Cet article fait partie de la série intitulée VIE DES VOSGES, paraissant régulièrement et généralement dans la deuxième quinzaine du mois dans le numéro de la VIE DIOCESAINE. Les thèmes développés sont différents et choisis par une équipe se réunissant régulièrement ; chaque membre se charge, à tour de rôle, de la rédaction de l'article.
SAINT-DIE A CHANGE L'IMAGE DE LA GEOGRAPHIE
Une île de la sérénité au milieu d'une mer agitée. Le Festival de Géographie de Saint-Dié n'est pas loin d'y ressembler. Voilà le sujet le moins diviseur de cette petite ville de province que,bien d'autres plus huppées, regrettent d'avoir laissé passer.Par définition international ou mondial, ce rassemblement annuel du début d'octobre a peu à peu imposé ses trois initiales qui font que la géographie n'est plus la matière, plus ou moins rébarbative, pour certains, de naguère.
Comme le monde, la géographie a bien changé. Adieu Vidal de la Blache ? Aujourd'hui, ce phare vosgien de la Culture concourt manifestement au rayonnement lointain du Département. Il est devenu un repère d'une qualité si reconnue que le Ministère de l'Education Nationale préconise que 150 professeurs lycées et collèges de l'Hexagone s'y rendent chaque automne au titre de la formation continue. Retour d'image ô combien positif pour la profession !
AUTRES VISIONS DU MONDE
Comme pour tous les spécialistes accourus parfois de l'autre bout de la planète, les raisons sont claires : de la géographie, on est passé, comme par les liens informatiques, à la géologie, la géostratégie, la géophysique, la géomatique, la géopolitique, la géoclimatique etc, autant de champs d'investigations qui ont fait de cette science autre chose que de la cartographie pure.
La "géo" de papa est morte. Pour le directeur du F.I.G., Gérard Benhamou, son image a bien changé à Saint-Dié : "C'est une science-carrefour" et sa force est de rester humaniste. A ce festival sont convoquées des disciplines scientifiques qui forment les relais pour pousser plus loin. Les comités de géographes d'aujourd'hui sont assez loin de la géo traditionnelle. Ils ont ouvert différents tiroirs. Les manuels scolaires se sont enrichis ! Le public voit les réponses. Il est désormais - actualité oblige - en "Développement durable".
"Les géographes sont des gens neutres, même s'ils ont l'un ou l'autre des sensibilités atlantis-tes ou altermondialistes. Ils ne présentent pas des constats figés, mais de plus en plus actuali-sés grâce aux moyens de mesure statisticienne, d'information, de communication, etc . La géomatique a fait faire des bonds, avec l'application des logiciels de données chiffrées: "Prenons par exemple la cartographie de la banlieue sociale de New-York. On y lira l'enfance maltraitée quartier par quartiers On n'a jamais eu autant d'atlas ! Tout se cartographie pour améliorer la lecture". Quant à la vision par satellite, elle a ouvert des aspects que l'on ne pouvait envisager il y a moins de 50 ans. Des bonds prodigieux pour la connaissance et la vulgarisation. Avec les risques inhérents..
LECTURE ET PROSPECTIVE
"On recourt à des disciplines d'investigation et de somme. On est abreuvé depuis 50 ans de constats, le Festival de Saint-Dié expose ces constats, mais donne la parole à la prospective. La richesse des thèmes y est inépuisable, mais nous nous laissons de la marge. En effet, si ces spécialistes conservent l'initiative, nous écartons le public. C'est tout, sauf un colloque !".
C'est un reproche connu fait à ce festival : trop copieux ! On ne saurait tout voir, tout entendre. Le vedettariat y concourt pour une part. Ne dit-on pas que la manifestation vosgienne est le "Cannes" de la géographie, tant et si bien que les responsables du F.I.G. sont quelque peu embarrassés par le succès, même s'ils ont, fort utilement, fait bénéficier le secteur de Saint-Dié, de manifestations délocalisées, auxquelles le monde scolaire est justement associé. Un excellent "arrosage" de proximité. Pour faciliter l'accueil et le bon déroulement, le concours universitaire local a été utile. Il est arrivé de mobiliser aussi le patrimoine religieux d'Etat ou ecclésial local, catholique et protestant..
LIEE A L'HISTOIRE
Plus sensible à son Histoire, sa sour siamoise, le Français est réputé ne pas connaître sa géo-graphie. Ce vieux concept est en cours de revision ! Des gens silencieux assis dans les escaliers : ils écoutent en silence. Cette image du F.I.G. est réalité. Au cour de l'organisation, on convient de la difficulté, qui tient pour partie à la gratuité et donc à l'absence de billetterie.Pas de réservations.
Le public bouge, passe d'un lieu à l'autre, selon son intérêt, suivant qu'il y a de la place. Il picore."C'est comme dans les bons restaurants, c'est un problème d'offre. Notre souci est de la mieux sérier. Si un conférencier a un tel succès, nous l'invitons à réitérer le lendemain, si cela est possible, car ce sont, en général, des gens aux agendas bloqués.
"S'assurer leur concours est une chose, mais pour le Grand Témoin, il s'agit de 3 jours, ce qui n'est pas rien, ni pour lui, ni pour nous. Problème d'urgence en 2007, remplacer le Président déjà annoncé. Côté conférenciers, il faut avoir des jokers. Quant aux vedettes, aucune n'est rémunérée. Juste des frais de déplacement."
Il est vrai que le mécénat de ce Festival et le soutien médiatique génèrent une audience véri-fiée et répétée. Ce Festival ne saurait être éphémère en se nourrissant d'actualités qui le sont parfois de manière permanente, comme les guerres, la faim, la santé ou l'atmosphère.
Si le rôle de vulgarisation est une clé du succès, c'en est une autre, de première grandeur, que d'y traiter essentiellement des sujets d'actualités, qui constituent même des "premières". D'où la recommandation ministérielle faite aux enseignants et étudiants d'aller se nourrir aux sources dans la Cité Marraine du Nouveau-Monde.
"La profession a complètement adhéré, souligne M. Benhamou, et l'Histoire s'y est greffée, car les enseignants du Secondaire réunissent histoire et géographie. Si l'on prépare ici des itinéraires scientifiques, on y adjoint des explications historiques, tant les interconnexions sont multiples et riches. Preuve que la géo est science transversale.
PLANETE SOUS TENSIONS
On ne décide pas sur le coin de la table du thème du prochain festival. C'est une machine complexe qui implique des concours institutionnels d'Etat et met en jeu des représentations diplomatiques étrangères, des concours industriels et scientifiques, des noms illustres de la politique, de la littérature, des sciences, de la gastronomie.
Pour mémoire : Haroun Tazieff, Joël de Rosnay, Jacques Attali, Michèle Cotta, Léon Schwar-tzenberg, Jean Malaurie, Alain Touraine, Théodore Zeldin, Jean-Marie Cavada, David Khayat, Françoise Héririer, Alexandre Adler, Michel Camdessus, Henri Atlan, Borys Cyrulnik, Julia Kristeva, Bernard Clavel, Albert du Roy, Armand Frémont, Noël Copin, Michel Dele-barre, Erik Orsenna, Richard Bohringer, Roger Hanin, Yves Coppens, Henri Madelin, Emma-nuel Todd, etc
2007 a vu la disparition de l'inspirateur du F.I.G., l'historien déodatien Albert Ronsin, ancien membre de la Commission diocésaine d'art sacré et autorité consacrée par de savants ouvrages sur le Baptême de l'Amérique, les moines-cartographes du Gymnase Vosgien..
Un thème de festival se verrouille au F.I.G. en session, au sein du Comité des Géographes. Différents thèmes sont proposés en fonction de la richesse des recherches en cours. L'année olympique aurait pu servir de trame, mais il serait malaisé de s'enfermer dans les sports.
L'édition 2008 sera celle de la "Planète sous tensions", mais on ne va pas y parler que de guerres, de conflits latents, sans s'interroger sur les causes de guerres potentielles. La vraie question posée est celle des facteurs déclenchants. La dimension spirituelle sera nécessairement présente puisque bien des religions sont connexes, comme l'islamisme, mais sans aller chercher bien loin : l'Irlande, le Kosovo, la Turquie Etat laïque.
"Tous les types de conflits seront envisagés, prévient Gérard Benhamou. Aussi bien les émeutes de nos banlieues que les guerres économiques, ce qui fait passer des conflits à la guerre".
En somme, la géographie par et pour les militaires. Tous les grands stratèges de l'Histoire ont eu un géographe sous la main. Napoléon eut le sien, un Vosgien de la Plaine, dont le nom fi-gure sur une place de son village depuis 1993.
H.B.
Repères: Retrouvez la présentation complète du FIG sur : http://fig-saintdie.com Les Actes du FIG sont gratuitemen t accessibles. La totalité des interventions sont consultables sur le site Internet du FIG : http://fig-st-die.education.fr