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06/12 /10 Saint Nicolas (Témoins vosgiens)


De tous les Saints du Propre diocésain, il n’en est guère qui soit à la fois plus étranger et plus populaire que Saint Nicolas. Voilà un évêque d’Asie Mineure du lV° siècle qui par toute la Lorraine a joui sans discontinuer d’une faveur et d’un culte exceptionnels. Après la Sainte Vierge, c’est à beaucoup près celui de tous "les Saints de chez nous" qui a le plus marqué la piété de nos pères, comme notre patrimoine artistique et notre folklore.

Pour Saint-Nicolas, plus que pour tout autre, il y a lieu de distinguer soigneusement entre son histoire, bien lointaine et peu sûre, et le culte millénaire qui lui a conféré en quelque sorte la nationalité lorraine. C’est d’ailleurs sur ce second point que nous trouverons le plus de choses charmantes et de détails inédits.

De la vie de notre Saint, il n’existe pas d’ouvrage qui soit historiquement valable. Tout le Moyen Age a vécu, dans ce domaine, de ce que lui rapportaient des traductions d’auteurs grecs du VIII° siècle et la légende ne se fit pas faute d’y ajouter encore.

Saint Nicolas naquit, dans la seconde moitié du IIIe siècle, à Patare, petit port de Lycie, province d’Asie Mineure, voisine de l’île de Rhodes. Comme bien on pense,-nous le disions récemment- il appartenait à une famille riche et distinguée de la ville, ce qui lui fournit bientôt la "matière " de son premier beau geste.
Mais nous retiendrons surtout, au compte de son milieu familial, cette autre richesse d’une foi chrétienne, puisée à bonne source. Saint Paul, en effet, avait séjourné à Patare, au retour de son troisième voyage.

Le jeune Nicolas fut-il frappé quelque jour d’entendre proclamer à l’église le précepte et l’éloge à la fois, que l’Apôtre fait, dans son Épître 1 aux Corinthiens, de la charité qui est patiente et bonne et ne s’enfle point d’orgueil (XIII, 4) ? Apprenant par la rumeur -ce fut de tout temps l’apanage des petites villes- qu’un notable du pays, atteint par un revers de fortune, envisageait de livrer ses trois filles à la prostitution, faute de pouvoir les doter convenablement, à la faveur de la nuit, Saint Nicolas se glisse vers la demeure et, par la fenêtre ouverte, lance une grosse bourse remplie de pièces d’or.
Le geste fit son effet, car bientôt notre homme mariait fort honorablement son aînée. Restaient les deux cadettes. Pris à ce jeu, tout à fait dans le genre Scout ou Cœur Vaillant, dirions-nous aujourd’hui, Saint Nicolas, toujours incognito, renouvela son geste par deux fois. Mais il se fit prendre la dernière nuit et, tout confus, supplia son obligé de n’en rien dire.
Le secret fut-il bien gardé ? En tout cas, personne ne fut surpris de voir ce sympathique jeune homme devenir prêtre, vivre quelques années dans un monastère et en sortir bientôt pour accéder à l’évêché de Myre, capitale de la province.

Dans ce nouveau ministère, Saint Nicolas put donner libre cours, et sur un plan considérablement étendu, à cette bonté d’âme qu’il tenait de sa nature et que la grâce, les miracles aidant, ne fit qu’exalter. Tous les traits de sa vie, retenus par les chroniqueurs - nous ne saurions ici les contester, tant ils sont simples - portent la marque de cette générosité inlassable, gratuite et souriante, qui le rendait infiniment sensible à la moindre détresse matérielle ou morale.
Ainsi, le voit-on s’intéresser avec prédilection aux enfants de son diocèse, intervenir auprès de l’empereur, en faveur de trois officiers, libérer, en se jouant, des prisonniers, ravitailler miraculeusement en blé sa ville en proie à la famine, sauver du naufrage des matelots qui sombraient.

Même si nous négligeons toutes les naïves enluminures dont la légende a cru devoir, pour illustrer sa mémoire, entourer chaque scène, il reste que la charité foncière fut la caractéristique de sa sainteté. Par là s’explique sans peine l’extension prodigieuse de son culte à travers le monde et jusqu’à nos jours. Tendre et compatissant pour les personnes, à l’exemple du divin Maître, Saint Nicolas n’en fut que plus intransigeant sur les questions de doctrine. Défenseur de la foi auprès de ses ouailles, il combattit avec vigueur cette hérésie sournoise dont Arius infestait alors l’Asie Mineure, avant de gagner tout l’Occident.
La politique s’en mêlant, les empereurs de Constantinople favorisaient dangereusement les entreprises de l’Arianisme. A ce titre, Saint Nicolas subit la persécution de 316, se vit exiler de Myre et jeter en prison. Trop heureux de souffrir comme les siens, il se garda bien de faire miracle pour s’en tirer. Du reste, la victoire de Constantin vint bientôt renverser la situation. Bien que son nom ne figure pas dans la liste des 318 signataires, la tradition rapporte que Saint Nicolas assista au 1er Concile œcuménique de Nicée, réuni en 325, sur l’initiative de Constantin, et qui condamna l’Arianisme.

Saint Nicolas mourut fort peu de temps après et fut inhumé dans sa cathédrale. Sa disparition fut davantage ressentie par ceux qu’il avait tant obligés. Poussée à la fois par le besoin et par la certitude qu’au-delà de la mort le Saint Évêque restait lui-même, la foule des malades et des déshérités se pressa de plus belle à son tombeau, On y accourut non seulement de Lycie, mais de toutes les provinces d’Orient où il n’était point allé.


Le culte voué à Saint-Nicolas

Au moment d’aborder l’histoire du culte de Saint Nicolas, précisons qu’à l’inverse de sa biographie, encombrée de légendes, il existe d’innombrables documents historiques touchant ses reliques et les pèlerinages auxquels elles donnèrent lieu.

La renommée du grand thaumaturge se répandit très vite. Dès la fin du siècle, Saint Jean Chrysostome lui fait une belle place dans la liturgie nouvelle qu’il instaure en son diocèse de Constantinople, et l’empereur Basile vient à Myre prier sur la tombe. D’autres s’y intéressèrent à leur tour, mais diversement. Lors d’une expédition sur les côtes d’Asie Mineure, les troupes du calife de Bagdad, Haroun-al-Raschid, assaillirent la ville et tentèrent de profaner les restes précieux. L’alerte fit grand bruit, jusqu’en Occident où déjà - nous le verrons - des reliques de Saint Nicolas étaient vénérées.

On sait que, bien avant les Croisades, et à partir d’Italie notamment, les relations commerciales, qui ont souvent si bien servi le culte des Saints, entretenaient une liaison étroite entre les deux bassins de la Méditerranée. Passé l’an mil, les incursions musulmanes se firent plus dangereuses sur tout le littoral aussi bien qu’en Palestine.
C’est ainsi que des marchands de Bari, ville de l’Italie méridionale sur la côte Adriatique, faisant escale à Myre, présentèrent leurs bons offices pour mettre en sûreté le corps de Saint Nicolas. Les choses n’allèrent pas toutes seules, car les Vénitiens convoitaient aussi ce trésor, s’estimant même prioritaires pour avoir opéré, dès 815, pareil sauvetage en faveur de Saint Marc, orgueil de la grande Cité patricienne. Ce fut donc à Myre une lutte de vitesse où le chauvinisme tenait sans doute autant de place que la piété d’ailleurs sincère.
Les roués Barisiens supplantèrent de justesse leurs rivaux et le corps de Saint Nicolas, en 1087, débarqua à Bari, où il est encore de nos jours.
On fit à ces reliques un accueil triomphal, et le pape Urbain II présida, deux ans plus tard, leur installation solennelle dans une opulente basilique construite tout exprès.

Peut-on, sans irrévérence, penser que Saint Nicolas est demeuré là, facétieux et bon, comme il avait été, jeune homme, à Patare, jadis ?... - Toujours est-il qu’un miracle extraordinaire et permanent s’opéra, comme pour légitimer le pieux larcin des gens de Bari. De ses ossements, suinte depuis des siècles une sorte de liquide huileux, la fameuse "manne" des pèlerins du Moyen Age qui, colportée à travers le monde, produisit d’innombrables guérisons.

Du point de vue scientifique, le phénomène parait difficilement explicable. Aussi est-il délicat de se prononcer sur ce cas, assez semblable, du reste, à celui de Saint Janvier, à Naples. Notons que c’est toujours en Italie. L’arrivée de ces reliques, d’autant plus vite divulguée qu’on était au siècle des Croisades, donna au culte de Saint Nicolas une impulsion nouvelle dans tout l’Occident. En 1018, la présence de parcelles de son corps est signalée à Trèves. Quelques années plus tard, on les trouve dans deux abbayes près de Cologne et d’Aix-la-Chapelle.

On attribue ce fait à la dévotion spéciale des empereurs Ottonides, d’autant que nous voyons consacrer en, 1049, à Saint Nicolas, l’église de l’Hospice du Grand-Saint-Bernard, le col des Alpes que franchissait le grand axe carolingien en direction de l’Italie.

Au siècle suivant, Saint Bernard, qui fut pèlerin de Saint-Nicolas du-Port, recommandera chaudement à ses moines de Cîteaux la dévotion au grand saint de Myre, toujours dans la même perspective d’une sauvegarde efficace : "Lorsque quelque danger nous menace, dit-il, recourons avec confiance à Saint Nicolas".

Rome qui, évidemment, s’honorait de posséder une église au nom suggestif de " Saint-Nicolas-in-Carcere ", tint à l’enrichir d’un titre cardinalice, toujours en usage. Par la suite, on voit le nom de Saint Nicolas donné à travers l’Europe, et par les Espagnols dans le Nouveau Monde, à de nombreuses villes, à des sites géographiques. La Russie l’adopte comme patron national et l’Irlande lui dédie 40 églises.

Mais ce qui nous intéresse par-dessus tout, c’est l’entrée dans ce vaste mouvement de notre Lorraine. Ce fut à l’occasion fortuite d’une menue relique rapportée d’Italie.

Déjà, le pape lorrain, Saint Léon IX, y avait certes préludé, en consacrant un autel à Saint Nicolas au Mont Sainte-Odile, probablement lors du même voyage où il avait, en 1050, consacré les églises d’Épinal et de Remiremont. A cette date, note Georges Durand, l’absidiole nord de cette dernière avait déjà Saint Nicolas pour titulaire.

En 1098, un chevalier lorrain, Albert de Varangéville, revenant de la I° Croisade, s’arrêta à Bari par dévotion. Il eut la surprise d’y rencontrer un clerc lorrain, originaire de Port, attaché au service de l’insigne église, et put ainsi obtenir comme relique un doigt du Saint. En moins de trois ans, on édifia sur les bords de la Meurthe une église spéciale que Pibon, évêque de Toul, consacra en 1101.

Événement qui marqua la naissance du bourg dénommé Saint-Nicolas-de-Port, et qui allait prendre une grande extension, à la fois comme centre de pèlerinage et comme place commerciale. Entre-temps, Pibon se faisait l’apôtre convaincu de la dévotion à Saint Nicolas, lui dédiant un autel à Toul même, en l’abbaye Saint-Léon, à Pierre-la-Treiche, à Neufchâteau.

L’épisode de la délivrance miraculeuse, en 1240, d’un croisé, le comte lorrain de Réchicourt, prisonnier des musulmans, accrut encore la renommée du pèlerinage, et c’est pour commémorer le prodige que fut instituée la procession aux flambeaux du 5 décembre au soir.

Revenant de la Croisade, le bon roi Saint Louis fut pris avec sa famille par une violente tempête. Joinville raconte, au chapitre 124 de son Livre, la suggestion qu’il fit à la Reine pour échapper à ce péril :" Dame, promettez un pèlerinage à Monseigneur Saint Nicolas de Varangéville, et je vous garantis que Dieu vous ramènera en France avec le Roi et vos enfants. "La tempête s’apaisa".

Quand la Reine fut revenue en France, elle fit faire une nef d’argent à Paris. Il y avait dedans le Roi, la Reine et les trois enfants, le tout en argent ; les mariniers, les mâts, le gouvernail, les cordes et les voiles toutes cousues à fil d’argent. La Reine me l’envoya à Joinville pour la faire porter à Saint Nicolas ; ce que je fis. "

Sur le point de partir pour sa prodigieuse chevauchée, Sainte Jeanne d’Arc s’en vint, un jour de février 1429, à Saint-Nicolas-de-Port, en compagnie de Jacques Alain et de Durand Laxart, implorer le céleste patron des voyageurs.
Tous nos Ducs de Lorraine ont voué un culte de fidélité au Saint Évêque de Myre. Si le Roi René, à son retour de captivité, lui offrit un bras-reliquaire en argent, tout rehaussé de pierreries, son arrière-petit-fils, René II, fit mieux encore. Parti de Saint-Nicolas-de-Port avec ses troupes, pour prendre à revers Charles le Téméraire qu’il devait tailler en pièces, sous les murs de Nancy, le 5 février 1477, notre Duc s’était placé sous la protection de Saint Nicolas et avait distribué aux compagnies des fanions à son image.
La victoire une fois acquise, "il en appropria l’honneur, dit la chronique, à Monseigneur Saint Nicolas, le réputant Père du Pays, Duc et défense de Lorraine".
Cette citation à l’ordre de l’armée est considérée comme la charte décrétant, pour des siècles, Saint Nicolas Patron officiel de la Lorraine. Et le monument qui le commémore, toujours debout, est l’une des plus remarquables églises de l’Est de la France.

La basilique de Saint-Nicolas- de-Port, immense vaisseau de cathédrale, fut construite de 1481 à 1518, grâce aux générosités de la famille ducale, des Cantons suisses, de la riche bourgeoisie de Port et de la Lorraine entière. Et l’empereur Charles Quint s’intéressait encore personnellement en 1547, à des travaux d’embellissement. Les siècles y ont accumulé des trésors d’orfèvrerie, la plupart, hélas ! dilapidés à la Révolution.

Si la vénérable église subit l’outrage des guerres, elle s’honore d’avoir été continûment le sanctuaire national de notre petite patrie. Nombreux aussi furent les Rois de France, les Empereurs, les Princes de toute l’Europe venus s’agenouiller sous ses voûtes

Cependant, l’église était avant tout centre de pèlerinage. En 1583, le cardinal Charles de Vaudémont y amène en procession tous les habitants de Toul. Quatre mille Allemands y arrivent aussi en groupe. Le jubilé de 1602 y attire 200 000 fidèles avec 6 000 prêtres. Mais, ce à quoi le bon Saint demeurait sans nul doute le plus sensible, c’était le concours incessant des pèlerins individuels. On y venait de très loin ; des prisonniers libérés, entre autres, apportaient leurs chaînes en ex-voto. L’envoyé du roi de Bohème, passant à Port en 1434, estimait que 50 chariots ne suffiraient pas à emporter cette ferraille. Saint-Nicolas-de-Port était aussi un pèlerinage expiatoire auquel les tribunaux flamands condamnaient certains de leurs clients.

Plus sympathiques nous apparaissent ces pèlerins des Vosges qui, s’en allant pieds nus à Saint-Nicolas, faisaient escale à l’hôpital routier de Domptail.
Par fierté patriotique, les Lorrains voulurent avoir à Rome, comme les Français à Saint-Louis, leur sanctuaire national. En 1622, ils obtinrent du Pape Grégoire XV que l’église de la place Navone fut affectée " au service de la nation des Lorrains ".
C’est ainsi que les Vosgiens allant à Rome ne manquent pas de visiter ce sanctuaire, dont le plan même figure une croix de Lorraine. Il nous souvient de l’accueil chaleureux que nous y faisait naguère Mgr Fourier Bonnard, recteur de Nicolas-des-Lorrains, enfant de Mattaincourt. Et quelle émouvante surprise de découvrir, sur les dalles, les noms de Vosgiens originaires de Belmont-sur-Vair, de Girecourt, de Parey-sous-Montfort reposant là !

Une Lorraine dévolue à Saint Nicolas

C’est toute la Lorraine qui a voué, au cours des siècles, une dévotion fervente à Saint Nicolas. Dans l’ancien diocèse de Toul, il était le patron de 64 paroisses, 1 abbaye, 2 collégiales, 105 chapelles, 4 hôpitaux et 90 confréries. Chez nous, il est titulaire des églises de Charmes, La Croix- aux-Mines, Dompaire, Grandrupt, Mazelay, Neufchâteau, Plainfaing, Planois, La Rouillie, Rugney, Tignécourt et Xaronval ; patron secondaire de Bruyères, Fresse, Liézey et Mirecourt.

Darney posséda, jusqu’en 1789, un chapitre canonial de Saint Nicolas, Lorraine, fondé en 1308 par Thiébaut II, duc de Lorraine. Dans la dépendance des plus de ce chapitre, existait une chapelle de Saint-Nicolas aux Vallois et à Viviers-le-Gras. On en trouve de même à Autrey, Baudricourt, Liffol-le Grand, Mirecourt (la Oultre, 1426), Rambervillers, Remiremont, Senones. De nombreuses confréries de Saint-Nicolas faisaient à sa fête une procession où l’on portait statuettes de bois doré et bâtons de confrérie, dont Hadol garde une pièce remarquable.

De ces manifestations de piété, le culte de Saint Nicolas avait gagné la vie sociale et professionnelle de nos ancêtres, et surtout le folklore. Faut-il citer les noms de famille, dérivés de Nicolas ou de son diminutif, si fréquents en Lorraine Petitnicolas, Jeancolas, Grandcolas, etc. ?... Il était le protecteur des bateliers, tonneliers, voyageurs et pèlerins. Tours et bastions de villes fortes portaient son nom - et c’était une sauvegarde - comme à Épinal, à La Mothe. En 1525, les Spinaliens applaudissaient au théâtre le Miracle de Saint Nicolas.

Il s’ensuit que l’iconographie du Saint Évêque de Myre est extrêmement abondante chez nous. Si l’on excepte les statues de Sainte Thérèse et de Saint Antoine de Padoue, que leur banalité met absolument hors concours, celles de Saint Nicolas sont de beaucoup les plus répandues dans nos églises. Plutôt que d’en faire l’inventaire, indiquons seulement qu’échelonnées du XVe au XVIIIe siècles, elles sont souvent d’un art rural, plein de sève vigoureuse et de fraîcheur. Il est clair que, dans la pensée de nos imagiers. Saint Nicolas, évêque oriental, s’était fait naturaliser Lorrain !


Représentations de Saint-Nicolas

La représentation la plus courante et la plus populaire est celle de l’évêque, bénissant à ses pieds les trois enfants debout dans leur saloir. C’est là un exemple typique de la réaction de l’art sur la légende. Pour évoquer le miracle fameux de la délivrance des trois officiers, les premiers artistes, suivant la tradition médiévale, campèrent le Saint en grande taille et les captifs tout petits, par déférence, la tête émergeant seule d’une tour simulant la prison.
Ce sont les fidèles qui, peu au courant dudit miracle, imaginèrent naïvement une nouvelle légende. Les trois officiers devinrent trois enfants et la tour, un saloir. "Ils étaient trois petits enfants qui s’en allaient glaner aux champs ! " On suit la métamorphose, à partir du récit de Wace, trouvère normand du XI° siècle, et du sermon de Saint Bonaventure au XIII° siècle.

Ainsi voit-on figurer Saint Nicolas sur une trentaine de beaux calvaires de la Plaine, de la fin du Moyen Age. Croix de pierre ouvragée près de la fontaine, au long des chemins, et du haut desquelles le bon Saint bénit encore la vie du village, comme il protégeait jadis des brigands et des loups. Relevons, pour nos Vosges, quelques particularités iconographiques. La statue de l’église d’Urville est la seule, à notre connaissance, où Saint Nicolas, avec les enfants à ses pieds, tient en plus les trois bourses, gentil souvenir de sa première "b.a." !

A Rambervillers, la belle boiserie, classée M. H. du XVIIIe siècle, présente en 5 panneaux les miracles les plus connus, dont celui, authentiquement lorrain, du comte de Réchicourt.

Et voici à la chapelle du ChipaI, près de La Croix aux Mines, le miracle du blé. Ce tableau, peint sur bois, nous paraît être de la main (ou de l’atelier) de Claude Bassot, peintre vittellois du début du XVIIe siècle. C’est la transcription littérale d’une page de la Légende dorée de Jacques de Voragine. Lors d’une famine sévissant à Myre, le Saint Évêque, pris de pitié, enjoint à des marins d’Alexandrie qui font escale, de décharger ici leur cargaison de blé, destinée pourtant à Constantinople.
Le capitaine de se récrier et le Saint de lui dire doucement"faites ce que je vous dis et je vous promets, au nom de Dieu, que les douaniers impériaux trouveront intacte votre livraison".

Le pauvre homme s’exécute et tire de son bateau de quoi ravitailler Myre pendant deux ans et repart, toujours chargé à pleins bords. Tout en haut du tableau, une banderole "Fame pereuntium salus - Salut de ceux qui meurent de faim", titre ce miracle d’exquise bonté, dont nos confrères feront mémoire dans leur Bréviaire, à l’antienne 7 de Matines, le 6 décembre.
Il va sans dire que les images d’Épinal, répandues à profusion à travers le monde, ont fait la joie des enfants, en leur présentant de façon naïve le grand Saint qui les aime tant. Évoquant sans doute ces images qui ont bercé l’enfance de ses ancêtres bressauds, Paul Claudel dit, dans son poème " Corona benignitatis anni Dei " " Voici l’hiver tout à fait - et Saint Nicolas qui marche entre les sapins - avec ses deux sacs sur son âne - pleins de joujoux pour les petits Lorrains ".

Pour tout dire, si dans la Chrétienté entière et en notre Lorraine en particulier, Saint Nicolas a gardé constamment une telle faveur, c’est par rayonnement de la bonté même de Dieu qui transparaît dans toute sa vie. Mais il le doit aussi aux charmes de la légende qui ont fait de cette vie un livre d’images aux merveilleuses teintes de vitrail.

29/11 /10 Nouvelle Encyclique sociale (Encyclique sociale : Caritas in veritate)
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Le Pape Benoit XVI a publié ce mardi 7 juillet 2009 l'encyclique "Caritas in Veritate" (La charité dans la Vérité). Ce document constitue une référence pour l'Eglise, enrichissant sa doctrine sociale. Premiers éclairages du Père Jean-Paul Mathieu, évêque de Saint-Dié.

La charité dans la vérité

Voici la nouvelle mise à jour de la position de l'Église sur la grande question sociale du développement. Un document profond et exigeant.

Après le Concile Vatican II et la réflexion des papes qui ont suivi, Benoît XVI revient sur l'apport de Paul VI sur le développement. Le contexte a beaucoup changé : au lendemain du Concile, à la fin des années 60, on parlait du « progrès »... Mais dès les années 70, la crise du pétrole a donné le départ des remises en question... , jusqu'à la crise financière actuelle. La mondialisation a rendu évidente l'interdépendance planétaire et nous engage sur des chemins de solidarité qui vont loin. Dès lors la question du développement n'est plus un problème à résoudre parmi tant d'autres : elle s'élargit pour devenir « développement humain intégral », et concerne toutes les dimensions de l'homme : conditions de vie et de travail, liberté personnelle et démocratique, capacité spirituelle... Le développement : les questions économiques ne se règlent pas toutes seules. Bien sûr, il y a l'économie de marché et ses règles, qui ne sont pas sans danger. Il y a la régulation apportée par le politique, avec ses lois, et ses moyens de redistribution (l'impôt) : le politique a aussi ses limites. Selon Benoît XVI, il faut compter sur la responsabilité de l'homme, sur sa capacité à vivre la gratuité et à faire place au don dans les relations économiques. L'horizon du « bien commun » n'est plus envisagé dans les limites familières d'une région ou d'un pays, mais à l'échelle planétaire. Car tout homme est un frère. Il est vaste, le champ de la charité. Adressée à tous les « hommes de bonne volonté », cette lettre se fonde en effet sur « la charité dans la vérité ». La vérité, car il faut mettre la raison au service de l'amour aussi bien chez les chercheurs, les financiers, les politiques...

Et il faut éclairer notre vision de l'homme à la lumière de l'Évangile. Benoît XVI invoque le « sens » de l'homme. Réduit à soi-même, à son habileté technique, à sa capacité à vivre un consensus politique, l'homme s'étiole. Tandis que s'il se perçoit comme « don de Dieu », sa capacité humaine prend toute sa dimension de liberté personnelle, et au sein de la famille humaine. Nous sommes dans la ligne de la première encyclique de Benoît XVI, « Dieu est amour », qui développait cette conception de l'homme cohérente avec la foi au Christ. Nous sommes dans la ligne de la recherche permanente du Cardinal Ratzinger et du pape qu'il est devenu, le lien entre foi et raison.

Cette encyclique nous apporte de quoi nourrir nos dialogues et nos rencontres avec « les hommes de bonne volonté », nos partenaires dans l'action. Elle aborde de nombreuses questions concrètes, pour le développement humain intégral. On évoque ainsi toutes les questions du développement, du travail et des délocalisations, de l'interaction des cultures, de la situation des pays pauvres confrontés à la faim, au problème de l'eau, du respect de la vie, de la liberté religieuse, du développement scientifique, du progrès, de l'écologie, de la mondialisation... Cette encyclique ouvre ainsi un large chantier qui envisage l'avenir sans défaitisme. À tous de s'y mettre, les politiques, les acteurs associatifs, chaque citoyen, chaque chrétien. Bonne lecture.

+Jean-Paul Mathieu, évêque de Saint-Dié

Pour ceux qui veulent une lecture rapide : voir le dossier spécial de la Conférence des Evêques de France ou de La Croix

Pour ceux qui veulent prendre le temps de lire toute l'encyclique : voir l'encyclique

31/10 /10 Sainte Menne (Témoins vosgiens)


Vierge

Pour Sainte Menne, comme pour la plupart des plus vieux Saints de notre calendrier, la partie historique se réduit à bien peu de chose.
Elle figure bien au Martyrologe de France, mais le détail de sa vie, pour dire vrai, nous échappe. L'ouvrage le plus ancien que nous possédions, et dont s'est parfaitement accommodée la piété de nos pères, consiste en une Vie du XIIe ou XIIIe siècle, où l'historiographe romain, consulté, ne voit qu'une « pauvre composition ». L'œuvre date, en effet, d'une époque où la critique historique, la chronologie comme la géographie n'existaient pas. Auteurs et fidèles étaient alors parfaitement accordés « en longueur d'onde » dans cet amour du merveilleux à la gloire des Saints. Sur le plan, hélas ! Plus profane et beaucoup moins sain, la manie du sensationnel de la presse d'aujourd'hui nous permet de comprendre cet état d'esprit.

Ceci dit, que pouvons-nous retenir de la vie de Sainte Menne ?... Éliminons, une fois pour toutes, la croyance, accréditée jusqu'au siècle dernier, à la parenté qui liait étroitement Sainte Menne de plusieurs autres Saints lorrains. Baccius et Lientrude, famille notable de la première chrétienté de Grand, auraient eu sept enfants : deux garçons, Elophe et Euchaire ; cinq filles, Gontrude, Libaire, Suzanne, Ode et Menne, la benjamine. Autant de personnages dont le culte est attesté de multiples manières en Lorraine. C'est uniquement pour davantage mettre en valeur et justifier leur sainteté personnelle, que les chroniqueurs les ont ainsi groupés gentiment en famille.

Née au pays de Soulosse, Sainte Menne, encore enfant, est confiée à Saint Memmie, évêque de Châlons-sur-Marne. Baccius, penserons-nous, est allé chercher bien loin une pension pour sa fille. Mais nos ancêtres, à la vitesse près, circulaient comme nous et beaucoup plus qu'on ne l'imaginerait. C'est à Châlons que se précisa la vocation érémitique de la jeune fille, qui reçut des mains de l'évêque le voile de religieuse. Contrairement à ce qu'on attendrait — et ceci souligne la probité et la discrétion de notre auteur — Sainte Menne n'est pas présentée comme fondatrice d'ordre. Elle passa toute sa vie dans la solitude la plus absolue, en Champagne, puis en Lorraine.
Lors d'une des persécutions, par quoi le paganisme tentait de s'opposer désespérément à la poussée de l'Évangile et dont Saint Elophe, Saint Euchaire et Sainte Libaire furent précisément les martyrs, Sainte Menne vint chercher asile dans le Saintois, en un lieu appelé Fontenet, à mi-chemin de Poussay et de Puzieux. C'est là qu'elle mourut, le 3 octobre d'une année qu'on n'a pas pris soin de nous préciser. On s'accorde toutefois à fixer cette mort à la fin du IVe siècle.

Sortant ici de la légende, Sainte Menne entre dans l'histoire avec son culte. A maintes reprises, et tout récemment encore à propos de Saint Mansuy, nous avons noté cette particularité du sanctoral. Si dès l'an mil, et donc bien avant la rédaction de ces « Vies » plus ou moins légendaires, l'Église sanctionnait par l'autorité de ses évêques les transferts de reliques, les pèlerinages aux chapelles, les guérisons miraculeuses, nous trouvons là l'articulation si délicate à préciser, entre la légende et l'histoire, la transition entre la pénombre et la pleine lumière. La critique moderne en convient et les fidèles de nos jours peuvent, en toute sécurité, continuer à porter leurs hommages et leurs prières confiantes aux Saints de ces premiers temps, issus du terroir et leurs protecteurs-nés.

La plus belle page du culte de Sainte Menne est assurément la translation de ses reliques à l'abbaye de Poussay, dont elle fut instituée la patronne par Saint Léon IX en personne.
Mais il y eut en Lorraine un autre lieu de culte, qui fut le sujet d'une querelle entre Dumast, érudit nancéien, et les évêques de Saint-Dié, au milieu du siècle dernier. Prés de Blénod-les-Toul, lieu présumé de la mort de notre Sainte, existait une chapelle dédiée à Sainte Menne et qu'un évêque de Toul, Hugues des Hazards, avait reconstruite et enrichie, au début du XVIe siècle. Seule l'imprécision des termes géographiques figurant dans la Vie de Sainte Menne avait permis à Dumast d'étayer sa thèse et les conclusions du savant chanoine Chapelier ont finalement clos le débat en faveur de Fontenet.

Vierge leuquoise incontestablement, elle demeure en honneur chez nous et son culte s'est répandu, non pas tant dans la Plaine — le fait est curieux — qu'aux abords de la Montagne. Elle est en effet titulaire des églises de La Chapelle, Deycimont, Jeuxey, Madecourt et jadis Valleroy-le-Sec (c'est aujourd'hui Saint-Jean-Baptiste).

La plus grande partie des reliques, avons-nous dit, est conservée à Puzieux et le chef à Mirecourt. A propos de ces reliques, vénérées ici ou là, signalons l'intéressant authentique de la châsse de Deycimont. « Prélèvement fait par Jacob Viriot, doyen de la chrétienté de Porsas (Poussay), chanoine de l'insigne église collégiale de Porsas, en faveur de Jean-François Pierrot, curé de Deycimont, proche Bruyères, dont Sainte Menne est patronne spéciale. D'accord avec l'abbesse qui a signé et apposé le cachet de Madame et du Chapitre, le 17 septembre 1679. Signé : Anne-Perrette Dumas. » Celle-ci fut élue abbesse de Poussay en 1638 et mourut en 1690. Outre le sceau à ses armes, figure sur belle cire rouge celui de l'Abbaye.

Pour l'iconographie de Sainte-Menne, en plus de la statue de pierre XVIIIe du portail de Valleroy, il nous plaît de signaler surtout l'admirable Évangéliaire qui a servi à Saint Léon IX en 1036. Il est actuellement conservé à la Bibliothèque nationale de Paris et fut très remarqué à l'exposition d'art lorrain au Louvre en 1948. Le texte en a été écrit et enluminé dans le dernier quart du Xe siècle à l'abbaye bénédictine de Reichenau, près de Constance. Quant à la couverture, elle est faite de plaques en or pur, rehaussée de cabochons de rubis et d'émeraudes. Encadrant une plaque d'ivoire où figure la Vierge à l'Enfant, tout à fait byzantine, quatre motifs en or repoussé représentent le Christ en majesté, Saint Pierre, Saint André et Sainte Menne. Sous une large auréole, notre sainte apparaît en orante, vêtue d'une longue robe aux plis serrés. Précisons, pour finir, que de tous nos Saints du diocèse, c'est la représentation la plus ancienne et la plus riche. Ce détail d'iconographie constitue tout de même un titre de gloire pour notre petite Sainte, par ailleurs si mystérieuse à l'aube du christianisme dans notre pays.

Centenaire de la translation des reliques de Sainte Menne à Puzieux

Les fêtes qui vont réjouir, du 14 au 16 mai 1961, la chrétienté de Mirecourt, Poussay et Puzieux, nous reportent à la fois à l'aube du christianisme dans notre diocèse et à la naissance de l'abbaye de Poussay.
Nous ne ferons qu'indiquer brièvement ce passé du IVe ou du XIe siècle, nous réservant d'y revenir, puisque c'est de la chapelle de Puzieux qu'il s'agit en fait aujourd'hui.
Vierge leuquoise du IVe siècle, Sainte Menne était venue finir ses jours dans un vallon, affluent du Madon, en un lieu appelé Fontenet, à mi-chemin de Poussay et de Puzieux.
Pendant six siècles, sa tombe fut vénérée dans toute la région, jusqu'au jour où l'évêque de Toul, Brunon, futur pape Saint Léon IX, vint procéder à la première translation de ses reliques.

Son antéprédécesseur Berthold, dont il était du reste le disciple, avait fondé aux environs de l'an mil un monastère de Bénédictines à Poussay. Comme il l'explique lui-même dans une lettre conservée, Brunon s'intéressa à ce jeune monastère. Il vint donc à Poussay pour consacrer l'abbaye à Notre-Dame, sous l'invocation de Sainte Menne, patronne liturgique. A cet effet, il se rendit à Fontenet, et après avoir relevé les reliques de la tombe, il les ramena en grande solennité à Poussay.
En souvenir de quoi les Religieuses, devenues Chanoinesses séculières au XVe siècle, célébrèrent désormais deux fois l'an la fête de Sainte Menne : le 3 octobre, jour de sa mort, le 15 mai, fête de la Translation. Cette date du 15 mai est admise par tous les historiens. Mais l'année est contestée, car le 15 mai 1026, comme l'indique l'épitaphe de la chapelle, Brunon n'était pas encore sacré évêque de Toul.

Quoi qu'il en soit, en dépit du transfert des reliques, Sainte Menne continua d'être vénérée à Fontenet. A l'antique chapelle, une autre avait succédé à la fin du Moyen Age, avec un ermitage où deux Solitaires veillaient à l'entretien du culte et accueillaient les pèlerins. Cette chapelle disparut à la Révolution, mais le savant chanoine Chapelier, curé de Mirecourt (1902-1912), à qui nous empruntons ces détails, en avait encore vu les restes. Une troisième chapelle enfin fut entreprise sous le Second Empire, dans le style néo-roman alors en vogue. C'est la jubilaire des présentes fêtes.

Comme les pierres de ces chapelles, hommage d'une fidélité bien lorraine, les reliques de Sainte Menne eurent leurs tribulations. Objet d'une grande vénération de la part du Chapitre noble, elles furent saisies à la Révolution. Transportée à Mirecourt en novembre 1793, par ordre du Syndic du District, la précieuse châsse fut expédiée à la fonte, à la Monnaie de Metz.

Par bonheur, trois notables mirecurtiens, MM. Bastien, Estivant et Thomassin, sauvèrent les reliques. Réparties dans diverses familles, elles y demeurèrent jusqu'en 1850, où l'abbé Deblay, le spécialiste diocésain des Reliques de nos Saints, procéda au regroupement du corps de Sainte Menne. Le 6 août 1850, Mgr Caverot authentiqua ces restes, et le 6 novembre 1861, la nouvelle châsse reprenait le chemin de Fontenet, où fut chantée une Messe solennelle. En suite de quoi, en raison de l'isolement de la chapelle, on conduisit la châsse, pour plus de sûreté, à l'église de Puzieux, où elle est toujours.

Il y manque toutefois la pièce la plus importante : le chef de Sainte Menne. Étant échu, en 1793, à Thomassin, il demeura dans sa famille, par autorisation bienveillante de Mgr Caverot. Le 9 novembre 1913, les descendants en firent don à l'église de Mirecourt. Vénérée depuis lors, dans sa petite châsse, la relique insigne a pris place à l'autel de Notre-Dame, aux pieds de l'admirable Vierge à l'oiseau tout récemment installée. Heureuse évocation de la première dédicace de Brunon à Poussay !

Cette paroisse, hélas ! Frustrée du « Palladium » qui l'avait protégée durant plus de sept siècles, aura néanmoins sa part des prochaines fêtes. Après une exposition solennelle du 7 au 14 en l'église de Mirecourt, le chef de Sainte Menne ira rejoindre les autres reliques venues de Puzieux, pour une cérémonie en l'église de Poussay, le dimanche 14 mai. Lundi soir, une procession interparoissiale marquera, avec l'ensemble des reliques ainsi reconstitué pour quelques jours, les arrêts traditionnels des Chanoinesses d'antan à l'Arbre de Sainte Menne et à la chapelle de Fontenet. Le mardi 16 enfin, Son Excellence Monseigneur Brault présidera à Puzieux la grande fête, avec Messe et Vêpres, qui chantera la mémoire de la Vierge leuquoise, douce aïeule dans la Foi de tout notre diocèse.

31/10 /10 Sainte Libaire (Témoins vosgiens)
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Vierge et Martyre

Comme Saint Pierre Fourier que nous étudions plus loin, la Sainte que nous abordons est entièrement vosgienne, ayant terminé sa courte vie sur les lieux mêmes de sa naissance, au pays de Meuse. Sainte Libaire présente de surcroît cet autre intérêt de nous reporter à l'aube même du christianisme dans notre région.
Elle naquit, en effet, et mourut à Grand, aux confins du diocèse et du département, où les historiens se plaisent à retrouver le plus ancien et le plus important foyer de civilisation des Vosges.

D'intéressantes trouvailles, fortuites le plus souvent, ont été, de tous temps, faites à Grand ; le XIXe siècle amena la découverte de la mosaïque la plus vaste que l'on connaisse en-deçà des Alpes, et des fouilles, actuellement en cours, mettent à jour un temple de proportions considérables consacré à Apollon.
Tout cela confirme l'hypothèse des archéologues du siècle dernier, selon laquelle Grand fut, après la conquête romaine, un centre de culte païen particulièrement actif, un lieu de pèlerinage très fréquenté, au point que sept voies romaines en divergeaient en étoile.

Lorsque, avec l'Édit de Milan en 313, l'Église obtint droit de cité dans tout l'Empire, on assista à un déclin progressif du paganisme. Suivant une disposition providentielle, il se trouva que les cendres de culte païen devinrent les premiers points d'insertion du christianisme, grâce au zèle des pionniers de l'Évangile, qui s'attaquaient précisément à ces citadelles de l'idolâtrie. Rappelons-nous Saint Paul à Ephèse, à Corinthe.
C'est ainsi que nous trouvons à Grand l'apparition du culte chrétien, dès le premier tiers du IVe siècle. Et Sainte Libaire en est le plus lointain et le plus vénérable témoin, au sens fort du terme.

Sans doute est-il malaisé pour les historiens de discerner, dans la nuit des temps, les premières lueurs de l'aube chrétienne qui s'est levée sur ce coin de Lorraine. On ne saurait prétendre posséder là-dessus les précisions incontestées qui se réfèrent aux Saints de Rome ou de Lyon.

Nous ne connaissons Sainte Libaire — comme bien d'autres « Saints de chez Nous » déjà vus ou encore à voir — que par une « Passion » écrite au XIe siècle, c'est-à-dire 700 ans après les événements !
Puisque nous parlons aujourd'hui de la « doyenne » de nos Saintes du Diocèse, ne serait-ce pas le lieu de faire, une fois pour toutes, le point sur ces « Vies », sur ces « Passions », qui foisonnent dans la littérature chrétienne, à partir de l'an mil ?

Tous ces écrits sont encombrés de longueurs, de clichés, de faits miraculeux qui se répètent étrangement, à la manière de scénarios, d'une oeuvre à l'autre. Il y a pourtant, au sein de toute cette gangue, une part appréciable d'histoire vraie. Que le rédacteur de telle « Vie » ait, dans un but d'édification et pour satisfaire au goût du merveilleux, enjolivé son récit au détriment de l'exactitude objective, cela ne nous autorise nullement à rejeter en bloc le contenu de sa narration. Par ailleurs, il convient de se garder d'une précipitation quelque peu iconoclaste qui scandaliserait les fidèles plus que la légende elle-même ne scandalise les historiens. C'est le cas des traditions régionales, reçues de temps immémorial et appuyées par les manifestions d'un culte permanent.

Dans le texte même de l'office concédé récemment par la Congrégation des Rites, se trouve donc authentiqué le fait du culte de Sainte Libaire.
De sa « Passion », copieusement enluminée par le pieux narrateur du XIe siècle, nous relèverons seulement un trait qui a passé dans l'iconographie et d'autres qui reviennent souvent, sans être plus vérifiables, dans la vie des Martyrs des grandes persécutions.

D'après la légende, Sainte Libaire aurait été une bergère. Notons d'abord que ceci l'apparente de façon bien sympathique à Sainte Jeanne d'Arc. Et puis, il n'y a rien d'invraisemblable, si l'on songe qu'aujourd'hui aux alentours de Grand, comme dans toute la région de Neufchâteau, abondent ces maigres landes où ne prospèrent que les genévriers, où les troupeaux de moutons font partie du paysage.

Chrétienne de la première génération, vivant dans le milieu païen de son opulente cité, il se trouva qu'un jour Sainte Libaire fut arrêtée et sommée d'adorer les divinités officielles. Toujours dans le but de grandir notre Sainte, la légende la fait comparaître devant l'empereur Julien l'Apostat qui, après de multiples interrogatoires, coupés de miracles et de conversions de soldats romains, la condamne à mort par décapitation en 361. Cette intervention de l'empereur à Grand même est historiquement fausse, pour des raisons de simple chronologie. Sainte Libaire aurait été plutôt victime de quelque proconsul bien en cour ou d'un ambitieux, ennemi du christianisme et sûr de son impunité.

Quoi qu'il en soit, le martyre de cette jeune fille, premier exemple dans la région, était un trop grand événement pour ne pas frapper l'imagination populaire et ne point survivre dans le souvenir des générations, demeurant attaché à des lieux que l'archéologie nous aide à préciser.
Le martyre aurait donc eu lieu sur la voie romaine, près de la deuxième borne milliaire, en direction de Soulosse. Les fidèles ramenèrent son corps pour l'inhumer avec honneur aux portes de la ville, là où s'élève la chapelle, inscrite à l'Inventaire des Monuments Historiques.

L'édifice actuel, héritier de plusieurs chapelles antérieures, date de la fin du XVe , et le cimetière s'était constitué tout autour, de préférence à l'église paroissiale ; simple fait, à l'encontre de toute coutume et qui est encore un hommage : la chrétienté de Grand tenait à reposer auprès de sa Patronne, pour ressusciter avec elle au dernier jour !

Le plus ancien document historique touchant le culte de Sainte Libaire remonte au XIe siècle. Lors de la consécration, en 1090, du maître-autel de l'abbaye Saint-Mansuy à Toul, l'évêque Pibon tint à y inclure des reliques de la première Martyre de son Diocèse.

Quatre cents ans plus tard, renouvelant à une heure grave le même geste de vénération, un autre évêque de Toul transférait en entier le corps de Sainte Libaire en sa ville. Grand subissait alors, comme toute la Lorraine, pendant une des Guerres de Religion, les ravages de bandes conduites par Frédéric, Comte Sauvage du Rhin (c'est le titre dont il se paraît !).
Les reliques furent sauvées de justesse et conduites à Toul par le Cardinal Charles de Vaudémont, en 1587 et déposées à l'abri des remparts dans l'église abbatiale Saint-Léon. Par un curieux destin, le précieux dépôt devait y demeurer deux siècles, à l'exception du fragment restitué à Grand par Mgr de Thyard de Bissy (1692-1704).

En 1719, tandis qu'une sécheresse exceptionnelle désolait la contrée, cette relique fut amenée processionnellement à Neufchâteau et exposée à la vénération des fidèles. A la fin de la neuvaine de prières, où se relayaient auprès de la châsse toutes les paroisses des environs, la pluie se mit à tomber. Heureux temps où l'on croyait si simplement à la vertu des Rogations comme au pouvoir d'intercession des Saints Locaux !

Voici un autre geste de la piété traditionnelle des gens de Grand, qui se situe en 1792. En pleine Révolution, ils allèrent à Toul revendiquer la totalité des reliques, se faisant fort de les garder plus sûrement dans leur village, que ne pourraient le faire les Toulois, devant les injonctions des spoliateurs jacobins. Ils eurent gain de cause et tinrent parole.
Imitant, sans le savoir, les Spinaliens que nous évoquions à propos de Saint Goëry, ils firent aussitôt faire une châsse de bois doré, qui demeura dans la chapelle jusqu'en 1851, où Mgr Caverot transféra les reliques à l'église paroissiale dans une nouvelle châsse. Pour confectionner celle-ci, il semble que l'orfèvre s'inspira d'un ravissant reliquaire portatif en argent, du XVe siècle, classé par les Beaux Arts.

Dans la grande châsse, on déposa, à côté des ossements, divers objets fort rares et également classés comme datant du XIe siècle. Citons notamment un peigne liturgique et une chaîne en cuivre ouvragé, offerte en ex-voto, ornée d'un bijou en émail d'une remarquable finesse, reconnu récemment supérieur à celui de même style que porte la fameuse statue en or de Sainte-Foy-de-Conques, en Aveyron.

Toute cette histoire des reliques témoigne de l'ancienneté et de la ferveur du pèlerinage de Grand. Mais il est un autre hommage impressionnant rendu à Sainte Libaire : le nombre et la dispersion des églises qui lui sont consacrées.
Déjà, dans notre Diocèse, Sainte Libaire est la patronne de Bayecourt, Grand, Lépanges, Ménil-sur-Vair, Padoux, Rancourt et Rambervillers.
Cette dernière paroisse s'honore d'avoir dédié à la Vierge de Grand sa belle église du XVe siècle et, plus récemment, son école libre de filles. Toujours, elle lui a gardé un culte fidèle, alors même qu'elle dépendait du temporel des Évêques de Metz. Ceci lui valut de recevoir de Mgr Caverot, le 6 juin 1851, plusieurs fragments notables d'ossements, conservés dans un reliquaire qu'on expose à la fête patronale.

Nous retrouvons notre Sainte, titulaire en maintes églises d'autres diocèses, certains fort éloignés.
- NANCY : Affracourt, Bralleville, Damelevières (Domina Libaria), Hammeville, Serres.
- STRASBOURG : La Brocque, de notre diocèse avant 1871.
- LANGRES : Courcelles-sur-Blaise.
- CHALONS-SUR-MARNE : Sainte-Livière, Vannault-le-Châtel.
- ARRAS : Ayette.

Il convient de faire une mention à part pour le diocèse de Meaux, dont une paroisse porte le nom de Condé-Sainte-Libaire (à 10 km de Meaux, sur la Marne). Désireuse de posséder des reliques de sa Patronne séculaire, elle envoya, en août 1700, une délégation à Toul. La requête agrée, ce fut, l'année suivante, l'occasion de grandes fêtes. Bossuet les présida le 25 octobre 1701, en célébrant la Messe pontificale au cours de laquelle il prononça le panégyrique de Sainte Libaire. Le texte n'en figure malheureusement pas dans les oeuvres complètes de l'illustre orateur ; on n'en connaît que le canevas écrit de sa main et conservé aux Archives de Meaux. Citons, à défaut, un extrait du procès-verbal de cette translation, scellé ce jour-là dans la châsse :

« Après l'adoration du T.S. Sacrement et notre prière faite devant la châsse que nous avons baisée en toute révérence, Nous avons expliqué au peuple, attiré de toutes les paroisses voisines à cette solennité, les causes de notre venue, pour exposer au culte public les sacrées reliques de Sainte Libaire, Vierge et Martyre, Patronne de ce lieu, enfermées dans cette châsse ... Puis Nous estant revêtu des ornements pontificaux, Nous avons assisté à la procession solennelle à laquelle la Sainte Relique a esté portée par les prêtres dans la grande rue de la Paroisse et dans la cour du Chasteau.... et Nous avons célébré pontificalement la Messe de la feste des Saintes Reliques …

† JACQUES-BENIGNE, Evêque de Meaux .»

On aimerait savoir si les paroisses indiquées ont conservé, outre ses reliques, quelques représentations de Sainte Libaire. Dans notre Diocèse, si souvent ravagé, peu d'objets d'art en subsistent.
Sans prétendre être complet, citons deux statuettes en pierre, du XVIe siècle : au tombeau de Saint Elophe et sur le calvaire de Viocourt. La Sainte y figure avec sa quenouille et des moutons à ses pieds.

La plupart des paroisses, dont elle est titulaire, ont son vitrail du XIXe siècle. De même, Rambervillers à sa statue réalisée par Dié Mallet, un enfant du pays.
L'art moderne est représentée, en vitrail, dans l'église de Bayecourt et à la basilique de Mattaincourt, parmi les principaux Saints du Diocèse.

Pour finir, il nous plaît de constater que chez nous demeure le culte de cette Sainte, notre douce aïeule dans la Foi, qui, du fond des âges, a rayonné bien loin à travers la France et à qui le grand Bossuet a rendu si bel hommage, au soir de sa vie.
Et cela nous console de savoir si peu de choses de la vie terrestre de notre première Martyre.

31/10 /10 Saint Ferréol et saint Ferjeux (Témoins vosgiens)


Martyrs

Tout comme Saint Desle, ces deux Saints sont un héritage de Besançon, archidiocèse qui englobait jadis la frange méridionale de notre département, et dont dépend encore le diocèse de Saint-Dié.
C'est pour perpétuer le souvenir de ce rattachement à l'Église-Mère que l'office des Saints Ferréol et Ferjeux a été réintroduit dans le nouveau Propre du 26 juillet 1957.

Les deux Saints n'ont, au bréviaire, qu'une courte notice historique, car on sait fort peu de choses sur leur vie. S'il est admis qu'ils moururent au début du IIIe siècle, leurs faits et gestes ne nous sont connus que par une « Vita » du VIe qui, selon l'historiographe de la Congrégation des Rites, n'a pas de valeur historique. Le jugement peutsembler sévère, eu égard à l'ancienneté reconnue de cette première source.
Faute de mieux, reportons-nous à la légende demeurée extrêmement populaire en Franche-Comté.

Originaires d'Asie Mineure, Ferréol et Ferjeux seraient venus en Gaule dans le sillage de Saint Irénée, lequel, comme évêque de Lyon de 177 à 203, est un personnage incontestablement historique. Cette première assertion de la légende est significative. Elle révèle la tendance, puérile peut-être, mais vraiment touchante, qu'ont eue les premiers diocèses à se rattacher à la tradition apostolique. Or, à Lyon, Saint Irénée était, « à la deuxième génération », le disciple de l'Apôtre Saint Jean, qui avait formé Polycarpe.

A peine installée sur la Colline de Fourvière, la jeune Eglise de Lyon se fit missionnaire. C'est ainsi que Sainte Irénée lança aussitôt ses disciples sur les voies romaines qui rayonnaient autour de la capitale des Gaules. Ne serait-ce pas l'occasion de rappeler que les voies romaines peuvent, de la carte, se transposer dans le temps et apparaître comme les lignes généalogiques portant filiation des plus vieux diocèses de France ?

Saint Ferréol et Saint Ferjeux, remontant la Saône, puis le Doubs, parvinrent donc dans la région de Besançon. C'était alors une ville fameuse. Capitale de la tribu des Séquanes, elle occupait avec sa citadelle dans la boucle du Doubs une position stratégique qui avait donné du fil à retordre à Jules César, lors de sa lutte contre Arioviste.

La lumière qu'apportaient les deux apôtres eut, comme partout, bien de la peine à percer les ténèbres du paganisme alors tout puissant sous le règne de Marc-Aurèle. Du long récit que nous fait là-dessus la légende, retenons ce détail qui donne à la jeune Église de Besançon un trait de ressemblance avec la Rome des Catacombes. Pour échapper à la police impériale, nos deux Saints s'établirent dans une de ces grottes qui, aux abords de la ville, se voient encore aujourd'hui, accrochées aux falaises calcaires des méandres du Doubs.

C'est là qu'ils réunissaient les fidèles pour la prédication, qu'ils célébraient les saints mystères. Mais un jour, leur zèle d'apôtres les jetant sur les chemins de la contrée, ils furent l'un et l'autre arrêtés. Traduits devant Claude, préfet de la Séquanaise et sommés de sacrifier aux faux dieux, ils furent torturés avec des pointes de fer et finalement décapités, vers l'an 212. On les ensevelit dans la grotte où ils avaient fait jaillir la première étincelle de vie chrétienne.

La mémoire glorieuse de ces deux martyrs se répandit dans toute la Gaule. Une messe en leur honneur figure dans un missel gallican du Ve siècle, et Saint Germain, évêque de Paris, leur consacre un autel au siècle suivant. Mais c'est à Besançon surtout qu'ils furent aussitôt l'objet d'un culte exceptionnel et d'un pèlerinage de tout temps fréquenté. Et le diocèse entier les vénère comme ses saints Patrons, au sens le plus précis du terme, tout ensemble, comme pères dans la foi et comme protecteurs séculaires.

Si on peut mettre en doute l'authenticité de leurs faits et gestes, de tous les miracles classiques que leur attribue complaisamment la légende, personne ne conteste qu'ils sont les apôtres de la Franche-Comté. Comme il arrive pour tous les Saints, la mission de Saint Ferréol et de Saint Ferjeux ne s'est pas terminée à leur mort. Il est naturel à l'homme, même dans l'au-delà, de s'attacher à ce qui lui a coûté.
Sur la terre qu'ils avaient fécondée de leur sang, les deux Martyrs furent, au long des âges, constamment propices aux appels qui montaient vers eux, que ce fût dans le domaine surnaturel ou sur le plan temporel, à travers les guerres et les épidémies. Deux interventions sont restées célèbres dans les annales de la Cité : en 1575, lors de l'irruption des Calvinistes ; en 1849, pendant le choléra, à la supplication solennelle du Cardinal Mathieu.

Les reliques de Saints Martyrs sont conservées à Besançon, tant à la Cathédrale et à Notre-Dame, qu'à la Basilique érigée en leur honneur aux portes de la ville, de 1884 à 1901. En guise de féal hommage, c'est sur le chef de Saint Ferréol qu'au Moyen Age les archevêques prêtaient serment à leur intronisation.
Entre-temps, des parcelles de reliques avaient été dispersées à travers le vaste diocèse, dont dix-huit paroisses ont Saint Ferréol et Ferjeux comme titulaires. Mais toutes les églises célébraient, sous le rite double de première classe, la fête des deux Patrons du Diocèse.

Or, on sait que la partie méridionale de la Haute-Marne et, chez nous, une trentaine de paroisses situées sous l'arcade des Faucilles (pratiquement le bassin de la Saône), firent partie du diocèse de Besançon jusqu'au Concordat de 1801. C'est ce qui explique que la paroisse de Pisseloup, au diocèse de Langres, est dédiée aux Saints Ferréol et Ferjeux, et de même chez nous la paroisse d'Haréville-sous-Montfort. Puisqu'il s'agit là d'une particularité unique dans les Vosges, relevons d'autant plus volontiers les bribes d'histoire se référant à notre sujet.

Remarquons d'abord une anomalie. Traditionnellement Haréville appartenait au diocèse de Toul, archidiaconé de Vittel. Toutefois, une pièce du XIIIe siècle, conservée à la Bibliothèque nationale, la mentionne comme étant de Bourgogne. Ne serait-ce pas dès lors à la faveur de cette appartenance passagère qu'y serait venu le culte des deux Martyrs bisontins ?

Autre chose curieuse, la piété des gens semble les avoir dissociés, alors que la légende en fait même deux frères. A 2 km à l'est d’Haréville, sur la voie romaine de Langres à Strasbourg, existaient jadis une chapelle et une fontaine, dédiées au seul Saint Ferjeux, où l'on venait en pèlerinage le 16 juin.

De la première église d'Haréville, nous ne savons rien, sinon qu'elle disparut à la Révolution et fût rebâtie en 1842. Sous le porche, on encastra une jolie petite pierre votive avec l'inscription « Saint Forgeot, priez pour nous. L'an 1657 ». On ignore si elle provient de la première église ou de la fontaine.

L'origine est aussi incertaine pour la statue qui domine l'autel secondaire, coté Église. Saint Ferjeux, qu'on a appelé tour à tour Ferjus, Forgeot ou Forget, y est représenté en diacre, avec la palme du martyre et le livre des Évangiles ; pierre polychrome et dorée de la fin du XVIe siècle. Il semble, à tous ces détails, qu'à Haréville le diacre ait pris le pas sur le prêtre Saint Ferréol. Curieuse préséance dont, sans nul doute, ne se formalise point ce dernier qui, d'ailleurs, est invariablement cité le premier au Bréviaire comme au Martyrologe.

07/10 /10 Baptême d'adulte : témoignage de Céline (Témoins vosgiens)


Céline-Sarah a été baptisée à la Veillée Pascale le samedi Saint 3 avril 2010. Témoignage de son parcours.

Ma demande de baptême fut une demande bien réfléchie. En effet, c’est quelque chose que je souhaitais depuis ma plus tendre enfance : comme une évidence. J’ai été d’ailleurs scolarisée dans une école privée en primaire, où était enseigné le catéchisme.
J’ai toujours cru en Dieu. D’ailleurs, il a toujours été présent pour me guider et exaucer mes prières dans les moments où j’étais dans l’incapacité à résoudre seule mes problèmes.

Le déclic de me faire enfin baptiser fut le baptême de nos enfants. Et c’est à la suite du baptême de notre petit dernier que ma décision de franchir ce cap fut prise. J’ai fait part de mon désir au Père François qui m’a d’abord laissé un temps de réflexion afin que je sois bien sûre de mon choix.
J’ai légèrement hésité à cause de mes horaires de travail pensant que cela pouvait être un frein au bon déroulement de nos rencontres mensuelles. Je lui ai donc confié mes craintes et celui-ci m’a très vite rassurée. L’heure tardive à laquelle j’étais disponible pour les réunions n’était pas un obstacle. Je tiens vraiment à préciser que l’Église s’accommode en fonction de nous.

Mon cheminement

Ainsi débuta en mai 2008 mon chemin vers le baptême : le catéchuménat. Nous formions un petit groupe de huit personnes composé de membres de la paroisse et de proches de la famille. Lors de nos rencontres, nous échangions nos points de vue et questions avec comme support des fiches portant sur différents thèmes, spécialement conçues pour les catéchumènes. Ces moments étaient très conviviaux et enrichissants.

Ma préparation était ponctuée de différentes étapes pendant ces deux années comme mon entrée à l’église en mars 2009 où j’ai été accueillie par les paroissiens durant la messe. Ce fut un moment particulièrement émouvant pour moi. Puis, il y eut ma profession de foi et la remise du « crédo » à la maison diocésaine d’Épinal, puis la remise du « notre Père » pendant la Veillée de Noël.
Mon appel décisif eut lieu à Mirecourt par le père évêque en février 2010 et enfin les trois scrutins qui ont précédé mon baptême à la Veillée Pascale de cette année 2010.

En plus de nos rencontres à notre domicile, nous étions conviés à nous réunir entre catéchumènes et membres du catéchuménat environ une fois par trimestre où certaines étapes étaient célébrées pour certains. Nous faisions connaissance et prenions un temps de réflexion en petits groupes sur un thème donné. Cela permettait de nous retrouver entre « futurs baptisés » et de partager nos émotions et notre histoire.

Mon baptême

Malgré mon trac, mon baptême s’est déroulé à merveille et ce fut un moment inoubliable. Je suis très heureuse de l’avoir vécu. C’est une très belle expérience pour moi qui me laisse des souvenirs poignants pleins la tête…
Au premier abord, deux ans paraissent longs mais cela va très vite et les rencontres sont très agréables à vivre. L’enjeu en vaut vraiment la chandelle.
Avant ma démarche, dans une église, je me sentais un peu mal à l’aise, comme si je n’étais pas à ma place, mais j’y étais tout de même attirée… je désirais aller plus loin... Depuis un bon moment maintenant, je m’y sens comme dans un cocon bien douillet et en sécurité. J’y suis bien intégrée et j’ai l’impression que mon baptême a changé ma vie. C’est pour moi comme une deuxième naissance. Je n’ai plus la même façon de penser et je me sens bien plus proche de Dieu. J’ai également pu avoir toutes les réponses aux questions que je me posais.

Mon baptême est sans doute une des meilleures choses que j’ai pu faire dans ma vie et je continue aujourd’hui sur le chemin de la confirmation…

Céline
Bulletin contact n° 251 - Paroisse Saint Maurice du Rabodeau