement des élèves par niveaux.

Une double préoccupation habite Pierre Fourier. D'une part, il se montre attentif à la formation de ces femmes, devenues enseignantes, par ses conseils pédagogiques, par son accompagnement spirituel et son appui constant dans leurs démarches. D'autre part, cette congrégation qu'il a vu naître, il l'éduque dans l'esprit de la liberté augustinienne et de rigueur ignacienne. Ces femmes seront des religieuses enseignantes et il va leur donner un statut juridique qu'il fera reconnaître par Rome, au prix d'un dur labeur. La première reconnaissance romaine sera en 1617 pour la seule maison de Nancy et en 1628 pour toutes les maisons. Aujourd'hui, l'éducation reste encore une priorité de la Congrégation Notre-Dame.

Pierre Fourier, à la demande de Monseigneur de Maillane, évêque de Toul, va, dans l'esprit du concile de Trente, réformer sa propre congrégation. Se heurtant à bien des difficultés, il va finalement devenir fondateur des Chanoines Réguliers de Notre-Sauveur, en 1625. Il en deviendra le supérieur général, en 1632, après la mort du premier supérieur général, le Père Guinet.

Sur le plan politique, Pierre Fourier conseille, et parfois avec fermeté, les ducs de Lorraine. Il est parfois appelé à la cour, rencontre des princes. Ses interventions visent à transformer les structures d'injustice en structures de justice. Il souhaite l'indépendance du duché de Lorraine et s'oppose vigoureusement à Richelieu, déjouant ses plans en suggérant un mariage inattendu qui permet à la Lorraine de rester indépendante pour encore un siècle.

Ces innovations, ici recueillies, ne sont qu'un résumé des actions de Pierre Fourier. Ses biographes, parmi lesquels Jean Bedel, Jean Rogie, ont permis de les mieux connaître ainsi que les études faites, au vingtième siècle par plusieurs auteurs, et notamment par sœurs Hélène Derréal 10, Madeleine Cord'homme 11, Paule Sagot 12, René Taveneaux 13 qui ont contribué à divulguer les propres écrits de Pierre Fourier.


9 Jean BEDEL, op. cit. p. 92. 10 Hélène DERREAL, Un missionnaire de la Contre-Réforme, col. Civilisations d'hier et d'aujourd'hui, Paris, Pion, 1965. 11 Madeleine CORD'HOMME, Un éducateur du XVIème siècle: Pierre Fourier, Moulins, 1932. 12 Paule SAGOT, "Pierre Fourier", DS, t. 12, col. 159O à 16OO. 13 René TAVENEAUX, Saint Pierre Fourier et les courants de pensée de son temps, préface de Pierre FOURIER, Sa Correspondance. 1598-1640, t. I, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1986, pp.IX-XXXVIII; Saint Pierre Fourier en son temps, Etudes réunies par M. Taveneaux., Actes du colloque de Mirecourt, 13-14 avril 1991, par le diocèse de saint-Dié et l'Université de Nancy II, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1992; La Pastorale, l'Education, l'Europe Chrétienne. Textes choisis et commentés par M. Taveneaux. Paris, Editions Messene, Centre cuturel de l'Abbaye des Prémontrés, 1995.

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Publié le 13/12/2011 par Christophe CHEVARDÉ.