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Homélie de la messe chrismale par Mgr Mathieu

Comment être témoins du Christ
si nous ne sommes pas ses disciples ?

La Messe chrismale le mardi saint 18 mars à Vittel, m'a donné l'occasion d'insister sur l'importance d'une vie spirituelle solide aujourd'hui, chez les baptisés, en particulier les prêtres et les diacres auxquels je m'adressais particulièrement.

Tout part du Christ et de sa mission

Le Père a envoyé son Fils dans le monde, pour réaliser son dessein de rassembler en lui toute l'humanité, en vue d'une adoption filiale avec le Fils unique. L'Église est chargée de réaliser dans le Christ «l'union intime avec Dieu et l'unité de tout le genre humain» (Constitution sur l'Église, n°1). La mission du Fils est la nôtre. La mission du Christ est de ramener les hommes dans l'intimité de Dieu et dans la communion entre eux : message de salut et d'amour tout à la fois, mais aussi programme immense ! Nous en sommes les destinataires et nous devenons à notre tour les témoins. Nous sommes tous appelés à l'intimité de Dieu, car le baptême fait de nous les enfants bien-aimés du Père. Et nous sommes envoyés pour le faire savoir autour de nous et à ce monde-ci. La mission du Fils est la nôtre. Il faut même aller plus loin. St Paul l'a dit magnifiquement : «Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi». Tous, de par notre baptême, d'abord. Et tous dans la diversité des ministères : ministère ordonné de l'évêque, des prêtres et des diacres, et responsabilités multiples exercées par des laïcs dans l'Église, et témoignage de la vie consacrée. Cela suppose une réelle familiarité avec le Christ, avec la prière et la Parole de Dieu. C'est dans l'écoute de la Parole de Dieu que tous les baptisés puisent la force de vivre l'Évangile. Par leur vie et leur témoignage, les baptisés manifestent le Christ qui révèle l'amour du Père au cœur du monde et du Royaume de Dieu en gestation.

La Parole de Dieu, au cœur de nos vies

Comment pourrions-nous être témoins du Christ si nous ne sommes pas ses «disciples», à l'écoute de sa Parole ? La nécessité d'une vie spirituelle bien ancrée dans le Christ, m'est apparue avec plus d'évidence depuis que j'ai été ordonné évêque. Par nous-mêmes, de quoi nous sommes capables ? Devant la tâche à accomplir et les défis à relever, j'ai plus que jamais conscience de mes limites ! J'ai cependant pressenti, plus d'une fois, que quelqu'un d'Autre était à l'œuvre dans notre action pastorale ! Tout en restant conscient de mes faiblesses ou mes peurs, si je laisse travailler Celui qui a bien voulu se servir de nous, alors quelque chose du Royaume de Dieu advient… «Ma grâce te suffit !» dit encore St Paul : c'est vrai et c'est alors le moment de rendre grâces. Dieu veuille que cela arrive plus souvent ! La Parole de Dieu doit être le cœur de ma vie spirituelle, si je prends le temps de la méditer. Elle est aussi à l'œuvre dans mes frères prêtres, diacres et laïcs, et de bien des personnes rencontrées, si je sais les écouter.

Devenir disciples

Le Christ est la source de notre ministère ordonné et des sacrements par lesquels notre ministère prend forme et donne forme à l'Église. Prêtres et évêque sont chargés de réaliser l'œuvre du Christ, de réunir les membres de son Corps toujours en croissance. Nous ne pouvons exercer la mission de communion et d'amour, que si nous sommes habités par le Christ, auquel tous nos frères dans leur diversité appartiennent. Devenir disciples du Christ-Tête, pour rassembler inlassablement les membres du Corps. Diacres, vous êtes chargés de permettre à toute l'Église d'être servante et de témoigner de la tendresse de Dieu pour les pauvres, les petits, et pour ceux qui l'ignorent : cela suppose que vous soyez disciples du Christ-Serviteur, par l'écoute de sa Parole et la vie eucharistique. Laissons-nous habiter par l'Esprit du Christ pour Lui ressembler et renouveler constamment notre lien avec le Christ… La vie spirituelle n'est jamais acquise une fois pour toutes, elle doit toujours se nourrir.

La Parole partagée

C'est un peu une redécouverte : Vatican II a mis en lumière comment « le Père qui est aux cieux s'avance de façon très aimante à la rencontre de ses fils, et engage conversation avec eux. Une si grande force, une si grande puissance se trouve dans la Parole de Dieu, qu'elle se présente comme le soutien et la vigueur de l'Église, et, pour les fils de l'Église, comme la solidité de la foi, la source pure et intarissable de la vie spirituelle » (La Révélation, n° 21). Lors d'un récent temps fort spirituel avec des laïcs, j'ai perçu les fruits du partage de la Parole de Dieu. La méthode était simple : accueillir en silence la Parole de Dieu, permettre à chacun de dire simplement ce qui le touche dans cette Parole, dire ensuite ce qui le frappe dans l'écho de cette même Parole chez les autres, avant d'en faire librement, une prière. Un tel partage de la Parole de Dieu nourrit l'Église. Les laïcs disaient leur joie d'avoir participé à ce partage : ils ne sont pas les seuls ! Beaucoup attendent… Ainsi, des animateurs en pastorale aiment participer à des temps forts spirituels. Ainsi des responsables de mouvements, adultes et jeunes, manifestent eux aussi une réelle attente spirituelle. Et combien de contemporains se tournent vers des spiritualités de pacotille…

Une tâche actuelle

Cette attente spirituelle est un signe : il nous faut constamment revenir à la Source qui est le Christ ! Prêtres et diacres ne peuvent être en reste. Notre vie spirituelle de ministres ordonnés se nourrit de notre relation au Christ et à sa Parole, lue, méditée et priée. Relation avec le Christ, qui devient conversation familière avec Dieu, qui veut faire de nous «ses amis». Avec les religieux et religieuses, eux-mêmes nourris de la Parole de Dieu, et avec des laïcs qui en ont déjà fait l'expérience, il nous revient d'entraîner nos frères baptisés dans cette redécouverte de la Parole de Dieu dont le rassemblement Ecclesia 2007 a redit l'importance pour toute l'Église en Catéchèse. Certes, il faut bien « tirer des plans », élaborer des projets. Pour le Projet diocésain, Dieu sait si nous dépensons de l'énergie ! Je l'assume et je compte sur tous pour le mener à bien ! Mais nous n'irons pas bien loin, si nous ne sommes pas vigilants sur notre vie spirituelle. Si notre prière s'essouffle, si nous délaissons l'écoute de la Parole de Dieu, nous sommes conduits à vivre de nos acquis, et bientôt réduits à nos seules forces…

Se donner des moyens

Notre ministère et notre vie spirituelle se nourrissent de la confrontation de la Parole de Dieu avec l'expérience pastorale quotidienne. Entre frères, relire notre action pastorale à la lumière de la Parole de Dieu : c'est ainsi que notre presbyterium en lien avec les diacres, assure sa cohésion au service de l'unique Église du Christ. Encore faut-il prendre les moyens : se donner du temps, des lieux, des rencontres fraternelles où nous pouvons prier, accueillir la Parole de Dieu ; partager sur ce qui fait notre bonheur de vivre et de croire, partager sur nos soucis et difficultés ; et bien sûr, échanger sur la façon d'annoncer l'Évangile dans ce monde si changeant ! Soyons-en sûrs, si nous restons ancrés dans la Parole du Christ Jésus, nous connaîtrons la Joie spirituelle, celle de Jean-Baptiste, celle de l'ami de l'époux, heureux d'entendre la voix de l'époux et d'amener les autres à la connaissance du Christ, dans l'intimité de Dieu et dans la fraternité.

Jeudi Saint 2008. + Jean-Paul Mathieu

Publié le 23/05/2008 par VOIRIN Antoine - nddchenes.