Retrouvez ici le message prononcé par Monseigneur Jean-Paul Mathieu, évêque de Saint-Dié à l'occasion de l'inauguration de la mosquée d'Epinal...
Madame la Préfète,
Monsieur le Député-Maire, Madame la Députée européenne, Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Président du Conseil Français du culte Musulman,
Monsieur le Président de l'Association Culturelle Musulmane des Vosges,
Monsieur l'Iman de la Mosquée d'Epinal,
Mesdames et Messieurs de la communauté musulmane des Vosges,
Vous tous, Chers amis,
Je vous remercie de m'avoir invité à l'inauguration officielle de votre Mosquée d'Epinal. Vous l'attendiez depuis longtemps. Elle est belle : vous pouvez en être fiers, car elle est le fruit des efforts des musulmans de votre secteur. Vous avez pu compter sur la compréhension des autorités municipales, attentives à la qualité du vivre-ensemble, comme nous le constatons souvent.
Vous adorez le Dieu Un, vivant et miséricordieux, comme l'ont fait tant de croyants depuis Abraham. Soucieux de rendre un culte à Dieu par la prière, vous souhaitiez disposer d'un lieu digne et conforme à votre tradition. Chrétiens catholiques nous croyons qu'il est bon que vous, amis musulmans, puissiez disposer d'un tel espace, vous permettant de rendre à Dieu le culte que votre conscience vous dicte.
Les chrétiens aussi sont désireux de bénéficier partout de la liberté de conscience et de la liberté d'exercer un culte public. Encore maintenant, en certains endroits, des chrétiens ont du mal pour exister comme chrétiens et vivre leur culte en toute liberté, et il leur est parfois très difficile de construire des églises. L'on ne peut donc que se réjouir des bonnes relations qui progressent chez nous et de la bonne entente et du dialogue développé dans les Vosges depuis plus de 10 ans, dans l'humilité et le respect, pour travailler ensemble à la paix sociale.
Lors de visites pastorales, j'ai été accueilli plusieurs fois par des responsables de communautés musulmanes, qui m'ont fait visiter leurs salles de prière. Avec la Mosquée d'Epinal, les croyants musulmans pourront se sentir davantage accueillis sur une terre et dans un pays où, pensons-nous, les racines chrétiennes restent structurantes et où nous pouvons coexister pacifiquement.
L'histoire nous a appris, non sans peine parfois, à vivre notre foi chrétienne dans le respect de la liberté de conscience et le souci du dialogue inter-religieux : le grand Concile Vatican II qui s'ouvrait à Rome il y a 50 ans, a marqué une étape décisive dans ce dialogue. Je cite : « Si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s'efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu'à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté ».
L’un des aspects de la visite de notre Pape Benoît XVI au Liban, est cette démarche de paix et d'ouverture à tous les croyants pour les encourager à vivre ensemble.
Il invite également à «éradiquer le fondamentalisme religieux». L’actualité nous rattrape. Les fondamentalismes ou intégrismes sont une entrave grave à la liberté, à la dignité et, donc, à la foi. Dans son Exhortation adressée aux évêques d'Orient qu'il a signée, hier, près de Beyrouth,—et qui peut nous parler— le Pape Benoît XVI affirme que le fondamentalisme «afflige toutes les communautés religieuses ».
Le respect mutuel et le dialogue
Le fondamentalisme ou l’intégrisme, je cite, «veut prendre le pouvoir, parfois avec violence, sur la conscience de chacun et sur la religion pour des raisons politiques. Il poursuit : Je lance un appel pressant à tous les responsables religieux juifs, chrétiens et musulmans de la région, afin qu'ils cherchent par leur exemple et leur enseignement à tout mettre en oeuvre pour éradiquer cette menace qui touche indistinctement et mortellement les croyants de toutes les religions». Retenons que le respect mutuel et le dialogue doivent toujours être recherchés.
J’aimerais rappeler ce que le Pape Jean-Paul II avait dit en 1982 au Nigeria : « Nous vivons sous le soleil du même Dieu miséricordieux. Nous croyons les uns et les autres en un seul Dieu créateur de l'homme : nous pouvons nous appeler au vrai sens des mots : frères et sœurs dans la foi au Dieu unique ». Il ajoutait, à Casablanca en 1985 : « Dieu nous invite, aujourd’hui, à changer nos vieilles habitudes. Nous avons à nous respecter, et aussi à nous stimuler les uns les autres dans les œuvres de bien sur le chemin de Dieu ».
Une société laïque
Chez nous, les chemins de dialogue et de collaboration existent dans les Vosges, en particulier dans le secteur d'Epinal et Remiremont, par exemple. Travaillons dans l'estime de nos légitimes différences et dans la compréhension mutuelle, au sein d'une société laïque, qui donne sa place aux différentes religions et leur permet de se développer dans le respect.
Je salue le courage et la persévérance de ceux qui ont mené à bien ce projet, et je vous souhaite d'en faire bon usage, pour le bien spirituel de ceux qui fréquenteront la Mosquée et pour que grandisse la paix des cœurs et la paix entre nous tous et entre les peuples, si Dieu le veut.
+ Jean-Paul Mathieu, évêque de Saint-Dié.