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L’emploi pour sacerdoce

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Fils d’un marchand de bois et de charbon de Rouvres-en-Xaintois, le Mirecurtien Jacques Cablé a construit une holding qui s’est étendue sur plus de vingt pays et qui a toujours pignon sur rue aux Champs-Elysées. Son souci à 76 ans : transmettre aux jeunes l’envie d’entreprendre.

Il sourit quand il évoque les splendeurs du Yemen, l’un des pays du Moyen-Orient “à risque” où il s’est aventuré quand aucun Français n’y allait. Jacques Cablé a hérité de son père certaines valeurs. Celle du courage en premier. Blessé à de multiples reprises durant la guerre de 14, auréolé de multiples citations et couvert de médailles, Marcel Cablé est revenu en 1919 sans aucun grade car voilà, il avait fait partie de ceux qui avaient exprimé leur opposition à la boucherie sanglante du Chemin des Dames, en 1917.

Les sœurs de l’école de Rouvres

Comme son père, Jacky n’a cure de l’opinion d’autrui et n’obéit qu’à ses convictions profondes. Les sœurs de l’école privée de Rouvres-en-Xaintois, les chefs scouts de Mirecourt, la lecture du “Prince Eric”, prénom qu’il a donné en hommage à Serge Dalens à son fils fauché en pleine jeunesse, l’ont initié au dépassement de soi. L’une de ses dernières démarches, avant de partir en Algérie pour un combat auquel il ne voulait surtout pas se dérober, a été de se recueillir sur la tombe de Guy de Larigaudie, tué en 1939 lors de l’offensive allemande en Belgique.

Dans la région de Constantine, sur la frontière algéro-tunisienne de la ligne Morice, il a dirigé un commando avec une humanité qui se prolongeait par une subversive considération pour les soldats d’en face. Lors de cette guerre qui ne voulait pas dire son nom, il a failli être tué à plusieurs reprises, et a manifesté son caractère frondeur vis-à-vis de certains chefs. Il a aussi pris le goût du voyage qui ne l’a plus quitté.

Le respect de l’autre

Mais le virus de la découverte l’a aussi conduit à créer des entreprises au Moyen- Orient, en Afrique et en Asie. Là où il a trouvé des marchés ouverts à sa toute petite entreprise des débuts. Ferrailleur à Mirecourt, il achète aux enchères un lot de 4000 baraquements désaffectés de l’armée américaine chassée de France par de Gaulle en 1968. Comment les écouler ? Le marché local est trop étroit. Reste à tenter l’exportation dans un pays francophone, le Liban. Puis en Arabie saoudite, au Yémen, en Guinée, ses bâtiments métalliques “Fillod” trouvent preneur. Ils abritent des matériaux et parfois des hommes.

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Mais pour accéder à ces pays, Jacky Cablé doit payer de sa personne. Aller sur place. Trouver des contacts. Convaincre des ouvriers vosgiens de le rejoindre dans l’aventure comme autant de pionniers. Il faut surmonter d’innombrables obstacles financiers, techniques, politiques, administratifs. Ce qui compte, surtout, c’est de s’adapter à chaque culture locale, s’en imprégner, la respecter pour gagner confiance et considération des hommes de tous pays.
Ce ne sera jamais facile. Jacky Cablé connaîtra des échecs. Il sera agressé et jeté deux fois en prison dans des pays aux dirigeants intégristes ou intolérants. Mais il aime citer la devise de John Kennedy : “Il y a quelque chose de pire dans la vie que de n’avoir pas réussi, c’est de n’avoir pas essayé”. De fil en aiguille, le voici qui développe des chantiers de plus en plus importants dans des pays réputés dangereux ou inaccessibles : “J’ai déjeuné avec Saddam Hussein, Mobutu, Omar Bongo…”

Les handicapés de guinée

Il répond toujours “oui” aux demandes éclectiques qui lui sont adressées : concevoir des bases-vie abritant les ouvriers de chantier en zone hostile, construire des bâtiments industriels, des garages, bureaux, gares routières, des ponts dans la jungle, des usines clé en main voire des fermes en plein désert…
Pour honorer ses engagements, il trouve des partenaires, recrute des hommes de confiance ainsi que des ouvriers spécialisés et chefs de chantier venus de toute la Lorraine.

Dans son fief de Baudricourt, il produit des bâtiments métalliques, embauche des ingénieurs et crée un bureau d’études et à Dinozé, où il reprend l’usine Framatec, Jacky Cablé ferraille désormais pour l’emploi. Il sollicite des entreprises vosgiennes, comme celles de Jean-Claude Millot à Vittel ou de Serge Cunin à Contrexéville, pour assurer des travaux de second œuvre à l’exportation. Mais sa démarche le conduit aussi à se préoccuper du sort des plus défavorisés. En Guinée- Conakry, il ouvre par exemple un centre de soins et de réinsertion pour les handicapés, s’appuyant sur l’expertise de Gaston Josse, un médecin de l’hôpital de Ravenel. Jacky Cablé n’oublie jamais ses amis, ni ses racines. Ni ce qu’il appelle avec affection ses valeurs.

Jean-Paul Vannson

Cet article a été publié dans le magazine « Église dans les Vosges ». En vous abonnant , vous soutenez l’information et le dialogue dans le diocèse.

Publié le 07/08/2012 par Alice.