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L’orgue dans les Vosges aujourd’hui

La publication, en 1991, du volume consacré aux orgues de Lorraine-Vosges, à l’occasion de l’inventaire national des orgues, plaçait les Vosges en 2ème parmi les quatre départements lorrains. Avec ses 163 instruments, le territoire qui ne comportent pas de grandes villes, se distinguent par une forte implantation d’orgues en milieu rural : il y a un orgue dans une commune sur quatre.
Vingt ans après cette publication, qui a eu pour effet de faire prendre conscience à la population de la richesse de son patrimoine, quelle est la situation actuelle de l’orgue dans notre département ? Dans les limites de cet article, quelques grandes lignes de l’évolution récente peuvent être mises en évidence. Cet article a été publié dans le magazine « Eglise dans les Vosges ». En vous abonnant , vous soutenez l’information et le dialogue dans le diocèse.
1. La construction d’instruments neufs a été exceptionnelle. La plus remarquable est celle du grand orgue de la cathédrale de Saint-Dié. Depuis le dynamitage de l’édifice le 9 novembre 1944, il a fallu attendre jusqu’en 2010 pour voir la construction d’un orgue neuf qui compte désormais parmi les grands instruments du diocèse.

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2. La restauration ou la reconstruction d’instruments anciens, tous du XIXe ou XXe siècle, a été assez importante. Ce fut souvent à l’initiative d’associations locales, bien relayées financièrement par les municipalités et le Conseil Général des Vosges.
Il s’agit surtout d’orgues importants, placés dans des villes moyennes. Citons quelques exemples significatifs : Mirecourt, Châtel-sur-Moselle, Cornimont, Gérardmer, Remiremont, Rupt-sur-Moselle, Le Thillot, Bruyères, Darney.
Il s’agit aussi d’orgues plus modestes (une douzaine de jeux sur deux claviers et pédalier), en nombre plus réduit, environ une dizaine. Citons Eloyes, Lépanges-sur- Vologne, Docelles, Deyvillers, Jeuxey, Moriville, Pouxeux, Vincey, Taintrux.

3. L’impulsion donnée par l’Inventaire de 1991 est restée sans effet sur une cinquantaine d’instruments. Il s’agit d’une demi-douzaine d’orgues importants, déjà en mauvais état en 1991 et qui sont allés jusqu’à devenir injouables. Le plus monumental est le grand orgue de la basilique Saint-Maurice d’Épinal. Mais il y a aussi les orgues de Dompaire, Mattaincourt, Moyenmoutier, Senones, Lamarche.
Les autres laissés-pour-compte sont des instruments moyens ou petits, déjà déclarés il y a vingt ans “très dégradés, totalement injouables”. Aujourd’hui ils sont à l’abandon, livrés au pillage ou devenus repaires d’animaux nuisibles. On les trouve dans la plaine, autour de Mirecourt où jadis de nombreux facteurs ont œuvré, ou dans la région centre à proximité de Rambervillers où se trouve encore en activité la seule manufacture d’orgues vosgienne, et quelques-uns dans la zone montagne. Ces instruments à traction mécanique, de construction robuste, sont tout à fait réparables, même après des années de silence. Ils témoignent d’un savoir-faire artisanal exceptionnel et ont souvent une qualité sonore surprenante.

À titre d’exemples nous citerons :

  • pour la plaine, les orgues de Châtenois, Aouze, Soulosse-sous-Saint-Elophe, Bouxurulles, Sandaucourt, Contrexéville, Adompt, Harol, Hadol
  • autour de Rambervillers : Padoux, Girecourt-sur-Durbion, Aydoilles, Haillainville, Cheniménil, Darnieulles, Uxegney
  • dans la montagne : La Petite-Raon, Fraize, Plainfaing, Champdray, Tendon
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D’autres instruments plus récents sont devenus difficilement utilisables, en raison de la vétusté du système de traction électro-pneumatique des années 1945 et suivantes. C’est le cas d’un orgue important comme celui de Corcieux, ou d’orgues plus modestes comme celui de l’abbaye Notre-Dame d’Autrey, des paroisses de Wisembach et de Saint-Benoît-la-Chipotte, de la Basilique de Domrémy.

La restauration de ce patrimoine exceptionnel est urgente. Contrairement à une opinion très répandue, le coût de l’opération est –dans la durée – très supportable. Dans la plupart des cas, les paroisses ont fait l’achat d’un orgue électronique dont la durée de vie n’excède pas dix ans. Et le résultat sonore est toujours médiocre en ce qui concerne le soutien du chant.
Sur ce point, un positif de trois ou quatre jeux est préférable à un orgue électronique. J’en ai fait l’expérience depuis dix ans déjà avec un instrument hollandais neuf, transportable par deux hommes dans un véhicule monospace. Même dans une église moyenne, cet orgue de trois jeux et demi sonne avec clarté sans dureté, amplifié par l’acoustique naturelle de l’édifice.

4. Quel avenir pour un orgue dans une petite église ? Quel que soit le type de célébration, avec ou sans prêtre, ce qui pourrait devenir courant dans un avenir proche, le service de l’orgue restera inchangé. En plus de cérémonies familiales (obsèques, mariages, baptêmes) des offices dominicaux ont leur place dans les églises de nos villages. De plus une animation culturelle et pédagogique en milieu rural bénéficie d’un atout précieux avec un orgue à tuyaux.
Le stage du mois d’août dernier qui s’est tenu à Fontenay a réuni une trentaine d’organistes qui ne sont jamais passés par les conservatoires. Ils avaient pourtant un niveau suffisant pour participer à la classe de maître donnée par Olivier Latry, organiste de Notre-Dame de Paris. Ces organistes non professionnels ont accès, pendant l’année, à un orgue à tuyaux pour le temps limité que leur laisse l’exercice de leur profession.

5. Après une restauration, que reste-t-il à faire ? Un orgue restauré doit être régulièrement entretenu. Le facteur d’orgue doit passer une ou deux fois par an pour l’accord des jeux d’anches, des réglages de la mécanique, de petites réparations. Bien des orgues ont souffert d’un manque d’entretien régulier, d’un défaut d’aération, de l’humidité, de la poussière. Des systèmes de chauffage inadaptés ont remplacé le vieux poêle à bois ou à charbon.
Ailleurs, n’importe qui peut accéder aux claviers et même à l’intérieur de l’orgue. Les “rats de tribune” laissent la trace de leur inexpérience. S’il est bien que l’orgue de la paroisse puisse être visité et joué par des personnes du métier, cela ne doit pas se faire sans l’accord de l’organiste titulaire. Dans la pratique courante, il y a beaucoup de comportements irresponsables qui découragent le propriétaire (ou l’affectataire) de faire des travaux indispensables.

Armand ory
Responsable diocésain de la Musique liturgique

Publié le 02/11/2011 par Alice.