A l'occasion de son voyage en Afrique (17-23 mars 2009), le pape Benoît XVI a été interrogé par un journaliste au sujet du sida. Éléments de compréhension.
Question de Philippe Visseyrias de France 2
Saint Père, parmi les multiples maux dont souffre l'Afrique, il y a aussi en particulier celui de l'épidémie du sida. La position de l'Église catholique quant aux moyens de lutter contre ce fléau est souvent considérée comme irréaliste et inefficace. Aborderez-vous ce thème durant le voyage ?
Réponse de Benoît XVI [traduit de l'italien]
Je dirais le contraire. Il me semble que l'entité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte contre le sida est vraiment l'Église catholique, avec ses mouvements et ses diverses structures. Je pense à la Communauté Saint Egidio qui fait tant, de manière visible et aussi de manière invisible pour lutter contre le sida, aux religieux Camilliens, à toutes les religieuses qui sont au service des malades... Je dirais qu'on ne peut vaincre ce problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. Si ce n'est pas le cœur, si les africains ne s'y entraident pas, on ne peut résoudre ce fléau avec la distribution de prophylactiques : au contraire, le risque est d'accroître le problème. La solution ne peut venir que d'un double engagement : en premier, une humanisation de la sexualité, c'est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui permette une nouvelle manière de se comporter les uns avec les autres, et deuxièmement une vraie attention particulièrement à l'égard des personnes qui souffrent, la disponibilité, les sacrifices aussi, les renoncement personnel pour être avec les personnes souffrantes. Ce sont les moyens qui aident et permettent des progrès visibles. C'est pourquoi, je dirais que c'est là notre double force : renouveler l'homme intérieur, donner une force spirituelle et morale pour un comportement juste dans la manière de considérer son propre corps et celui d'autrui, et d'autre part cette capacité à souffrir avec ceux qui souffrent, d'être présents aux cotés de ceux qui traversent des épreuves. Je crois que c'est là la juste réponse, que l'Église la met en œuvre et offre ainsi une aide très grande et importante. Nous remercions tous ceux qui y participent.
Quelques éléments de compréhension
Le Pape évoque l'engagement de l'Église dans la lutte contre le sida : Comment s'implique-t-elle concrètement dans la prévention et le soin ?
Dans ses réflexions sur la prévention contre le sida, Benoît XVI a d'abord voulu souligner l'engagement de l'Église dans l'accueil, les soins médicaux et l'accompagnement social et spirituel des personnes touchées par le sida. Parmi les institutions dans le monde qui s'occupent des personnes ainsi atteintes, l'Église est le plus important prestataire privé de soins aux malades du sida (44% sont des institutions d'État, 26,70% sont des institutions catholiques, 18,30% sont des ONG et 11% d'autres religions).
L'Église est également engagée dans la prévention contre la transmission du virus HIV par l'intermédiaire de ses réseaux d'écoles, de mouvements de jeunesse et d'associations familiales.
Le Saint-Siège a créé en 2004, sous l'impulsion du Pape Jean-Paul II, la Fondation du Bon Samaritain afin de financer de projets de soins et d'éducation en direction des personnes concernées et de la prévention. C'est dire combien l'Église est active dans ces domaines.
Qu'a voulu dire le Pape au sujet du préservatif ? Il considère que le préservatif ne peut être "la" solution au problème du sida. On voit bien d'ailleurs, depuis des dizaines d'années, que la pandémie est loin d'être enrayée, au contraire.
Mercredi 18 mars, lors d'un point presse à Yaoundé, le Père Federico Lombardi, Porte-parole du Pape, est revenu sur ce sujet : il a expliqué que, pour l'Église, « développer une idéologie de confiance dans le préservatif » n'est « pas une position correcte » car elle ne met pas l'accent sur « le sens des responsabilités ». Il a également indiqué « qu'il ne faut pas attendre de ce voyage un changement de position de l'Église catholique envers le problème du sida ».
Le Père Lombardi a aussi rappelé « les lignes essentielles de l'engagement de l'Église catholique dans le combat contre ce terrible fléau qu'est le sida : en premier, par l'éducation à la responsabilité des personnes dans la pratique de la sexualité et en réaffirmant le rôle essentiel du mariage et de la famille. Deuxièmement : par la recherche et l'utilisation des thérapies efficaces contre le sida et dans leur mise à disposition au plus grand nombre possible de malades grâce à de nombreuses initiatives et instances sanitaires. Troisièmement, par l'assistance humaine et spirituelle des malades du sida comme de tous ceux qui souffrent et qui demeurent au cœur de l'Église ».
Dans sa réflexion sur la question que pose l'épidémie du sida, le Pape s'appuie sur la manière dont l'Église envisage l'amour et la sexualité. C'est pourquoi il considère que la sexualité humaine ne peut pas s'élaborer psychologiquement et se signifier moralement en fonction d'une maladie. Ce n'est pas à partir du sida qu'on définit la sexualité humaine, mais à partir du sens de l'amour, de l'amour qui est un engagement entre un homme et une femme dans une relation et dans la responsabilité. L'Église témoigne d'un amour de vie.
Comment les évêques africains réagissent-ils aux propos du Saint-Père ? D'après l'agence de presse I-Média, « plusieurs haut prélats africains ont salué les propos tenus par Benoît XVI dans l'avion qui le menait à Yaoundé (Cameroun) le 17 mars 2009 sur le fait que la distribution de préservatifs aggraverait le problème du Sida ». Interrogés par la chaîne catholique française KTO et I.MEDIA le 18 mars dans la capitale camerounaise, ils ont aussi invité les Occidentaux à ne pas imposer leur façon de voir les choses en la matière.
"Je demande aux Occidentaux de ne pas nous imposer leur unique et seule façon de voir", a ainsi martelé le cardinal sénégalais Théodore-Adrien Sarr. "Dans des pays comme les nôtres, a alors expliqué l'archevêque de Dakar, l'abstinence et la fidélité sont des valeurs qui sont encore vécues et, avec leur promotion, nous contribuons à la prévention contre le sida".
"Nous ne pouvons pas promouvoir l'utilisation du préservatif, a encore souligné le cardinal sénégalais, mais prêcher les valeurs morales qui, pour nous, demeurent valables, afin d'aider nos populations à se prémunir du sida : l'abstinence et la fidélité". Ces valeurs, a enfin expliqué le cardinal Sarr, sont "des réalités" pour les Africains et "il ne faut vraiment pas nous dire que nous n'avons pas à prêcher ces valeurs".
Dans le même sens, Mgr Simon Ntamwana, archevêque de Gitega au Burundi, a dénoncé "le glissement de pensée" de l'Occident, et son "hédonisme sexuel devenu comme un chemin incontournable". "Ce n'est pas le préservatif, a-t-il soutenu, qui va diminuer le nombre d'infections du Sida, mais certainement une discipline que chacun doit s'imposer pour pouvoir changer d'attitude, une attitude qui va l'aider à échapper à un hédonisme qu'il ne peut plus contrôler".
"Pour moi, la façon la plus sûre (de lutter contre le Sida, ndlr), c'est ma volonté", a encore expliqué Mgr Simon Ntamwana. "Vous démissionnez de votre volonté, de l'engagement de l'effort, et je ne sais pas vers où vous allez", a enfin prévenu l'évêque burundais à l'intention des Occidentaux. Le préservatif "aggrave le problème car il donne une fausse sécurité, une sécurité qui n'en est pas toujours une", a expliqué pour sa part Mgr Laurent Monsengwo Pasinya en reprenant les propos de Benoît XVI dans l'avion qui le menait au Cameroun. Ainsi, pour l'archevêque de Kinshasa (République démocratique du Congo), "le préservatif n'est pas le moyen le plus sûr car il peut être de mauvaise qualité". Que propose l'Église aux hommes d'aujourd'hui ? L'Église ne cesse de rappeler la dignité de la personne humaine et la signification de l'amour. Elle affirme qu'il n'y a de remède ultime au sida que grâce à un comportement digne de l'homme, c'est-à-dire capable de respect, de fidélité et de maîtrise de soi qui sont les conditions même de l'amour. Egalement interrogé sur les propos du Pape, Mgr di Falco a répondu sur RTL, ce mercredi 18 mars, que, d'après lui, le Pape a voulu dire que le préservatif « n'était pas suffisant mais qu'il devait y avoir derrière de l'éducation, de la responsabilisation (...) Ce qu'à dit le pape, c'est l'idéal de la fidélité proposé aux chrétiens (...) Le plus haut responsable exprime l'idéal. Il n'entre pas dans les situations concrètes". Mgr di Falco a également estimé que « si on n'arrive pas à vivre la situation telle qu'il la propose on ne doit être ni criminel, ni suicidaire et on doit utiliser le préservatif. Il a précisé que, sur le terrain, les religieux incitent, si nécessaire, à utiliser le préservatif pour ne pas se mettre en danger ou mettre en danger des partenaires ». « 0n n'a jamais dit autre chose depuis dix ans" a-t-il ajouté. En décembre 1988, le cardinal Lustiger avait répondu sur ce sujet à l'Express : « Il faut aider la nouvelle génération : elle désire découvrir la dignité de l'amour. La fidélité est possible. Tout véritable amour doit apprendre la chasteté. Des malades du sida sont appelés, comme chacun de nous, à vivre la chasteté non dans la frustration, mais dans la liberté. Ceux qui n'y parviennent pas doivent, en utilisant d'autres moyens, éviter le pire : ne donnez pas la mort. ». A la remarque du journaliste : « Un pis-aller, le préservatif ? », il avait répondu : « Un moyen de ne pas ajouter au mal un autre mal... » Autrement dit, il ne s'agit pas d'exclure le recours au préservatif dans certaines situations. Le discours sanitaire peut être nécessaire mais reste largement insuffisant quand il s'arrête à des mesures purement techniques.
Source : Conférence des Évêques de France
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