Pastorale des migrants
En ce mois de septembre, sera présenté à l'Assemblée Nationale le projet de loi sur l'immigration proposé par Monsieur Eric Besson, Ministre.
L'État a le devoir d'établir des règles. Dans le domaine de l'immigration, le gouvernement est amené à procéder à la régulation des flux migratoires, prenant en compte le bien commun.
Les responsables politiques ont donc à prendre des décisions difficiles, nous le savons bien. Mais, comme évêques catholiques, nous souhaitons dire ce qui, dans le projet tel qu'il est, questionne notre conscience :
• La famille est la cellule de base de la société. Pour les migrants, elle joue un rôle essentiel dans leur insertion. Il nous faut combattre toute mesure contribuant à l'affaiblir.• Le droit d'asile a toujours été défendu par l'Église. Les mesures qui tendent à diminuer le soutien ou les garanties d'une procédure équitable sont inacceptables.
• L'intervention du juge des libertés est indispensable pour entendre la parole des personnes privées de liberté. Retarder cette intervention ou la limiter dans les lieux de plus grande fragilité contrevient à ce droit, y compris dans le cadre de la rétention administrative.
• L'aide humanitaire aux migrants en difficulté ne doit jamais être confondue avec l'activité délictuelle des « passeurs ».
• Il serait regrettable que notre pays contribue à ce qu'on appelle la « fuite des cerveaux », dont les pays en voie de développement ont le plus grand besoin.
Avec de nombreux chrétiens qui vivent dans les quartiers les plus pauvres, notamment les communautés religieuses, nous savons ce qu'apportent à notre pays de très nombreux migrants, par leur travail, leur énergie et leur honneur.
Nous n'oublions pas les épreuves qu'ils ont dû traverser lors de leur migration.
Nous exprimons également notre reconnaissance et notre soutien à tous ceux qui, personnellement ou en association, se mettent à leur service, dans le désintéressement le plus grand.
Les évêques de la Commission pour la Mission universelle de l'Église (CEMUE)
Mgr François Garnier (Cambrai)
Mgr Raymond Centène (Vannes - Pastorale des Gens du voyage)
Mgr Renaud de Dinechin (Pastorale des Migrants)
Mgr Thierry Jordan (Reims)
Mgr Dominique Rey (Fréjus-Toulon)
Mgr Claude Schockert (Belfort-Montbéliard - Pastorale des Migrants)
Mgr Marc Stenger (Troyes)
Migrant et réfugié : « L’amour du Christ nous presse ! »
« Il y a des jours où notre cœur se soulève et où à dire vrai on n’en peut plus ». Cette phrase de
Mgr Schockert aux journées nationales de la Pastorale des migrants exprime ce que beaucoup
d’entre nous ressentent au quotidien : l’accumulation de souffrances et d’humiliations à l’égard
des demandeurs d’asile, le durcissement des politiques migratoires allant jusqu’à remettre en
question le regroupement familial, les pratiques d’arrestations et de rétention avant expulsion.
Tout ceci nous est insupportable parce qu’indigne d’une société humaine. Dans le même
temps, nous faisons quotidiennement la riche expérience du « vivre ensemble » dans nos
quartiers, nos engagements. C’est pour nous source de bonheur et de reconnaissance
mutuelle. Des pistes concrètes Il se dégage tant d’amitié, de confiance, de complicité avec
les familles, que nous voudrions faire partager à tous cette chance de la rencontre des cultures
et des peuples au plus près du terrain, pour peu que chacun(e) accepte d’ouvrir sa porte et son
cœur pour se risquer à la rencontre de l’autre, si différent et si proche…
La journée mondiale du migrant et du réfugié proposée par l’Eglise catholique pour
le dimanche 18 janvier est l’occasion pour les chrétiens de s’interroger sur leur implication
personnelle et sociale à l’égard de ces frères et sœurs d’autres pays venus chercher parmi
nous protection et amitié. Elle peut se décliner de diverses manières, de façon très concrète, au
plan le plus local possible :
— Invitation au dialogue dans nos communautés ou sur nos quartiers en faisant témoigner un
travailleur migrant, un réfugié, un militant des droits de l’homme…
— Appel à rejoindre les Cercles de silence mensuels à Epinal (gare) et à St-Dié (mairie)
chaque 3è vendredi du mois de 18h à 19h en solidarité avec les étrangers sans papiers.
— Signalisation de jeunes adultes issus de l’immigration, célibataires ou en couple,
chrétiens ou/et musulmans en vue d’une rencontre prévue à Nomexy le 18 janvier
de 10h à 15h : « Jeune de tout pays, partage tes trésors ! ».
— Proposition d’animation liturgique et de relecture à partir de l’itinéraire - itinérance
de St-Paul : « Vivre sa foi au cœur de la migration ».
— Divers parcours de formation, notamment avec les « Relais monde musulman » :
Connaissance de l’Islam, rencontre avec des partenaires au plan
régional ou national, à travers des sessions de printemps ou d’été.
Bien des choses se vivent déjà depuis longtemps dans nos différents mouvements,
aumôneries, paroisses : Elles ne demandent qu’à être reliées et encouragées.
N’hésitez pas à vous signaler ou à faire appel à l’un(e) ou l’autre d’entre nous pour concrétiser
un projet ou mettre en œuvre toute forme d’initiative.
A votre disposition dans le diocèse :
Marie-José Gomes Tél. XX.XX.XX.XX.XX et Jean-Louis Didelot Tél.XX.XX.XX.XX.XX
La Déclaration sur les migrations du Conseil d’Eglises Chrétiennes de France rappelle des principes fondamentaux sur cette question difficile. Elle souligne que le phénomène des migrations est révélateur des inégalités persistantes entre Nord et Sud ; elle rappelle que les personnes sans papiers ne sont pas sans droit, concernant la vie en famille, l’accès aux soins et la scolarisation des enfants ; elle attire l’attention sur des mesures d’arrestation, de rétention et d’expulsion, choquantes surtout quand elles touchent des familles, des enfants.
Certes, il est de la responsabilité des Etats et des responsables politiques, de définir une politique de l’immigration, car l’accueil des étrangers ne peut être sans limite, si on veut que cet accueil soit convenable et respectueux des personnes et de leur culture.
Tout récemment, l’Europe a été amenée à définir une politique commune plus contraignante par exemple en ce qui concerne la durée de rétention administrative ; notre pays, comme l’Europe ne risquent-ils pas de s’écarter des valeurs de respect de la dignité de chaque personne, en se concentrant d’abord sur l’économique ?
Depuis longtemps, les Eglises tirent le signal d’alerte sur ce phénomène central de la mondialisation. L’Église catholique a publié en mai 2004 un document approuvé par Jean-Paul II , «La Charité du Christ envers les Migrants». Le Conseil Pontifical pour les migrants a tenu une séance en mai dernier, où il évoque les conséquences des migrations sur les familles : à commencer par le risque de désagrégation de la cellule familiale. «Nous ne soulignerons jamais assez le fait que les migrants sont des personnes qui jouissent d’une dignité humaine inaliénable». Et il appelle à la formation des chrétiens sur ce sujet (*).
Une communauté franciscaine de Toulouse a développé des «Cercles de Silence», manifestations de silence et de prière, pour dénoncer la condition des personnes étrangères en situation irrégulière. Parce que la question des sans-papiers et de leur expulsion se pose aussi dans les Vosges, un tel Cercle est né voici quelques semaines à Epinal dans le but de protester contre les conséquences humaines de démarches d’expulsion. À ce Cercle participaient chrétiens et non-chrétiens. Ne faut-il pas prêter l’oreille à ces signaux d’alerte, à une époque où les difficultés socio-économiques demeurent et risquent de nous faire oublier les difficultés propres aux sans-papiers ?
Je conclurai avec Mgr Vingt-Trois, à l’ouverture de l’Assemblée de Lourdes du 1er avril : « Une personne qui ne réunit pas les conditions d’accueil sur notre territoire ne cesse pas pour autant d’être une personne humaine, un homme, une femme, un enfant, que l’on doit respecter et traiter avec dignité. Une personne ne peut pas être détenue dans des conditions inhumaines. L’Église se félicite que de nombreux catholiques soient engagés sur ce front de la solidarité. Elle encourage les fonctionnaires et membres des forces de l’ordre qui exécutent leur mission en respectant les personnes concernées. Elle appelle les communautés locales à réfléchir et à agir pour venir en aide à ceux qui ont mis leur espoir, leur ultime espoir, dans le risque de l’immigration. Elle soutient les femmes et les hommes politiques dans leur implication pour cette cause, même si elle n’est pas très rentable électoralement. »
+ Jean-Paul MATHIEU
(*) Parmi les organismes de formation, les Jésuites du CERAS annoncent pour les 9 à 12 janvier 2009 : « Migrants dans la mondialisation ».