Le Père Jean Deschaseaux a participé aux dernières semaines sociales de France consacrées à la Démocratie. Il nous propose ici son regard sur ces journées d'échange autour d'un sujet d’actualité en ces périodes électorales.
Ce furent plus d’une vingtaine de conférenciers qui se succédèrent durant ces trois journées de réflexion et d’analyses. Il est possible de les consulter sur le site des «ssf-fr.org ». Pour ma part, j’aimerais vous livrer quelques bribes des messages qui m’ont interpellé.
C’est Loïc BLONDIAUX, professeur en sociologie politique, à la Sorbonne, qui nous a rappelé que Tocqueville, politique du 19° siècle, disait ceci : « Le sommeil du citoyen engendre des monstres politiques ».Je ne dirais pas que nous avons des politiques de ce type, mais des politiques qui ne sont plus en phase avec le peuple, et qui , de plus, ne font pas le poids face au monde de la finance et de l’économie. Par contre, le citoyen s’est endormi au profit de l’individu. Autrement dit, l’individu a rempli le champ de la démocratie en réclamant pour lui, alors que le citoyen défendait le bien commun. C’est la victoire des droits de l’homme sur les droits du citoyen. Et le « populisme » social, identitaire, cet « entre-nous » qui exclut l’autre, le différent, en est une manifestation.
Un autre conférencier allait dans le même sens, il s’agit de Robert ROCHEFORT, sociologue et député européen, quand il disait que « nous consommions de la démocratie en réclamant pour nous » .
Et Véronique DAVIENNE d’A.T.D. Quart Monde, de se demander : « Qui partage avec Qui ? Qu’est-ce qu’on partage ? A cette heure, il n’existe aucun partenariat avec les pauvres.»
C’est un fait que l’assistanat est de plus en plus répandu. C’est sans doute un passage obligé. A quand une véritable autonomie de tous ceux dont on a fait des assistés, pour mieux les gérer, peut-être ? C’est à propos de cette population qu’est revenue l’expression « suffrage censitaire », dixit le philosophe Jean-Luc MARION, un système dans lequel le droit de vote est réservé aux contribuables versant un montant minimal d’impôts. A la différence qu’aujourd’hui ce sont ceux qui n’ont pas d’argent qui s’excluent eux-mêmes de ce devoir de voter. Car ils sont non seulement désargentés, mais désocialisés.
Malgré tout cela, il reste un bon fond de démocratie, grâce aux corps intermédiaires, comme nous l’a rappelé Jean-Paul DELEVOYE, président du conseil économique et social, En effet, les syndicats et les associations très nombreuses, restent des lieux de dialogue et de confrontation d’idées. C’est sans doute à cause de leur présence importante parmi les 3000 participants qu’ont pu fonctionner les 200 groupes d’une douzaine de personnes, qui se sont essayés à « un exercice de démocratie », le samedi après-midi. Ainsi pendant deux heures, nous avons tenté de délibérer à partir d’un thème donné. Et délibérer, c’est d’abord écouter l’autre, le différent, pour, avec lui, trouver un consensus, un juste équilibre entre des extrêmes , voire des opposés.
C’est ce que nous sommes invités à pratiquer en ces temps de pré-élections. Prenons le temps de nous asseoir autour de la table des négociations, avec toutes nos composantes et différences, et écoutons ce qui nous sépare pour mieux affronter demain, ensemble.
La démocratie, ce n’est pas camp contre camp, c’est désirer dépasser.
Jean Deschaseaux
N.B. La prochaine session des Semaines sociales de France aura lieu les 23,24,25 novembre 2012, au parc floral de Paris, sur le thème « Hommes et Femmes dans la société », avec la participation active de l’Action Catholique des Femmes.