Sainte du Saint-Mont
Avec Sainte Claire, nous abordons une physionomie originale. Mystérieuse et sympathique, elle n'a cessé d'intéresser les historiens de Remiremont, les intriguant souvent, les déroutant parfois, dans la confusion de ses multiples noms, des différentes dates où se célébrait sa fête.
Depuis la découverte de l'abbé Didierlaurent, nul ne conteste plus que Sainte Claire soit un personnage historique. Sur la liste de l'Angelica, elle figure bel et bien comme la troisième abbesse du Saint-Mont, précédant immédiatement Sainte Gébétrude.
Comme pour cette dernière, on se trouve, suivant les textes, en présence de plusieurs noms qui la désignent tout à tour. Sigoberge, son nom, bien mérovingien, de baptême, apparaît comme le plus ancien, dans la liste de l'Angelica. Par la suite on trouve Cécile et Claire, double nom présentant par antithèse une curieuse affinité. Ce jeu de mots se réfère à ses miracles, et à son culte : nous l'expliquerons plus loin.
Si l'existence de Sainte Claire est parfaitement admise, on ne sait pratiquement rien de ses origines ni de sa vie, le manuscrit de l'Angelica ne comportant ni date, ni référence aucune à la chronologie reçue pour Saint Romary et Saint Amé.
Toutefois par déduction tirée de ladite liste, on pense que Sainte Claire fut élue abbesse, jeune encore, aux environs de la trentaine, succédant à Erkentrude, deuxième abbesse, et qu'elle mourut en 653. Nous estimons inutile et vain d'en dire davantage. Les pieux auteurs, qui se sont mis en devoir de nous conter sa vie, n'ont fait que compiler légendes impersonnelles et lieux-communs édifiants. A cet égard, Sainte Claire n'aura même pas eu la mince chance de Sainte Gebétrude d'être citée épisodiquement par un témoin sérieux.
Ce contraste entre la certitude qu'un personnage a existé et l'ignorance absolue de ses faits et gestes risque de nous dérouter un peu, lorsqu'il s'agit des Saints. Mais n'est-ce pas cela précisément qui nous les rend sympathiques et les fait si proches du commun des mortels ? Par contre la survie, l'activité posthume de Sainte Claire sont amplement établies grâce aux miracles de bienfaisance qui n'ont cessé de fleurir sur sa tombe. C'est en somme la voix du peuple qui la situe dans l'Histoire et qui, dans une certaine mesure, l'a tirée de l'oubli et introduite dans le Sanctoral.
Sans doute ne figure-t-elle pas, avons-nous dit, au catalogue officiel qu'est le Martyrologe romain. Mais elle est mentionnée en plusieurs autres, à des dates d'ailleurs différentes ; le 12 août dans le Martyrologe de France des Petits Bollandistes : « A Remiremont, la bienheureuse Cécile, appelée aussi Claire, abbesse du monastère de ce lieu, VIIe siècle ». De même dans Chastelain : le 28 janvier, dans le Ménologe bénédictin, le 29 mars dans Artus du Moustier, etc. Le propre du Chapitre de Remiremont, imprimé en 1647 avec approbation épiscopale, annonce ainsi la fête de Sainte Claire : « Mense Augusto, 12. Sanctæ Cæciliae, seu Claræ, seu Claræ Habendensis, Virginis. — Duplex secundæ classis ; commemoratio de Sancta Clara Assisiensi Virgine. »
Ce texte latin, aisément intelligible, appelle deux remarques permettant de faire le point à la fois sur le double nom et sur la coïncidence avec Sainte Claire d'Assise ; autrement dit, nous sommes ici en présence de deux noms pour qualifier une seule Sainte et d'une seule fête pour célébrer deux Saintes bien différentes.
« Sainte Cécile ou Claire du Mont Habend (Saint-Mont). » Il convient d'observer d'abord que le nom d'origine, d'état civil, dirions-nous, Sigoberge, a disparu et que Cécile et Claire sont des noms posthumes, constamment employés dans les textes qui ont trait au culte de notre Sainte et à ses nombreux miracles.
Cécile, plus ancien évoque étymologiquement l'idée de cécité. Ce nom lui fut en effet donné en vertu d'une tradition purement légendaire. Étant abbesse, elle aimait se retirer dans la chapelle de la Sainte Croix, une des sept élevées autour du monastère du Saint-Mont pour la célébration de la « laus perennis ». A force de méditer et de pleurer, parfois des nuits entières, sur la Passion de Notre-Seigneur, elle en vint à perdre la vue.
Par la suite, et nous citons ici « La Vie de Sainte Claire » publiée à Remiremont en 1749, « on donna à Cécile le nom de Claire par allusion, en raison du grand pouvoir que Dieu lui avait accordé d'éclairer les aveugles et de guérir les maux d'yeux ; c'est sous ce nom qu'elle est particulièrement connue et invoquée ».
L'abbé Didierlaurent, traitant de ces deux vocables successifs, note avec justesse : « Le pouvoir spécial et éclatant de cette Sainte sur les maladies ophtalmiques et en faveur des « malvoyants » aura induit les témoins de ces merveilles à l'ingénieuse antithèse présentée par les termes de Cécile et Claire.»
Nous ne serions pas étonné que cette substitution se fût effectuée très tard (plusieurs siècles après la mort de Sigoberge), mais avant la canonisation de Sainte Claire d'Assise, qui eut lieu en 1255. Et l'on n'aurait trouvé rien de mieux, à défaut de documents plus précis, que de placer la fête de Sainte Claire du Saint-Mont le jour même où l'Église honore, le 12 août, l'illustre compatriote de Saint François d'Assise.
Ainsi donc, en bonne et due forme, rappelons-le, notre Sainte prit le pas sur celle dont elle portait déjà le nom, ce qui, dans la liturgie du Chapitre, réduisit la fête de celle-ci à une simple commémoraison. Outre que Sainte Claire du Saint-Mont avait eu en l'occurrence une sorte de droit d'aînesse, il ne déplaisait point à ces Dames, toujours fières de leurs origines, de renouer les liens qui les rattachaient au Saint-Mont, en fêtant leur troisième abbesse la veille du jour où elles assistaient à la traditionnelle « Messe piteuse ».
Qu'on ne s'étonne pas de ce genre « surenchère » liturgique, parfaitement admise de nos jours encore. Dans notre propre diocésain, par exemple, Saint Romary, le 10 décembre, prend le pas sur le Pape Saint Melchiade, pourtant de trois siècles son aîné.
Autre date curieuse : la fête de Sainte Claire se faisait également au Saint-Mont, mais le 28 janvier, à la diligence des Bénédictins, qui au XIe siècle y avaient succédé aux Colombanistes des premiers temps. Il semble que ces savants religieux, disposant alors de documents que nous n'avons plus, tenaient ce 28 janvier pour le jour de la mort, « dies natalis », de Sainte-Claire. Toujours est-il qu'ils évitaient ainsi la coïncidence, dans leur calendrier, de Sainte Claire d'Assise, qui allait intervenir au XIIIe siècle.
Ayant tenté de faire la lumière sur cette affaire complexe des noms et des fêtes de Sainte Claire, remontons dans le temps et gravissons les pentes du Saint-Mont pour y retrouver sa tombe. Car ne sachant rien de sa vie, c'est à présent que nous allons trouver du nouveau, presque du merveilleux.
Inhumé dans l'église du sommet, comme pour toutes abbesses, son corps était resté à la garde des Religieux, qui avaient pris là-haut la relève de la louange divine, après l'installation des Religieuses dans la vallée. Alors que les « Corps Saints » étaient en grande vénération en l'église de Remiremont, celui de Sainte Claire, apparemment laissé pour compte lors de la translation en 917 des restes de Sainte Gébétrude sa cadette, demeurait comme en faction au sommet de la montagne. Ce témoignage de présence silencieuse et bienfaisante que Sainte Claire devait ainsi donner dans l'histoire du Saint-Mont jusqu'en 1790, n'est pas le moindre des attraits qui s'attachent à sa mémoire. Et ne serait-on pas tenté de voir en elle, par excellence, la Sainte du Saint-Mont ?
En gage de leur vénération, et peut-être aussi en gens avisés, les Religieux relevèrent les restes de Saint-Claire, aux environs de l'an mil pour les déposer dans une chapelle spécialement édifiée en son honneur. Elle s'élevait en contrebas du sommet, à proximité d'une source. Les précieux ossements furent placés dans un sarcophage en pierre, entouré d'une grille de protection, car nous assistons ici à l'extension du pèlerinage curatif, déjà signalé et qui allait faire, pour des siècles, la gloire de Sainte Claire. Depuis sa mort, en effet, aveugles et malades souffrant des yeux fréquentaient sa tombe et leur dévotion n'allait pas sans troubler la vie du monastère.
Avec l'érection de cette nouvelle chapelle, qu'on devra du reste agrandir au XIIe siècle, le mouvement incessant des pèlerins se développe désormais plus à l'aise sur les pentes de la montagne, auprès de la fontaine, le Puits Sainte-Claire, où ils se baignaient les yeux. Il n'y avait pas alors de Bureau des constatations, comme à Lourdes aujourd'hui ; nous savons cependant par des chroniques que le pèlerinage fut très fréquenté et les miracles nombreux, tout au long du Moyen Age.
Grâce à ce ministère de charité, Sainte Claire trouva, surtout auprès des humbles fidèles, une large compensation à la « mésaventure » qui aurait pu porter préjudice à sa mémoire. En effet, il ne fut point question d'elle dans la requête adressée en 1049, par l'abbesse Oda de Remiremont à Saint Léon IX et qui, nous le savons, devait aboutir à la « canonisation » de Sainte Gébétrude.
Tandis que les Corps Saints étaient, en l'église de Remiremont, l'objet d'une grande vénération, le pèlerinage sur la tombe de Sainte Claire au Saint-Mont gardait, de son côté, toute la faveur populaire, en raison surtout de ses vertus curatives.
Sans prendre le moindre ombrage de ce dualisme, le Chapitre ne demeurait pas étranger au culte de Sainte Claire, semblant même regretter ce délaissement officiel, pratiqué à l'égard d'une sainte qui jouissait d'un tel crédit auprès de Dieu.
C'est ce qui allait déterminer la décision de Catherine de Lorraine.
Parmi toutes les entreprises de cette maîtresse femme, la plus grande peut-être des abbesses de Remiremont, il nous plaît de retenir son intervention en faveur de Sainte Claire.
Lors d'une visite à Remiremont de l'évêque de Toul, Mgr Jean des Porcelets de Maillane (1607-1624), Catherine de Lorraine le pria de bien vouloir procéder canoniquement au relèvement des reliques de Sainte Claire. Outre qu'il avait l'Abbesse en grande estime, l'évêque de Toul accepta volontiers d'obliger ainsi la fille de son souverain, Charles III de Lorraine. La date de l'événement n'est pas connue avec exactitude ; la relation, par contre, est prolixe de détails sur l'ampleur de la cérémonie.
Au milieu d'un concours immense de fidèles, l'Évêque gravit les pentes du Saint-Mont, fit ouvrir le sarcophage de pierre et, relevant les ossements, les plaça dans une double châsse ; coffret recouvert de lames d'argent et enfermé dans un reliquaire en bois doré. Celui-ci fut ensuite conduit solennellement de la chapelle Sainte-Claire à l'église du sommet pour y être placé, cette fois, sur un autel.
Craignant d'être à l'avenir dépossédés, les Religieux revendiquèrent aussitôt le droit de garder ce trésor et obtinrent « une excommunication » majeure contre ceux ou celles qui entreprendraient d'enlever les saintes reliques ». Grâce à quoi, Sainte Claire ne devait pas quitter le Saint-Mont jusqu'en 1790. Une exception toutefois.
Lors de l'entrée en Lorraine des troupes françaises en 1672, les religieux crurent prudent de mettre la châsse à l'abri et la transportèrent à l'abbaye bénédictine de Munster, en Alsace. Le retour donna lieu à une procession triomphale « en grande pompe, avec un convoi merveilleux de MM. les curés et des peuples de Gérardmer, La Bresse, Saulxures et Vagney et autres lieux circonvoisins.
L'initiative de Catherine ayant eu pour effet d'authentifier ces reliques et de rendre public le culte de Sainte Claire, le pèlerinage prit un nouvel essor. Les miracles, désormais datés et circonstanciés avec soin, firent tant de bruit, notamment en 1630 celui de Mme de Couvonge, chanoinesse de Remiremont, qu'il y eut une enquête pour les vérifier.
Dans le même temps, le Chapitre, à son tour, voulut avoir des reliques de Sainte Claire. Avec l'accord des religieux, on en préleva au Saint-Mont et la Doyenne, Mme de Stainville, offrit le 20 octobre 1642 « une châsse en argent fort bien travaillée, à la moderne » .
La fête annuelle, avons-nous dit, se faisait au Saint-Mont le 28 janvier, échéance qui, à cette époque de l'année, n'allait pas sans graves inconvénients. Aussi les Religieux entreprirent-ils des démarches pour obtenir de transférer la fête au premier dimanche d'août. La requête était motivée : « Pour faciliter la dévotion que les peuples ont à cette Sainte et qu'ils ne peuvent satisfaire à cause des neiges qui couvrent la montagne au mois de janvier ».
Pour marquer cette heureuse innovation, Dom Jérôme Gillet, le prieur, fit composer un office de Sainte Claire et le chapitre général des Bénédictins, tenu à Saint Mihiel, le 9 mars 1737, en autorisa l'usage au Saint-Mont.
Pour faciliter la vénération, lors des pèlerinages, les Religieux firent sculpter un reliquaire portatif en bois doré. Traditionnel à cette époque, il a la forme d'un bras et contient une relique derrière un cabochon de verre. L'abbé Didelot (1737-1825) le mentionne dans son ouvrage sur Remiremont. Cet intéressant objet échappa à la destruction et on peut toujours le voir. C'est une des plus sûres reliques, que nous possédions aujourd'hui de la Sainte Abbesse.
Un simple épisode de l'histoire monumentale du Saint-Mont montre à quel point le culte de Sainte Claire restait populaire aux approches de la Révolution. A l'occasion d'un pèlerinage, en 1767, une bande de garnements s'est glissée parmi la foule et livrée à des désordres, dans les chapelles désaffectées qui entouraient le monastère. A la suite d'une enquête, Mgr Bégon, Evêque de Toul, constatant « les abominations qui s'y étaient commises, ordonnait la démolition de ces chapelles, écueils de la vertu, de l'honneur et des mœurs » à l'exception de la chapelle où Sainte Claire avait reposé pendant sept siècles.
Vinrent les sinistres journées, qui devaient détruire de fond en comble tous les bâtiments du Saint-Mont, ce dont l'abbé Didelot fut le témoin affligé. La chapelle Sainte-Claire disparut comme tout le reste. Seule la source survécut au désastre ; elle coule toujours dans la forêt, témoin silencieux de l'action bienfaisante de notre Sainte.
On y revient encore s'y laver les yeux au cours du XIXe siècle et une chapelle fut alors reconstruite, au bas de la pente, près de la ferme dite de Saint Romary. Modeste édicule sans caractère, où l'on a recueilli la statue décrite plus loin et au pied de laquelle le pèlerinage se maintient fidèlement le 12 août.
Quant aux reliques, la piété des fidèles réussit, tant bien que mal, à les sauvegarder en partie, lors de la réquisition de la châsse, recherchée par les patriotes pour ses garnitures en argent. Les restes qu'on a pu sauver ont été rassemblés, pour être exposés, après la tourmente, sur l'autel majeur de Remiremont, aux côtés de ceux des Saints Romary, Amé, Adelphe et de Sainte Gebétrude. Tous les Saints du Saint-Mont enfin regroupés, subirent ensemble les tribulations dues à l'incendie de 1886. Mais une fois de plus, on refit de nouvelles châsses en bois doré et celle de Sainte Claire fut offerte par deux Romarimontains, Charles de Bruyères et sa sœur Alexandrine. Elle figure aujourd'hui dans l'alvéole surmontant le portique de gauche.
On connaît un certain nombre de lieux de culte, dédiés à Sainte Claire à des dates parfois imprécises, dans l'orbite du Saint-Mont. Ainsi Rupt-sur-Moselle eut sa chapelle, sur ce ban de Longchamp qui dépendait du Chapitre. Elle a disparu comme tant d'autres, dont on retrouve des allusions à Saint-Amé, Saulxures et Ventron.
Il est intéressant de relever une extension dans le val de Galilée. En 1770, Nicolas Noël édifie à Québrux, près de Ban-de-Laveline, une chapelle à Sainte Claire, en vertu d'une promesse qu'il avait faite, s'il recouvrait la vue. L'oratoire existe toujours, bien qu'ayant changé de vocable : Notre-Dame de Pitié, invoquée en faveur des agonisants ; le petit cimetière avoisinant reçut les corps des chasseurs alpins, tombés en 1914-1918 sur la crête du Violu. A la chapelle Sainte-Claire de Charémont, à Frapelle, se fait le pèlerinage traditionnel du 12 août. — Une fontaine à Vioménil porte le nom de Sainte-Claire. Fut-elle jadis considérée comme une succursale, une résurgence miraculeuse du célèbre puits du Saint-Mont ?
Lorsqu'en 1867 fut érigée la nouvelle paroisse de Julienrupt, les habitants, avec l'accord de Mgr Caverot, furent unanimes à choisir Sainte Claire pour leur patronne. L'église qu'ils lui édifièrent se trouve être la seule du diocèse à l'avoir comme titulaire, ce que constitue le plus récent témoignage officiel d'une sainteté que d'aucuns avaient parfois mise en doute.
Voici qui est le plus surprenant. Sur un domaine donné au Saint-Mont par Charlemagne, à Marloux, près de Châlon-sur-Saône, les Dames de Remiremont avaient créé au XIIe siècle un hôtel-Dieu, dont la chapelle avait Saint Claire comme titulaire et le pèlerinage s'y faisait fidèlement le 12 août. En reconnaissance de quoi, Mgr Caverot offrit des reliques à Notre-Dame de Marloux, le 22 juillet 1872.
Le gage de ce culte séculaire voué à Sainte Claire se retrouve particulièrement expressif dans son iconographie.
Alors que Sainte Gébétrude ne figure que dans des oeuvres récentes (vitrail de Saint-Etienne et de Remiremont) ou sous le nom de Gertrude dans la fresque de Monchablon (1885) à la chapelle d'Hennezel, Sainte Claire compte à son actif de multiples et intéressantes représentations. Citons d'abord, pour mémoire, celles qui ont hélas ! disparu. Dom Gesnel, dernier prieur du Saint-Mont, décrit la belle statue exécutée en 1643, en argent massif, tenant de la gauche la crosse abbatiale et de la droite un œil. L'abbé L'Hôte en 1897 signale, dans la plupart des églises et chapelles du ban de Remiremont, des statuettes d'art populaire, dont on ne trouve plus guère de traces aujourd'hui.
Les différentes représentations subsistant encore ont été naguère étudiées par M. Bernard Puton, notamment celles de sa collection.
La plus belle statue est incontestablement celle de la chapelle de Saint-Etienne, au pied du Saint-Mont, en pierre polychromée du XVIIe siècle (1,14m). La Sainte en Bénedictine tient d'une main le livre sur lequel est gravé un œil, de l'autre une sorte de flacon, allusion à la source miraculeuse. A Dommartin, deux pièces du XVIIIe : au presbytère, statue de bois peint ; Sainte Claire est en religieuse, avec croix appendue à un ruban ; le buste repose sur un coffret contenant une relique donnée avant la Révolution, dans une élégante cassette ornée d'un médaillon de Saint Laurent, patron de la paroisse.
L'église de Rupt-sur-Moselle, possède une fort belle statue en pierre (1,03 m), classée M.H. du XVIIe siècle. C'est une abbesse portant la crosse et le livre. La tradition locale en fait une « Sainte Walda », personnage inconnu, dont nous n'avons trouvé la mention nulle part. Il y a de fortes chances que ce soit une Sainte Claire provenant de l'ancienne chapelle.
Une remarquable pièce qui a son histoire, c'est le bras-reliquaire de l'Hôpital Sainte-Béatrice de Remiremont. On le dirait imité directement de la statue d'argent, décrite par Dom Gesnel : il s'agit d'un bras dont la main droite présente un globe oculaire avec l'œil ouvert.
On connaît de Sainte Claire plusieurs gravures anciennes, qui reflètent curieusement les légendes ou confusions déjà signalées. L'une figure dans un calendrier bénédictin, imprimé à Augsbourg (Bavière) en 1675 : en abbesse agenouillée avec la crosse ; à ses pieds, la couronne des leudes austrasiens, puisqu'on la croyait alors fille de Saint Romary. A noter que la même légende persiste dans un tableau de la collection Puton représentant la Sainte agenouillée avec son père devant la Vierge. Une autre gravure illustre les Kyriolés qui se chantaient au XVIIe siècle aux fêtes de Remiremont. La crosse et l'œil y figurent, mais on lui voit aussi la cordelière franciscaine et l'ostensoir, qui est, depuis le XIIIe siècle, l'attribut de Sainte Claire d'Assise.
Signalons enfin que Sainte Claire figure dans trois vitraux récents : à Remiremont (transept sud), à Saint-Etienne, à Dommartin, ici encore en Clarisse ; au chœur de Julienrupt, très belle composition d'après-guerre de Max Ingrand.
Toutes ces localisations géographiques citées à propos du culte et de l'iconographie de Sainte Claire semblent confirmer très bien ce qu'écrivait en 1630 le prieur Dom Ignace Philbert dans la poétique biographie intitulée « La sacrée Colombe bénédictine ». Douce colombe, en effet, qui n'a cessé de planer au-dessus du Saint-Mont !