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Les chants à la Sainte vierge

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Au milieu de l'été, la fête de l'Assomption de la Vierge Marie nous donne l'occasion de jeter un regard critique sur les chants que la piété mariale a suscités dans la liturgie catholique. Le répertoire abondant et varié, à la mesure de ce qui constitue l'un des traits caractéristiques de la liturgie romaine. Ici, la théologie la plus rigoureuse rejoint sans peine l'orientation spontanée du sentiment populaire. Cependant, le dicton qui prétend "qu'abondance ne nuit pas" peut, surtout à certaines époques, se trouver inexact. Il nous serait facile de pointer du doigt les déviations musicales, littéraires et même doctrinales qu'une créativité débridée a permis au cours des siècles, et singulièrement aux époques charnières entre deux cultures. Nous avons choisi plutôt de dégager, de l'histoire des formes, les orientations fondamentalement justes : elles demeurent d'actualité pour la création d'aujourd'hui.
  1. Le chant grégorien
  2. La polyphonie de la Renaissance
  3. L'art baroque
  4. La musique romantique
  5. L'époque contemporaine
  6. Conclusion

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Le chant grégorien

L'analyse du répertoire grégorien retiendra prioritairement notre attention. Son premier intérêt est d'être le plus ancien qui nous soit parvenu en quantité suffisante pour qu'on puisse en tirer des enseignements pertinents. La composition s'étale sur près de dix siècles, tandis que les répertoires venus plus tard- polyphonies a capella, art baroque avec orchestre concertant, airs lyriques pour solistes, cantiques - ont donné tous leurs feux en deux ou trois siècles seulement. Le second intérêt du grégorien vient du fait d'avoir fleuri à une époque de relative stabilité culturelle et de paix spirituelle. Le temps des grandes hérésies christologiques est passé, et l'ère du soupçon qui marquera les remises en question de l'époque moderne n'est pas encore née. La chrétienté vit sa foi de manière heureuse. Les malheurs du temps, qui ne manquent pas, sont perçus à leur place, et l'image féminine de la Vierge et de la Mère est formatrice d'une humanité équilibrée.

Pour se faire une idée complète du répertoire marial du Moyen-Age, il faudrait prendre en compte la liturgie de l'Office et celle de la Messe. Notre but étant surtout pratique, c'est celle de la célébration eucharistique qui nous fournira la plupart des exemples. Une remarque préalable doit être faite. Les pièces mariales ne se trouvent pas seulement dans les messes des fêtes de la Vierge, qui sont déjà nombreuses, mais également dans les messes des temps liturgiques et très spécialement celles de l'Avent et de Noël. La liturgie de cette période, toute centrée sur le mystère de l'Incarnation, cite abondamment la Sainte Vierge dans les antiennes, les répons et les hymnes. Ce qui est remarquable, c'est que Marie est toujours honorée ici comme Vierge et comme Mère. Les deux titres de gloire ne vont pas l'un sans l'autre. Passer sous silence la virginité de Marie serait introduire dans la piété un soupçon dommageable à la foi au Christ, fils de Dieu fait homme.
Les mélodies traduisent à leur manière ce choix très réfléchi : très grande pureté de la ligne musicale, sans effets grandiloquents, sans excès de sentimentalité, rien de sèchement intellectuel, mais un sens juste de la grandeur de la personne de Marie dans son humilité même. Cette musique est celle qui traduit la tendresse respectueuse des fils qui admirent en Marie la femme parfaite, Notre-Dame. Il faut citer ici l'offertoire du 4°; dimanche de l'Avent où l'on trouve le texte de l'Ave Maria avec une musique très ornée, porteuse de ferveur enthousiasme, sans maniérisme. Cette pièce, une des plus riches du répertoire aurait été composée au VII°; siècle pour la fête alors toute nouvelle de l'Annonciation. Le texte de la Salutation angélique est le plus ancien trouvé en Occident ; il est à l'origine de la prière à Marie que tout le monde connaît.

Cet art si subtil, sans préciosité, n'est pas à la recherche de la nouveauté à tout prix. De nombreuses pièces sont empruntées à un répertoire déjà existant et fait pour d'autres fêtes. Ainsi l'introït Salve sancta Parens du commun des messes de la Vierge est emprunté , pour le texte au Carmen paschale du poète latin Sedulius (V°; siècle). Il a été adapté à la mélodie de l'introït Ecce advenit de l'Épiphanie. L'introït de l'Assomption , Gaudeamus, qui était chanté jadis dans toutes les paroisses, a été composé pour la fête de sainte Agathe, martyre. Ces transferts et adaptations témoignent de la grande liberté avec laquelle les compositeurs grégoriens jonglent avec les textes et avec les musiques. Mais ils le font avec un goût très sûr et une grande habileté technique, au point que parfois l'œuvre adaptée est supérieure à l'original.

Parmi les pièces qui ont rythmé pendant des siècles la prière des fidèles dans les paroisses et les communautés religieuses, il faut aussi mentionner les quatre grandes antiennes mariales qui concluent l'office de Complies. Alma redemptoris mater, Ave regina cœlorum, Regina cœli, Salve regina se présentent sous la forme de tons solennels et sous celle de tons simples. Les tons solennels sont la version originale, que l'on peut dater du XII°; ou XIII°; siècle. Sur le plan musical on notera la fraîcheur de l' Ave regina, l'allégresse toute pascale du Regina cœli, et la beauté sereine et recueillie du grand Salve regina. Les tons simples sont des réductions syllabiques du ton solennel ou pour le Salve regina, une composition en tonalité moderne, probablement œuvre des prêtres français de l'Oratoire.

La piété du peuple chrétien s'est exprimée encore dans des compositions extra liturgiques. Les processions, les pèlerinages ont suscité une créativité foisonnante qui a utilisé les formes musicales les plus diverses : antiennes, répons, hymnes et même chansons. Dom Pothier en a publié un certain nombre et les livres de cantiques de la première moitié du XX°; siècle en ont popularisé l'usage jusqu'à une époque récente. Tota pulchra es, Salve mater misericordiæ , Virgo Dei genitrix, Inviolata, Maria Mater gratiæ. Le paroissien 800 donne en appendice plusieurs mélodies. Il faut s'arrêter particulièrement sur le Sub Tuum præsidium.Si la mélodie, qui n'est pas exceptionnelle n'a pas laissé de trace avant le XI°; siècle, le texte par contre est connu depuis longtemps, non seulement dans la liturgie romaine, mais également dans le rite ambrosien et dans les liturgies byzantine et copte. On a même retrouvé un texte très proche sur un papyrus du III°; siècle. C'est certainement la plus ancienne prière à la Sainte Vierge qui nous soit parvenue. Elle témoigne de la foi des chrétiens à l'époque des martyrs. Les croyants des premiers siècles croient en la puissance de la prière de Marie et ils ne craignent pas de lui demander son secours pour être délivrés de tous les périls. Et un siècle avant le concile d'Éphèse, ils donnent à Marie le nom de "Mère de Dieu" (theotokos).

Ce survol rapide du répertoire grégorien aura remis en mémoire aux lecteurs de ma génération des mélodies connues et aimées. Nous serions heureux que des plus jeunes, qui ont été privés de la fréquentation de ces chefs d'œuvre, aient la curiosité d'y aller voir de près, et mieux encore d'entendre. Il y a d'excellents enregistrements, et, Dieu merci, il subsiste quelques lieux bénis où l'assemblée des fidèles connaît par cœur quelques airs choisis. Mais avant de poursuivre notre enquête historique, il faut dégager quelques règles qui serviront à juger ce que les siècles suivants ont apporté de nouveau.

La musique qui convient pour honorer la Sainte Vierge doit respirer le naturel, la limpidité, la fraîcheur. Je ne dirai pas qu'elle doit être simple, car cet adjectif est piégé. Nous savons, depuis cinquante ans, que la musique liturgique simple a été trop souvent une musique banale, plate et même vulgaire. On ne fait pas simple sur commande. La simplicité est ce qui n'est pas mélangé, ce qui n'a subi aucun bricolage. Au fond, c'est un don, une grâce que l'on reçoit par surcroît quand on a travaillé et qu'on s'est débarrassé des faux savoirs.

Si cette musique relève du "gratuit" dans sa composition, il en est de même dans sa réception. Le compositeur la propose aux fidèles, qui s'en saisiront…ou passeront à côté. Cette musique n'est pas commerciale ; elle ne flatte pas le peuple. Une musique " accrocheuse ", comme celle de la publicité, est incapable de servir la louange, l'action de grâces, la supplication qui sont les orientations de la prière chrétienne.

Cette musique n'est pas celle du plaisir ; c'est la musique de la joie. "Beata", "Felix", "lætare", "Gaude", le vocabulaire le dit à satiété. Notre-Dame de toute joie est également "la cause de notre joie" ; car le souvenir des grâces dont Marie a été comblée emplit nos cœurs d'une joie immense. La mélodie grégorienne, sans harmonie, sans orchestration, chante déjà avec les anges dans ce répertoire marial.

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La polyphonie de la Renaissance

Les textes du magistère romain(papes et conciles), après avoir rappelé que le chant grégorien est le chant propre de l'Église catholique d'Occident, cite immédiatement après, les compositions polyphoniques de la Renaissance, comme faisant partie du répertoire liturgique. Cet art nouveau a trouvé sa forme définitive aux XV°; et XVI°; siècles ; il s'est poursuivi jusqu "au XVIII°; en certains pays comme le Portugal. Les chants à la Vierge y tiennent une place importante.

Ils s'enracinent dans l'art grégorien en ceci qu'ils sont bâtis sur les mélodies du plain-chant, principalement celles des hymnes. Le timbre original est exposé en valeurs longues : c'est le cantus firmus, qui passe d'une voix à l'autre, tandis que, par le jeu de la polyphonie, il se trouve enrichi par toutes sortes de développements savants. La tentation de cette musique, faite pour de chœurs exercés, est de se perdre dans une construction très intellectuelle. Les consignes du concile de Trente ont rendu un fier service aux compositeurs en mettant des limites à cette science. Dans l'enchevêtrement des voix, le texte doit rester audible. Une économie des moyens est recommandée, le quatuor étant largement suffisant pour réaliser une harmonie saine. La fidélité au texte dans le traitement des vocalises sur les mots importants, dans les changements de rythme ou de tempo appelés par la dynamique du discours, sont autant de procédés qui existaient déjà dans le grégorien.

C'est au travail de restitution et de réédition entrepris par les musicologues de la fin du XIX°; et du début du XX°; siècles que nous devons de pouvoir chanter aujourd'hui encore ces pièces admirables. Citons les plus connues du répertoire marial : Ave Maria d' Arcadelt, Ave vera virginitas de Josquin des Prés, Regina cœli d'Aichinger, Ave Maria de Vittoria, Salve regina et Regina cœli de Palestrina, Ave regina cœlorum de oriano, de Roland de Lassus, O magnum mysterium de Pedro de Cristo( ce motet pour Noël comporte en verset la première partie de l'Ave Maria).
Le passage du chant monodique au chant à plusieurs voix fut une révolution dans le langage musical. Elle s'est faite en douceur. C'est un exemple réussi d'ouverture aux requêtes modernes, dans le respect des valeurs permanentes, liées à la spiritualité.

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L'art baroque

La polyphonie de la Renaissance restait un art purement vocal. Si l'exécution s'adjoignait parfois quelques instruments, ceux-ci ne faisait que doubler les voix. Aux XVII°; et XVIII°; siècles, il devient tentant d'enrichir encore la palette sonore en ayant recours aux instruments, l'orgue, le clavecin, les cordes, les bois, les cuivres. La liturgie, en devenant spectacle, favorise l'éclosion d'un répertoire qui aboutira au concert spirituel.

Parmi les chants à la Vierge qui se prêteront le mieux à ce genre nouveau, il faut citer le Magnificat. Les versets de ce chant constituent pour le créateur une mine d'images très colorées. Les Magnificat de Purcell, Buxtehude, J. S. Bach deviennent alors une suite de "tableaux" d'où la piété sincère n'est pas en cause, mais où le génie baroque se lance dans l'exubérance de l'imagination et du sentiment. Sans parler vraiment de dérapage, car ce répertoire a été liturgique pour une société qui n'était plus celle du Moyen Age, et qui n'est pas la nôtre aujourd'hui, on peut parler d'un glissement vers l'extériorité, fort dommageable aux vertus de réserve, de retenue, de discret émerveillement que l'âme chrétienne adopte devant le mystère.

La musique religieuse de l'époque classique donne le meilleur d'elle même dans la cantate d'église, l'oratorio, les motets, les passions les drames sacrés à la gloire des saints. Lorsque nous aurons cité le Stabat mater de Pergolèse, le Regina cœli de Mozart, le Sancta et immaculata virginitas d'Henry du Mont, nous aurons fait le tour des compositions en l'honneur de la Vierge Marie qu'il est utile de connaître. Par les moyens en chanteurs et en instrumentistes que l'exécution exige, ces œuvres sont désormais réservées aux concerts spirituels.

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La musique romantique

Le répertoire marial du XIX°; siècle ne brille pas davantage par des œuvres parfaitement liturgiques. Pourtant, après la tourmente révolutionnaire et les guerres de l'Empire, tout était à reconstruire. On se contentera d'abord de " rafistoler " les cantiques populaires que les missionnaires utilisaient dans les réunions paroissiales. Cette musique extra liturgique emprunte sa forme à la chanson. Le texte est accordé à la piété du temps, sentimentale et individualiste. La musique est parfois bien venue comme celle de ce chant "je mets ma confiance, Vierge, en votre secours". Mais trop souvent l'inspiration est absente ; cette musique vise à l'effet, abusant des rythmes de marche militaire ou des inflexions mélodiques à l'eau de rose. Les compositeurs sont des religieux sans formation musicale sérieuse.

Dans la deuxième moitié du siècle, des musiciens professionnels prêteront leur concours. Ils s'exprimeront volontiers dans le registre du chant lyrique pour soliste avec accompagnement d'orgue. Le texte de l'Ave Maria de Schubert deviendra à lui seul typique d'un genre particulier. Tout le monde connaît l'Ave Maria de Schubert et celui de Gounod. Il en est d'autres, bien oubliés aujourd'hui, de César Franck, de Liszt, de Saint-Saëns, de Bizet, de Fauré, de Brückner, de Rheinberger. Ces pièces deviendront habituelles des mariages mondains. Il est difficile de mesurer l'impact spirituel de cette musique. Elle a le mérite d'être souvent bien faite. Si le soliste sait manier sa voix avec souplesse et retenue, ces chants ne sont pas indignes de la prière. Mais l'idéal est rarement atteint. Cette époque a oublié la leçon du chant grégorien.

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L'époque contemporaine

La restauration du plain-chant, soutenue par de nombreux musiciens et menée énergiquement par la pape Saint Pie X, aura une influence décisive sur la création musicale des premières années du XX°; siècle. Cela est particulièrement remarquable dans le style des cantiques et motets à l'usage des paroisses. Les recueils de chants parus entre les deux guerres mondiales témoignent du tri opéré par leurs auteurs. A côté de quelques anciens cantiques de St Sulpice, on trouve des adaptations de chorals français ou allemands. Plus intéressantes sont les compositions originales des musiciens comme ceux de la Schola Cantorum (Charles Bordes, Vincent d'Indy). Habiles, mais contestables sont les textes français adaptés à des mélodies grégoriennes. Tous ces chants à la Vierge sont destinés aux exercices de piété, mois de Marie, offices du rosaire, Saluts du Saint-Sacrement. La piété demeure sentimentale et individuelle et la poésie, très conventionnelle, accumule les clichés. La création de ces années ne parvient pas à renouer en profondeur avec l'inspiration grégorienne.
Parallèlement à cette musique qui vise le grand public des fidèles, il faut noter le dynamisme d'une musique pensée pour les chorales paroissiales et les chœurs des écoles chrétiennes et des séminaires. Plusieurs éditeurs, à Paris et en province, ont une activité étonnante qui se trouve diffusée par le relais de nombreuses revues: la Musique d'Église, la Tribune de Saint-Gervais, la Revue Sainte Cécile, la Petite Maîtrise, la Procure du Clergé(Arras), la Musique sacrée (Toulouse) Ces publications périodiques proposent un répertoire de motets en latin ou de chœurs polyphoniques sur texte français, où des compositeurs qui ont bien assimilé le style de Palestrina s'efforcent de répondre aux vœux du Souverain Pontife exprimés dans le Motu Proprio de 1903. Le mouvement cécilien n'a pas toujours évité l'anachronisme en pastichant les maîtres de la renaissance. C'était inévitable. Il a eu pourtant le mérite de remettre le chant choral liturgique dans la bonne direction. Dans cette vaste production, les chants à la Vierge occupent une place importante. Il faudrait ajouter les messes polyphoniques écrites sur le thème des hymnes, Messe Regina cœli, Messe Salve regina etc. Celles-ci ont contribué à fixer dans la mémoire populaire les timbres de la piété mariale.

Un tournant important s'effectue après la seconde guerre mondiale. Le renouveau des études théologiques a une retombée dans l'expression de la piété. Le chant des psaumes et des cantiques bibliques -parmi ceux-ci, le Magnificat - s'impose dans la liturgie dominicale. En 1957, le Père Deiss fait paraître un petit fascicule "Marie, fille de Sion" L'auteur, professeur d'Écriture sainte au séminaire des Spiritains de Chevilly-Larue ,est familier de la bible. Il se plaît à relever dans l'Ancien et le Nouveau Testament des textes que la tradition patrisque a mis souvent en rapport avec la Vierge Marie. Il y a là source d'images, d'expressions, de sentiments qui vont renouveler le langage de la dévotion mariale.

Le "Magnificat" et le "Je vous salue Marie" resteront cependant les textes les plus souvent mis en musique par des clercs dont les objectifs sont essentiellement pastoraux ; la compétence musicale n'est pas toujours au rendez-vous. Une écriture pseudo modale, des formules stéréotypées, un manque de rigueur dans la composition alourdissent le style qui devient vite plat et ennuyeux. Par bonheur, quelques musiciens confirmés seront mieux inspirés ; ce sont généralement des organistes (Jean Langlais, Gaston Litaize, Pierre Doury, Édouard Andrès, Francine Guiberteau) qui ont une plus vaste culture et un véritable métier. Dans différents genres (cantiques, litanies, hymnes, chorals, tropaires) ils sont les initiateurs d'un répertoire marial de bon aloi qui résiste à l'usure du temps. Renouant avec la pratique grégorienne, des paroliers adaptent des textes entièrement neufs à des mélodies qui avaient été composées pour d'autres usages. Ainsi la musique du cantique "Bienheureuse parmi toutes" est une œuvre de jeunesse que Jean Langlais avait écrite sur le Tantum ergo, celle des "Litanies à la Vierge d'après la liturgie de Saint Basile" était un cantique assez ordinaire de Maurice Lecossois, et l'hymne "Nous saluons en toi, Marie" est un chant donné de Germaine Taillefer, destiné à être harmonisé par les élèves du Conservatoire de Saint-Maur pour un examen. La plus grande liberté est souvent à l'origine des pièces les plus neuves.

Si l'on s'en tient aux chants destinés à l'assemblée des fidèles, c'est près de 200 titres qui sont consacrés à Marie dans une production qui couvre un demi-siècle. La qualité est inégale. Le progrès est indéniable en ce qui concerne les textes. Pour la musique, c'est autre chose. Nous passons sous silence les cantiques les plus déficients ; certains sont mêmes franchement vulgaires. Leur destination, honorer la Sainte Vierge, ne les rend que plus insupportables.

Signe encore plus inquiétant, les pièces polyphoniques destinées aux chorales se font rares. Les catalogues des éditeurs sont édifiants à ce sujet. Les organistes compositeurs les plus en vue ont enrichi le répertoire de l'orgue en commentant les thèmes grégoriens des offices de la Vierge. Mais ils ont dédaigné le répertoire purement vocal. La dernière œuvre majeure est la Messe Salve Regina de Jean Langlais pour chœur, assemblée, grand orgue et cuivres. Ce vide éditorial est révélateur d'une cassure entre la liturgie catholique et la culture.

CONCLUSION

Pour les lecteurs qui nous ont suivi jusqu'ici, que convient-il de retenir ? Nous savions déjà que toutes les musiques ne sont pas bonnes pour la prière. Pour la prière à la Sainte Vierge, les exigences sont encore plus précises. Ce sont celles que nous avons relevées en conclusion du chapitre du répertoire grégorien. Elles n'excluent pas la nouveauté des formes, mais elles ne peuvent s'écarter des qualités de fraîcheur, de clarté et de joie. La situation présente de l'Église nous oblige à la modestie. Notre temps n'a pas droit aux œuvres imposantes. C'était déjà l'intuition des pères Couturier et Régamey qui furent à l'origine du renouveau de l'art sacré vers 1950. Ce chemin de pauvreté spirituelle n'est pas un frein à la création, bien au contraire. La personnalité de Marie, qui s'est toujours voulue la servante du Seigneur, nous apprend que l'humilité est le sentier très sûr qui conduit aux grandes choses.

Père Armand Ory
Publié le 29/11/2006 par Admin.