La vie est un cadeau, dit l’abbé François Bresson. Un cadeau reçu de nos parents et de Dieu qui est source : “On a une double parenté, humaine par les parents et divine par notre baptême” : la filiation est un chantier pour toute la vie. Pour le diacre Michel Petitdemange, le don fait de nous pleinement des hommes : il donne un sens à la vie. Économe du diocèse, il rappelle que l’Église vit des dons : dans les Vosges, 16 000 donateurs ont versé le denier en 2010.
Amour et partage de vie
La vie est un cadeau. Délégué diocésain de la mission ouvrière, l’abbé François Bresson salue la capacité de don de soi des plus démunis et la leçon de fraternité d’Etty Hiillesum.
Le projet d’épicerie sociale aboutira-t-il ? Il permettrait de préserver la pudeur des personnes qui sont obligées de quémander de la nourriture pour boucler leurs fins de mois : “L’idée est venue de gens qui sont eux-mêmes dans la galère “, souligne l’abbé Bresson, curé de Bruyères et du secteur Vologne. Difficile de garder son anonymat quand on va chercher quelques boîtes ou litres de lait aux Restaurants du cœur ou dans les organisations caritatives.
A l’instar du nouveau vestiaire du Secours Catholique d’Épinal, l’épicerie sociale recevrait les nécessiteux dans la discrétion et le respect absolu de leur démarche. De plus en plus nombreux sont ceux qui sont confrontés à une situation précaire. Personne n’est mieux à même de percevoir l’opportunité d’une telle initiative que d’autres personnes démunies. Les profiteurs sont la minorité”, observe l’abbé Bresson, répondant à une critique - toujours sous-jacente - à l’encontre de l’assistanat : “Les associations caritatives savent bien qu’il faut un travail d’écoute et d’accompagnement. Il faut éviter de s’enfermer dans un jugement un peu trop rapide.”
le don du visage de dieu
Pédagogie et spiritualité animent la démarche du Secours Catholique et de la Saint-Vincent-de-Paul : “Moi qui accompagne certaines familles qui vivent dans la difficulté aujourd’hui, je trouve qu’il y a une grande dignité chez ces gens-là. Pour moi, cette dignité reflète quelque chose de Dieu. Les personnes avec qui l’on travaille à travers les missions ouvrières ACE et JOC nous donnent quelque chose du visage de Dieu.”
Le prêtre chemine depuis des années avec ces laissés pour compte de la société d’aujourd’hui : “Ils vivent dans la pauvreté, ne partent jamais en vacances, se privent de nourriture pour leurs enfants. Ils ne se soignent pas : quand ils sont affiliés à la CMU, ils se font jeter par certains médecins. Ce sont encore eux qui partagent, apportent des gâteaux dans les réunions. Ce sont eux qui lisent l’Évangile, ce sont eux qui vous en remontrent !”
A Remiremont, l’abbé Bresson accompagne une équipe qui se met en route avec les “trois Odile” : Marie-Odile Simonin, Creusot et Mougin : “C’est incroyable comme ils rayonnent, demandant la confirmation, la première communion. C’est impressionnant comme ils ont reçu une confiance qu’ils nous rendent largement, grâce à un accompagnement. J’y vois un don de Dieu. Effectivement, Dieu est présent à travers ces personnes, il y a une transparence de Dieu qui se manifeste.”
Le don de Dieu est imprévisible. Il est là où on ne l’attend pas. Même dans les pires situations, face aux pires exactions. L’abbé Bresson cite l’exemple de la jeune juive néerlandaise Etty Hillesum, gazée à Auschwitz en 1943. Dans son journal intime, elle manifeste un don absolu de soi, abnégation, amour de la vie et foi en l’homme, tout en étant confrontée chaque jour à la barbarie et à l’abjection : “Elle a été massacrée dans ce camp de concentration, et a continué à regarder ses bourreaux en terme d’espérance, de fraternité. Elle a donné une leçon de vie. Elle n’est pas entrée dans la violence de ses propres persécuteurs. Elle a continué à croire en la possibilité de sortir de ce cadre de violence dans laquelle l’autre s’est mis en tant qu’exterminateur.”
Des dieux et des hommes
Nier l’homme, c’est nier Dieu, rappelle le prêtre. “Le don implique de dépasser “l’instinct d’égoïsme” chez l’être humain.” D’autant que ce dernier est appelé à “donner de son indigence et non pas de son superflu”. Si l’Église veut se rendre crédible aux yeux de l’Évangile, il faut vraiment qu’elle soit aux côtés de ceux qui sont en marge, des chômeurs ; et pour rendre crédible l’Évangile, ça vaut le coup qu’elle se batte au côté des laissés pour compte de la société ; ça vaut le coup de faire à partir d’eux.”
C’est par solidarité pour les villageois algériens que les moines de Tibéhirine sont restés dans leur monastère, malgré la menace extrême, ajoute l’abbé Bresson.
Sylvain Zanetti, donneur de sens
Éducateur en collège et lycée ainsi qu’auprès des enfants handicapés à l’IME de Saint-Dié, Sylvain Zanetti se bat avec énergie pour la promotion du don du sang. Un combat pour la vie.
Église dans les Vosges (EDV) : Qui vous a incité à défendre la cause du don du sang ? Sylvain Zanetti (SZ) : D’abord mon père. Il était donneur de sang. J’ai suivi son exemple. Mais à 19 ans, quand je suis allé pour la première fois à une collecte à Remiremont, j’ai eu peur. Mes amis avaient plaisanté sur “l’aiguille aussi grosse que ça !”. En fait, ça s’est super bien passé.
EDV : Mais de là à passer dans le militantisme…
SZ : A 24 ans, j’étais le plus jeune président de France ! Un concours de circonstances : le président de l’équipe de Saulxures-sur-Moselotte, ma ville d’origine, voulait passer le flambeau au bout de quinze ans. Il n’y avait pas de candidat. J’ai postulé comme secrétaire et je me suis retrouvé président du comité de l’amicale de 95 à 2001. En 96, je suis entré à l’Union Départementale des donneurs de sang bénévoles dont je suis toujours le secrétaire. Avec passion !
EDV : Qu’est-ce qui vous motive pour cet engagement ?
SZ : Ma motivation profonde, c’est de faire en sorte qu’on puisse sauver des personnes. Je dis souvent que “penser aux autres, c’est peut-être un jour penser à soi.” On a besoin de 9 200 poches de sang par jour. Ce qui implique que 9 200 personnes se lèvent le matin en disant : “aujourd’hui, je vais donner mon sang.” 90% des Français veulent donner leur sang, mais seulement 4% le font. Or les besoins sont croissants et le sang ne tombe pas du ciel…
EDV : Quels sont exactement ces besoins ?
SZ : Le stock est tombé à une durée de huit jours en décembre. On doit être à 14 jours. Le flux est très tendu. Personne n’est mort à cause du manque de sang en France. Mais, au-delà des accidents et de la maladie, la population vieillit, les papys et les mamies ont besoin de sang. Un million de personne en reçoivent par an dans le pays, sous forme pour une moitié de globules rouges, pour l’autre de plaquettes et plasma.
EDV : Qui donne ?
SZ : Les Vosges comptent 11% de donneurs contre 4% de moyenne nationale. Paris est une région déficitaire en matière de don du sang. L’Établissement Français du sang donne 30 000 poches à la capitale. Notre département est classé 2e au point de vue régional : la Lorraine est une très grande donneuse avec 28 000 poches.
EDV : Comment sensibiliser le public à la nécessité du don ?
SZ : Le bon exemple est contagieux. Moi-même j’ai été marqué par un prêtre, l’abbé Gérard Humbert, décédé en 2004. Quand j’étais lycéen, il était aumônier des collèges et lycées. Il a guidé ma vie, ainsi que celle de nombreux jeunes. C’était un homme de cœur. On a fait des choses extraordinaires avec lui. On a organisé des soirées-débats d’une richesse exceptionnelle. Il nous a sensibilisés à l’autre, à autrui, c’était vraiment une démarche supplémentaire.
EDV : Des exemples ?
SZ : En 1989, avec l’aumônerie de Remiremont, on a emmené trois semi-remorques de vêtements et de médicaments en Pologne. C’était le projet de l’année. On a fait des animations et des spectacles très forts dans les églises pour mener une campagne de sensibilisation et d’affichage pour le don d’organes. C’est ainsi qu’on a pu faire venir Yves Duteil au Palais des Congrès de Remiremont. Il a chanté et parlé du don d’organes devant 1 450 personnes.
EDV : Comment les randonnées marchent-elles ?
SZ : Très bien ! Vous rappelez-vous l’opération “Randonnez votre sang” de 2008 ? Un militant de Charente-Maritime, Jean-Marie Paulin, a fait le chemin de Compostelle depuis la Haute-Saône -1 400 km- pour promouvoir le don du sang. En 2007, il a transporté une flamme symbolique entre les départements jusque Chaumont, siège du congrès régional. L’opération avait été lancée par Christian Poncelet, alors président du Sénat, qui soutient régulièrement l’association. En 23 jours, le marcheur a parcouru 550 km, rallié 27 amicales et recueilli 7 000 promesses de don du sang. Des amicalistes l’ont escorté. Entre Gérard¬mer et Fraize, 40 personnes ont distribué des promesses de don dans les villages. Résultat : on a augmenté de 43% le nombre de donneurs de sang !
Quelques chiffres
Le don du sang, c’est 2 800 associations, 600 000 bénévoles, 1 600 000 donneurs en France. Les besoins en poches de sang ont augmenté de 2,5% entre 2009 et 2010. Du 15 septembre au 23 octobre 2010, les amicalistes - tous bénévoles – ont vendu 7 477 peluches dans les hypermarchés Cora. Cette opération départementale permettra d’acheter un véhicule pour la promotion du don du sang. Contacts :
xxx@xxx.xx
L’Église vit de dons
Pour le diacre Michel Petitdemange, économe diocésain, le mystère chrétiens tourne autour du don. Si Dieu nous invite à Sa table, c’est qu’il a fait don de Sa personne. Les prêtres font le don de leur vie, les laïcs de leur temps, et le denier du culte reste la principale ressource de l’Église. Précisions.
Église dans les Vosges (EDV) : Combien les fidèles donnent-ils à l’Église des Vosges ?
Michel Petitdemange (MP) : L’Église vit essentiellement des dons. Le denier a permis de recueillir 1 700 000 € en 2010. On a enregistré 1 500 donateurs de moins, soit moins 8,5% sur un total de 16 000 donateurs. Il faut y ajouter 2000 donateurs anonymes. La baisse du nombre des donateurs fragilise et hypothèque notre avenir, car nos besoins sont toujours là et même en augmentation.
EDV : Quel est le budget du personnel du diocèse ?
MP : La partie principale est constituée par le financement de la rémunération des prêtres, qui représente 1,1 M € pour le diocèse. Il faut compter 600 000 € pour les laïcs ayant reçu une lettre de mission. Les frais pour la campagne du denier du culte (dépliants, affiches, affranchissement, reçus fiscaux…) sont relativement modestes : 70 000 €.
EDV : Dans l’esprit du public, l’Église est souvent perçue comme riche…
MP : En ce qui concerne le financement général, les résultats de fonctionnement courant sont déficitaires. L’Église accuse un déficit chronique si l’on tient compte des charges habituelles, les frais de personnels et généraux. Elle bénéficie aussi de ressources de caractère aléatoire : legs exceptionnels , produits financiers, ventes immobilières ponctuelles. Elle réduit son parc qui est somme toute assez restreint. On est dans un diocèse qui n’a pas capitalisé beaucoup d’immobilier propre.
EDV : Dans ce contexte particulier, qu’est-ce que les chrétiens peuvent faire faire ?
MP : Le don chrétien est l’un des enjeux de demain. Il faut le refonder, en retrouver et en réexpliquer le sens. On n’est plus à une époque où le denier était le don obligatoire. Même les fidèles ne sont plus dans cette logique. C’est un état de fait. Il est présenté d’une façon négative, obligatoire, sacrificielle, humiliante, comme une sorte d’impôt. Il y a toute une théologie du don à reprendre. Tout le mystère chrétien tourne autour du don, est centré sur lui, sur la création. Le don de la vie n’est pas le fruit du hasard, mais d’une volonté. Qu’on soit vivant, ce n’est pas le fruit d’une conjoncture, d’une conjonction. Et- cela change complètement la relation qu’on a avec le monde, avec les autres.
EDV : Autrement dit ?
MP : La Femme a ce sens de la vie, une force, une intuition, que nul autre ne peut avoir. Pour elle, donner ou non la vie n’est pas le fruit d’un pur hasard, mais un choix, celui d’un couple. Il y a un processus extraordinaire qui est celui du don. Notre humanité s’éveille dans la prise de conscience du don. Ce n’est pas la vie pour la vie, ce qui vaudrait pour les plantes et les animaux. Ce qui nous distingue, c’est la prise de conscience d’un don reçu. Si Dieu nous invite à sa table, c’est qu’Il a fait don de sa personne, de sa vie
A savoir
Le denier finance la rémunération de 200 personnes, dont 125 prêtres. Il assure un revenu décent aux prêtres retraités, l’entretien du patrimoine (480 églises, 40 chapelles) et des investissements nouveaux.