Les vacances donnent le signal pour les retrouvailles de famille. Mais quelles familles ? Le Secours Catholique permet à des enfants défavorisés et parents isolés de partir dans des familles d’accueil du Doubs et d’Alsace. Inversement, des familles vosgiennes reçoivent Comtois et Alsaciens. A Épinal, depuis 75 ans, la communauté de la Sainte Famille construit une solidarité autour de l’église du Saut-le- Cerf, bâtie de ses propres mains. Quant à l’abbé Jean Schmitt, ancien responsable diocésain, il parie sur “la sagesse des gens” pour assurer l’avenir de la famille, cette structure si solide et fragile.
La saga de la Sainte-Famille
Ce n’est pas par hasard que l’abbé Sinteff a dédié à la Sainte-Famille l’église du Saut-le-Cerf, quartier populaire d’Épinal : elle a été édifiée par ses habitants qui continuent à la faire vivre
Comment évoquer les retrouvailles de la famille chrétienne sans penser à la communauté du Saut-le-Cerf ? Voici près de 70 ans que les habitants du quartier Est d’Épinal se serrent les coudes autour d’un projet commun : le doter d’un lieu de culte et de prières, le faire vivre avec des bâtiments propices aux réunions et aux fêtes, l’aménager et l’embellir sans cesse grâce au talent et à la bonne volonté d’artistes et artisans bénévoles. Ainsi que l’observe Marie-Christine Aubel, l’édifice se trouve aujourd’hui adapté à la dimension du quartier : ni trop grand, ni trop petit pour accueillir les fidèles.
Inlassables bâtisseurs
Ce qui frappe au cours de son histoire, c’est que cette église, conçue et voulue par les habitants, n’a cessé de changer de visage sans jamais trahir son âme. Au contraire, elle a cultivé une vocation spécifique en s’appuyant sur un état d’esprit de bâtisseur permanent, en mettant en avant le travail d’équipe plutôt que les réussites individuelles.
Celles-ci sont pourtant nombreuses, à parcourir les travées d’un édifice finalement complexe. Il est composé en réalité de trois bâtiments juxtaposés, éclairés d’admirables vitraux et peuplés de remarquables sculptures et de tableaux. Le bois omniprésent, de l’oratoire aux ambons, confère une ambiance favorable à l’intimité et au recueillement.
Le ciment d’une communauté
Au départ, il y a un homme. Un prêtre, l’abbé Sinteff, dont le sculpteur Jean- Marie Tisserand a taillé un portrait rude et résolu. Venu de Moselle, il sait l’art de mobiliser les croyants et les non-croyants autour d’une volonté : permettre aux habitants du quartier déshérité où il doit exercer sa mission après la guerre de se retrouver « en famille ». Ici vivent ou survivent beaucoup de déracinés, souvent dans des baraquements provisoires. La première chapelle est construite au milieu des champs, sur un terrain donné par la filature de la Gosse.
Une photo riche de symbole montre les hommes unis dans le même effort pour hisser l’une des poutres d’un bâtiment contigu : cinéma et salle de réunion. Ensemble, ces mêmes hommes démoliront cet édifice devenu obsolète quelques décennies plus tard. Ce sera pour mieux reconstruire. Ces constructions seront en quelque sorte le ciment qui soudera une communauté appelée en fait à relever sans cesse de nouveaux défis.
Passage de flamme
Car le quartier pousse comme un champignon. La fréquentation des fidèles n’augmente pas vraiment en proportion, mais l’église reste un pôle d’attraction névralgique, ainsi qu’en témoigne l’affluence à la traditionnelle kermesse de septembre, par exemple. Au fil des décennies, des bénévoles ont disparu, comme Roland Demard le menuisier, mais d’autres ont pris le relais. Il en est de même des prêtres, des sœurs, d’équipes de laïcs de plus en plus sollicitées.
Nettoyage, travaux d’entretien, animations, orgue, communication : les tâches ne manquent pas. Qu’elles soient toujours menées à bien sans coup férir stimule un optimisme palpable dans une équipe fière de l’œuvre accomplie et consciente des enjeux de demain. Les besoins matériels restent forts dans un quartier à la population jeune et au revenu majoritairement modeste. La communauté du Saut-le-Cerf entend faire signe et donner l’exemple de l’entraide. Elle y réussit, mais le chantier est toujours à construire.
Le droit aux vacances
Souriante et résolue, Alexie Bruant est assistante d’animation au secours catholique. Elle y est responsable de l’activité vacances. Elle est aussi chargée de communication autour des évènements : collectes, tracts, affiches, expos et conférences de presse, gestion des bénévoles et de l’administration. Proposer des vacances aux plus défavorisés représente une tâche de longue haleine. mais le jeu en vaut la chandelle ! entretien.
Église dans les Vosges (EDV) : Comment détectez-vous les personnes qui ont besoin d’une aide pour partir en vacances ?
Alexie Bruant (AB) : On détecte des enfants de six à onze ans parmi ceux qui sont suivis toute l’année à travers l’accompagnement scolaire, les ateliers d’enfants, les mercredis récréatifs. Les assistantes sociales nous signalent également des familles en difficultés. Depuis un an et demi, nous poursuivons un partenariat avec elles, dans le cadre d’une dynamique nouvelle.
EDV : Où les jeunes vacanciers se rendent- ils ?
AB : Les jeunes Vosgiens partent trois semaines en juillet en Alsace et dans le Doubs. Deux heures de car pour un dépaysement total dû au changement de culture et de paysage. Le même car qui emmène les petits Vosgiens rapatrie le même jour des enfants d’Alsace et de Franche-Comté dans des familles d’accueil des Vosges. Sans ces familles, aucun de ces jeunes ne pourrait partir en vacances.
EDV : Quel rôle le Secours catholique joue-t-il ?
AB : Dès le mois de janvier, on commence à travailler là-dessus, à constituer les dossiers de subvention. Il s’agit d’un travail préparatoire important. Nos référents vont visiter ces familles d’accueil, avec lesquelles se noue un contact en toute confiance. C’est ainsi que, par exemple, une famille a découvert qu’un enfant avait une mauvaise vue à l’origine de ses mauvais résultats scolaires, et que nous avons pu y remédier… Nous envoyons un questionnaire à l’enfant, aux parents et à la famille d’accueil. En septembre, nous dressons le bilan du séjour avec chaque acteur, les familles d’accueil et les parents de l’enfant. Il faut prendre du temps pour accompagner un enfant en AFV (Accueil Familial Vacances) !
EDV : Sur combien de familles d’accueil pouvez-vous compter dans les Vosges ?
AB : L’an dernier, quarante enfants étaient inscrits pour dix-huit familles d’accueil dans les Vosges. Celles-ci sont compliquées à trouver. On en a perdu d’année en année. Parfois, on a été obligé d’arrêter rapidement les inscriptions. On a donc fait une campagne pour des adhésions de nouvelles familles d’accueil, et ça a marché. Nous avons un cru exceptionnel cette année, avec une dizaine de nouvelles familles d’accueil !
EDV : Qu’est-ce qui motive les familles d’accueil ?
AB : Manifester les valeurs de solidarité et de partage ; montrer à ses propres enfants que tous n’ont pas la même chance qu’eux ; trouver un copain de jeu pour un enfant unique… Avoir envie d’aider l’autre : considérer que permettre à un enfant de partir, cela vaut bien de donner trois semaines de son temps. C’est une thématique qui touche au cœur.”
les vacances en famille, tremplin pour l’insertion
Le Secours Catholique accueille des familles venues de Meurthe-et-Moselle dans des gîtes vosgiens. Les bénévoles des équipes locales s’en occupent pendant une semaine : pêche, piquenique, marches. “Les familles épargnent toute l’année pour s’offrir ces vacances, explique Alexie. Elles sont décelées au sein des ateliers d’insertion de l’accueil du Secours Catholique. Ce sont des gens que nous connaissons, qui ne sont jamais partis en vacances, qui sont en rupture de lien, qui sont en difficulté. Pour elles, les vacances sont réellement un tremplin.”
Le Secours Catholique accompagne les familles dans la préparation de leur projet, tant en termes de recherche de financement que d’organisation logistique.
Mais c’est surtout un souci de proximité avec des familles qui ne sont jamais parties en vacances, en rupture de lien social.
L’an dernier, pour la première fois, l’organisme caritatif a fait partir deux familles vosgiennes entières dans le Jura : “Un exemple probant : un père de famille s’occupant seul de ses quatre enfants, âgés de 2 à 11 ans dont une fille handicapée. Ce séjour lui a permis de profiter d’eux, chose qu’il ne peut pas faire pleinement au quotidien s’occupant de toute la petite tribu. Ils ont pu partir comme tout le monde loin des soucis quotidien et se ressourcer pour entamer une nouvelle année.” Le Secours Catholique travaille aussi en partenariat avec d’autres organismes comme Notre-Dame de Trupt, l’Action Catholique des Enfants, et le Mouvement Rural pour la Jeunesse Chrétienne, etc.
La force de l’exemple
L’abbé jean schmitt, 73 ans, curé de Charmes, a été responsable diocésain de la pastorale de la famille pendant quinze ans. il évoque le rôle joué par sa famille dans sa vocation.
En ce temps là, les familles étaient nombreuses. Originaire de Champ-le-Duc, où il est né en 1937, Jean Schmitt est le quatrième de dix enfants : “ça reste une richesse pour la vie ! La vie de frère et sœurs est importante pour comprendre toutes les familles.”
La ferme familiale compte deux vaches. Le père gère la féculerie qui ne génère pas que des fumets flatteurs. ll est un fervent pratiquant, même quand son travail d’ouvrier d’entretien à la papeterie et au tissage de Laval sur Vologne l’oblige à jongler avec les horaires de messe.
Un adjudant allemand
Des parents croyants, donc, mais aussi une étrange rencontre sont à l’origine de sa vocation : “Quand j’avais sept ans, en 1944, une section d’Allemands est venue à la maison, fière d’avoir à sa tête un adjudant séminariste.
Il était très humain avec ses hommes et avec les Français, auxquels il donnait de grosses boîtes de sardines ; il était soucieux de la vie de ses hommes : mon frère m’a rapporté qu’il les a consultés avant de décider de se rendre aux Américains, à un kilomètre de Champ-le-Duc.”
Jean est entré au séminaire à douze ans, en pensant à la contrepartie : être séparé de la famille, ne pas se marier ; il reste marqué par des souvenirs douloureux la mort précoce de sa grand-mère puis juste après de sa mère, à l’âge de 52 ans : “Il est important d’être proche de la famille dans les moments de mort, d’agonie.”
“Jamais seul”
Pour celui qui, enfant, avait réveillé le curé de Champ-le-Duc du lit en allant rendre visite au Saint-Sacrement, après avoir fauché, pris son vélo et buté sur l’église fermée, la tonsure est une cérémonie importante : “il s’agit de montrer qu’on se met sous le service du Seigneur. J’ai reçu la soutane onze mois après la mort de ma mère.”
Jean Schmitt a été vicaire à Bains-les- Bains et Rambervillers où il a été “très heureux” avec Pierre Claudel, et curé à Darnieulles et à Charmes, où il s’est retiré il y a trois ans. Place de l’Espée, il vit au milieu de ses livres, au côté d’un petit chien qui veille jalousement sur lui : “Quand on rentre à la maison, on n’est jamais seul.” L’abbé Schmitt a dans sa bibliothèque le livre de l’abbé Philippe Baldacini, “Prêtre de la treizième heure”.
Le blanc de la dignité
L’appartement est fleuri de photos de famille. La famille, une valeur qu’il s’est attaché à défendre dans la pastorale familiale qui lui était confiée : “On avait une équipe diocésaine qui étudiait tous les problèmes religieux, le mariage principalement. On se retrouvait quatre fois par an au niveau diocésain.
Au point de vue régional, on a mis l’accent sur la préparation au mariage. On a initié des réunions avec un médecin sexologue.” Leur but ? “Aider les jeunes à se respecter, à respecter leur corps, aider les foyers à trouver un équilibre, à réussir.” Et de rappeler que : “le blanc (de la robe de la mariée) n’est pas le symbole de la pureté sexuelle, mais de la dignité d’enfant de Dieu. C’est cela qu’il faut retrouver.”
Trois des sœurs de l’abbé Schmitt sont décédées. “La rivière ne remonte jamais à sa source”, dit-il, en observant l’évolution de la société : “Autrefois, aux Voivres, j’ai connu quatre générations qui vivaient sous le même toit.” La pratique religieuse a baissé, et la nouvelle génération accentue encore le mouvement. Mais l’abbé Schmitt se réjouit d’avoir baptisé ses neveux et garde foi en l’avenir : “Pour l’avenir de la famille, je fais confiance en la sagesse des gens.”
Famille communicante !
En couple, avec les enfants, petits ou devenus grands, la communication est primordiale. Si Françoise Dolto a montré à quel point il est essentiel de parler aux petits, c’est aussi toute la famille qui a besoin de trouver du temps et des occasions pour se construire ensemble. A l’époque où la communication bénéficie de nouveaux outils et moyens, qu’en est-il de la communication en famille ?
Le service diocésain de la Pastorale de la famille invite Gérard Vallat, psychologue et psychothérapeute, jeudi 1er décembre à 20h30 salle Claude Gelée à la Maison Diocésaine d’Épinal. Il interviendra sur le thème : “La famille : lieu d’échange et de solidarité”.
De l’attachement aux parents, aux conflits et rivalités dans la fratrie, la vie familiale peut être une bonne ressource pour apprendre à grandir, à s’affirmer à s’aimer et à s’ouvrir au monde. Dans son intervention, le thérapeute, spécialisé dans la médiation familiale, déterminera les 5 pôles qui constituent la famille aujourd’hui.
Pastorale de la famille : une ambition, 3 objectifs
La pastorale de la famille dans notre diocèse ambitionne 3 objectifs dans son travail :
- Être attentif à ce qui se vit déjà de familial dans la vie de l’Église et développer cette dimension familiale.
- Faciliter la coordination des mouvements et services familiaux et leur insertion dans la pastorale diocésaine.
- Créer et entretenir le lien avec les instances qui œuvrent dans le domaine familial : ceci concerne tout notre rapport à la société civile.
Cet article a été publié dans le magazine « Eglise dans les Vosges ». En vous abonnant , vous soutenez l’information et le dialogue dans le diocèse.